« Oppenheimer » de Nolan : n’allez pas voir le film que pour la scène d’explosion de la bombe, vous seriez déçus

CINÉMA - On sait Christopher Nolan allergique aux effets spéciaux numériques. Alors depuis l’annonce de son projet de film sur J. Robert Oppenheimer, avec Cillian Murphy dans la peau du père de la bombe atomique, les théories vont bon train : comment le réalisateur allait-il mettre en scène la fameuse première explosion nucléaire réalisée lors de l’essai Trinity dans le désert américain en 1945 ?

Les deux seules bande-annonces, vues en boucle plus de 40 millions de fois chacune rien que sur la chaîne Youtube des studios Universal, tournent d’ailleurs autour de cette séquence là. Ancrant encore un peu plus Oppenheimer comme un grand film d’action dans l’imaginaire des spectateurs.

Interrogé par le Hollywood Reporter sur la rumeur de l’utilisation d’une véritable bombe atomique pour le tournage, Christopher Nolan avoue avoir trouvé « flatteur que les gens pensent que je sois capable de quelque chose d’aussi extrême, mais d’un autre côté aussi un peu effrayant ». Mais il se plaît à garder le secret sur l’élaboration de « l’une des séquences les plus capitales » de son film. Tout juste sait-on que les expériences menées ont notamment consisté à filmer en très très gros plan des balles de ping pong se fracassant l’une sur l’autre, de la peinture projetée sur un mur ou des solutions de magnésium lumineuses.

Benny Safdie dans le rôle d’Edward Teller, pendant la scène de l’essai atomique de Trinity dans « Oppenheimer » de Christopher Nolan
Benny Safdie dans le rôle d’Edward Teller, pendant la scène de l’essai atomique de Trinity dans « Oppenheimer » de Christopher Nolan

Néanmoins ceux qui n’iraient voir le long-métrage, au cinéma ce mercredi 19 juillet, que pour son aspect visuel pourraient bien être un peu déçus. On ne doute pas que le cinéaste et son équipe ont passé beaucoup de temps pour reproduire une déflagration atomique en images réelles, les seules capables de « donner une dimension viscérale » et de « produire des effets évoquant la terrible menace et la beauté atroce de l’essai Trinity », décrit-il dans les notes de production.

Des rôles très nombreux

Mais la scène de l’essai atomique, que J. Robert Oppenheimer a mené à la tête du projet gouvernemental Manhattan dans une zone désertique du Nouveau-Mexique, le 16 juillet 1945, n’est pas vraiment le point d’orgue des 3 heures du spectacle. « Le film se distingue radicalement des autres projets de Christopher Nolan auxquels j’ai collaboré », décrit d’ailleurs le chef-opérateur Hoyte Van Hoytema. « Dans Interstellar, Dunkerque et Tenet, on mettait l’accent sur l’action. Oppenheimer relève davantage du thriller psychologique et s’attache aux visages des personnages. »

Christopher Nolan ne se voyait pas créer des personnages composite pour simplifier l’histoire et faire l’erreur d’attribuer certaines idées révolutionnaires d’un scientifique de renom à un autre. Ce qui explique la vingtaine de personnages aperçus dans le film, parmi lesquels :

  • Emily Blunt et Florence Pugh dans le rôle des femmes qui ont partagé la vie du physicien ;

  • Matt Damon en Leslie Groves, général de l’armée qui s’est vu confier la mission de diriger le Projet Manhattan ;

  • Robert Downey Jr. en Lewis Strauss, administrateur du prestigieux laboratoire de recherche de Princeton qui a embauché Oppenheimer après-guerre ;

  • ou encore Tom Conti en Albert Einstein dont la théorie de la relativité a rendu possible la fabrication de la bombe atomique.

Quant à J. Robert Oppenheimer, il est incarné par Cillian Murphy, acteur star de la série britannique Peaky Blinders et déjà vu dans 5 précédents films de Christopher Nolan (la trilogie Dark Knight, Inception et Dunkerque). C’est avant tout sur ce personnage central, scientifique brillant à qui l’ont doit une invention révolutionnaire qui a causé la mort de plus de 200 000 personnes et fait basculer la géopolitique dans une autre dimension, que réside toute la complexité du long-métrage.

Cillian Murphy (J. Robert Oppenheimer) et Emily Blunt (Kitty Oppenheimer) dans l’une des nombreuses scènes de son audition après-guerre
Cillian Murphy (J. Robert Oppenheimer) et Emily Blunt (Kitty Oppenheimer) dans l’une des nombreuses scènes de son audition après-guerre

« Je voulais plonger le spectateur dans l’esprit et la vie d’un être qui s’est retrouvé à l’épicentre des plus grandes mutations de l’histoire », détaille le réalisateur aux 11 Oscars. « Qu’on le veuille ou non, Oppenheimer est la personne la plus importante qui ait jamais vécu. Il a façonné le monde dans lequel nous vivons, pour le meiller et pour le pire. Et il faut se plonger dans son parcours pour y croire. »

L’allure d’un film de procès

Son héros était « tout sauf un homme simple », abonde Cillian Murphy. « Il fallait évoquer le périple éthique d’Oppenheimer qui cherche constamment à passer entre les gouttes tant qu’il collabore au Projet Manhattan, et puis, par la suite, parler de ses prises de position par rapport à la politique nucléaire de l’après-guerre, et montrer que ses changements de point de vue l’ont mis en porte à faux avec d’autres personnes. »

Le film explore l’histoire pleine de paradoxes et de dilemmes moraux du père de la bombe nucléaire de son propre point de vue. Christopher Nolan avait d’ailleurs écrit le scénario à la première personne et à l’écran, les scènes tournées du point de vue de Robert Oppenheimer sont en couleur tandis que celles de ses adversaires ou opposants sont en noir et blanc. Le long-métrage prend alors parfois l’allure efficace d’un film de procès - même s’il s’agit là plutôt d’une commission de révocation de son habilitation de sécurité en plein maccarthysme.

« Si le film permet au spectateur de comprendre pourquoi les personnages se sont comportés comme ils l’ont fait, il se demande aussi s’ils ont eu raison de le faire », veut croire Christopher Nolan, qui ne signe pas là un film purement historique comme certains l’attendaient, ni la claque visuelle que d’autres espéraient.

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