Opération Barkhane: quels sont les groupes jihadistes que Macron entend "décapiter" au Sahel?

Emmanuel Macron dans son bureau à l'Elysée. - Ian LANGSDON
Emmanuel Macron dans son bureau à l'Elysée. - Ian LANGSDON

À l'image de son implantation tentaculaire au Moyen-Orient, le terrorisme islamiste opère au Sahel sous de multiples facettes. Ce mardi à l'Elysée, en marge d'un sommet avec ses homologues des cinq grands pays de la région, le président Emmanuel Macron a affirmé sa volonté "d'aller décapiter ces organisations" jihadistes.

Le dispositif Barkhane, qui mobilise actuellement 5100 soldats français, poursuit sa difficile guerre asymétrique contre plusieurs factions regroupées sous la bannière du GSIM, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans. Cette nébuleuse chapeaute entre autres Ansar Eddine et la katiba Macina, qui ont prêté allégeance à l'organisation terroriste Al-Qaïda.

L'EIGS, "ennemi numéro un"

Sauf que ce GSIM, en plus de faire face aux forces militaires à la fois françaises et maliennes, tchadiennes, nigériennes, mauritaniennes et burkinabées, affronte un ennemi fratricide sur le terrain. Il s'agit de l'EIGS, l'État islamique au grand Sahara, qualifié dès janvier 2020 par Emmanuel Macron d'"ennemi numéro 1" de la France et de ses alliés dans la région. Contrairement au GSIM, dont la sphère d'influence se trouve au Nord du Sahel, l'EIGS terrorise le Sud et veut y créer un califat.

Cette organisation militaire jihadiste est née en mai 2015 d'une scission d'Al-Morabitoune, faction affiliée à Al-Qaïda dont l'un des commandants a prêté allégeance à Daesh et son "calife", Abou Bakr al-Baghdadi, tué en 2019. C'est là que résident les principales racines de l'antagonisme entre EIGS et GSIM: l'un se revendique de Daesh, qui opère toujours dans le désert syrien via des cellules clandestines, tandis que l'autre se redevendique d'Al-Qaïda, réseau terroriste ancien et dont les agissements au Sahel sont, initialement, à l'origine de l'intervention française au Mali en 2013.

Sous la houlette de son dirigeant Abou Walid al Sahraoui, l'EIGS s'est constitué petit à petit une force de quelques centaines puis quelques milliers d'hommes. En 2019, il a intégré l’ISWAP, l’État Islamique en Afrique de l’Ouest, qui compte dans ses rangs une partie du groupe Boko Haram au Nigeria. Impliqué dans plus de 500 actes violents en 2020 d'après France Culture, l'EIGS a su profiter des tensions ethniques locales, notamment en recrutant parmi les Peuls, cette population nomade prise pour cible par les Touaregs.

Comme Daesh a tenté de le faire en Syrie et en Irak en 2014-2015, l'EIGS propose une organisation et un corpus idéologique aux personnes habitant sur place. Charia et structures sociales en sont les principaux piliers. Sous la pression conjointe des forces du G5 Sahel et de la guerre violente que lui mènent les factions du GSIM, l'EIGS a vu son nombre d'attaques se réduire.

La nébuleuse GSIM

Le GSIM, quant à lui, est né en 2017 de l'agrégation de plusieurs groupes sous l'autorité de Iyad Ag Ghali, un charismatique chef touareg omniprésent au Mali depuis le début des années 1990. Parmi ces groupes, il y a Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), force jihadiste dont le public français a réellement pris connaissance en 2013 lorsqu'elle progressait vers Bamako.

Désormais, le GSIM (également connu sous l'acronyme RVIM ou Jnim) est l'une des filiales les plus actives d'Al-Qaïda dans le monde.

"C'est à ce jour l'ennemi le plus dangereux pour la Force Barkhane, pour les forces internationales et pour le Mali", convenait en novembre devant l'Assemblée nationale le général Marc Conruyt, commandant de la force Barkhane.

"Sur la base de ce qu'il a accompli, en continuant de s'étendre et d'exister malgré les agressives opérations de contre-terrorisme, Ag Ghaly fait partie des chefs d'Al-Qaïda les plus respectés" dans le monde, a récemment déclaré Rida Lyammouri, chercheur à l'institut néerlandais Clingendael, auprès de l'Agence France-Presse.

Plusieurs factions

En juin 2020, la France a revendiqué l'exécution du chef d'AQMI, Abdelmalek Droukdal, figure emblématique du jihad algérien depuis 20 ans. Sa disparition a confirmé l'ascendance du GSIM sur Al-Qaïda. Le GSIM a par ailleurs sous sa bannière plusieurs factions.

Il y a d'abord Ansar Eddine, au Nord du Mali, la katiba Macina au centre et la katiba Al-Morabitoune, qui opère plutôt au Nord du Niger. Le GSIM peut également compter sur des alliés tels que Ansaroul Islam, qui terrorise au Burkina Faso.

Lors de sa conférence de presse ce mardi, Emmanuel Macron a mentionné le dirigeant de la katiba Macina, Amadou Koufa, qui selon le président "utilise l'ambiguïté ethnique pour agréger des formations peules". Même méthode que l'EIGS, donc.

Capacité de résilience

Dans une étude consacrée au GSIM, l'Africa Center for Strategic Studies évoque, citant des experts, des revenus annuels évalués à "entre 18 et 25 millions de dollars, principalement via l'extortion sur les routes qu'ils contrôlent" et "dans une moindre mesure les kidnappings pour des rançons", rapporte l'AFP.

Le groupe, dont le nombre de combattants est estimé autour du millier voire au-delà, soit bien plus que l'EIGS, est par ailleurs extrêmement résilient. Il a perdu en novembre son "chef militaire", Bah Ag Moussa, abattu par la France. Un vrai coup dur, mais qui a permis de constater que le groupe savait anticiper le remplacement de ses cadres.

Qu'il s'agisse du GSIM ou de l'EIGS, les craintes exprimées par les autorités françaises sont les mêmes. Emmanuel Macron l'a résumé ainsi ce mardi:

"Notre objectif n'est pas de lutter contre tous les groupes qui peuvent exister dans la région; ce serait une guerre infinie. Notre objectif, c'est de lutter contre les groupes terroristes identifiés, qui menacent la stabilité des États souverains de la région et la sécurité des populations. (...) L'agenda du RVIM, affilié à Al-Qaïda, et de l'EIGS, ce n'est pas simplement Kidal ou Bamako, mais c'est de frapper plus loin, Abidjan, Dakar, d'autres horizons, et de continuer à prospérer."

Article original publié sur BFMTV.com