Obey, l'artiste ni prêt à se taire, ni à obéir

L'artiste américain Shepard Fairey, alias Obey, devant une affiche de Barak Obama, lors de l'avant-première de l'exposition "Obey: The art of Shepard Fairey" à la Fabbrica del Vapore, le 15 mai 2024 à Milan (GABRIEL BOUYS)
L'artiste américain Shepard Fairey, alias Obey, devant une affiche de Barak Obama, lors de l'avant-première de l'exposition "Obey: The art of Shepard Fairey" à la Fabbrica del Vapore, le 15 mai 2024 à Milan (GABRIEL BOUYS)

Il s'est fait connaître mondialement grâce à l'affiche de campagne de Barack Obama et voit aujourd'hui une de ses oeuvres reprises par l'extrême droite en France. Une "absurdité", dénonce la star du street art Shepard Fairey, alias Obey, plus activiste que jamais.

Lutte contre le racisme, défense du climat, dénonciation des impérialismes... L'Américain de 54 ans est de tous les combats via ses oeuvres déclinées sur les murs du monde entier, en posters, en T-shirts, en toiles ou sur des badges.

Qu'elle ne fut pas sa surprise en voyant sa "Marianne" trônant dans le bureau de Jordan Bardella, figure de l'extrême droite en France, dans une vidéo publiée avant un scrutin sous très haute tension.

"C'est totalement absurde, c'est tellement ridicule que ça en est difficile à croire", s'emporte l'artiste, interrogé par l'AFP pour le lancement de son exposition "Swan Song" à la galerie Itinerrance à Paris (jusqu'au 15 juillet).

Cette oeuvre - une Marianne sur fond bleu-blanc-rouge - a déjà une longue histoire: elle a été créée en geste de solidarité après les attaques de novembre 2015.

C'était d'abord une fresque dans le 13e arrondissement de Paris, quartier riche en fresques murales, avant d'être sérigraphiée.

Une reproduction a atterri dans le bureau d'Emmanuel Macron et a été vue par des millions de téléspectateurs lors d'une intervention du président à l'automne 2017.

Obey a dû se défendre de tout "parti pris politique", se disant du "côté des gens qui s'opposent aux injustices" quelques années plus tard.

- "Audace" -

"Mon travail a (déjà) été détourné à des fins politiques mais, généralement, il l'est d'une manière qui a du sens", dit celui qui détourne lui-même des slogans et s'inspire du graphisme de propagande.

"Mais l'audace de prendre une image qui parle de paix et de compassion après un attentat terroriste et d'adopter également le slogan français, qui est un beau slogan, +Liberté, égalité, fraternité+", me dépasse, confie-t-il, à propos de la vidéo du patron du Rassemblement national.

Pas question pour autant d'engager des poursuites. Une attitude qu'il adopterait aussi si Donald Trump utilisait une de ses oeuvres.

"Donald Trump est devenu ce qu'il est devenu parce qu'on lui a accordé trop d'attention. Il a la mentalité d’un nourrisson en colère", s'agace Shepard Fairey. "Si je devais intenter une action en justice contre Trump, s'il utilisait une de mes images, il transformerait cela en une victoire d'une manière ou d'une autre, en disant qu'il est persécuté".

Dans un contexte morose, avec une possible réélection du candidat républicain qu'il jugerait "désastreuse", Shepard Fairey croit plus que jamais en l'art et espère un sursaut citoyen pour ne pas entendre le fameux "chant du cygne" qui donne son titre à l'exposition.

Sursaut qui passe par le fait d'aller voter.

- "Allez voter" -

"Si vous êtes citoyen français et que, par le passé, vous n'avez pas voté parce que vous pensiez que cela n'avait pas d'importance, cela compte maintenant. Alors réveillez-vous et allez voter", lance-t-il.

Issu de la scène punk rock et de l'univers du skate, Shepard Fairey a percé dans le street art avec ses autocollants barrés du mot "obey" (obéis). A prendre tout sauf au pied de la lettre.

A la manière d'un Keith Haring (1958-1990) qui vendait ses oeuvres très cher, réalisait des graffitis dans le métro new-yorkais et imprimait des posters pour dénoncer l'homophobie ou le nucléaire, Obey continue de réaliser des peintures murales là où il passe. Il a d'ailleurs laissé des traces lors de ce passage à Paris avec trois fresques.

En trente ans de carrière, il revendique 135 fresques murales, des centaines d'oeuvres illégales et... 18 arrestations.

Une manière de continuer à travailler dans la rue et de "rester connecté au plus de gens possible", tout comme sur les réseaux sociaux où il compte plus d'un million d'abonnés.

may/mch/ale