Nuri Bilge Ceylan, réalisateur des “Herbes sèches” : “Il faut sonder la noirceur et y enfouir les spectateurs pour qu’ils deviennent eux-mêmes source d’espoir”

Grand habitué de la Croisette ayant déjà reçu la palme d’Or à Cannes en 2014 pour Winter Sleep, Nuri Bilge Ceylan était de nouveau en sélection officielle cette année avec Les Herbes sèches, qui sort en salle le 12 juillet. Dans la lignée d’Andreï Tarkovski et d’Ingmar Bergman, le cinéaste turc explore la psyché humaine dans un long-métrage fleuve, d’une beauté plastique et d’une mélancolie bouleversantes. Il y met en scène Samet (Deniz Celiloglu), jeune enseignant dans un village reculé et enneigé d’Anatolie, qui désespère d’être muté à Istanbul et entretient des relations complexes avec certains élèves, ainsi qu’avec son collègue Kenan (Musab Ekici) et Nuray (Merve Dizdar), une jeune professeure et ancienne activiste. Nuri Bilge Ceylan, 64 ans, a répondu aux questions de Courrier international.

COURRIER INTERNATIONAL : Pourquoi avez-vous choisi de tourner de nouveau en Anatolie ?

Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan. . Nuri Bilge Ceylan
Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan. . Nuri Bilge Ceylan

NURI BILGE CEYLAN : C’est une coïncidence. J’avais déjà collaboré avec Akin Aksu [coscénariste] sur Le Poirier sauvage [sorti en 2018]. Par le passé, il a été affecté comme enseignant en Anatolie, et il avait tenu un journal. Je ne voulais pas forcément refaire un film sur un enseignant en Anatolie, mais c’était le destin.

Beaucoup de détails m’ont intrigué dans son journal : je voulais parler de la réalité qu’il raconte de façon crue et cruelle. Alors que ce type de sujet est d’habitude romancé, il n’y avait pas de “romantisation”, et cela correspondait à mon objectif. Il y a déjà beaucoup de films mettant en scène des enseignants idéalistes qui essaient de combattre l’ignorance et d’améliorer le niveau des personnes en région rurale, alors que dans ce journal cette approche-là n’existait pas.

Vos dialogues sont très denses et donnent à voir des confrontations entre différentes visions du monde, comme ce long échange entre Samet et Nuray, lors d’un dîner chez la professeure. Comment les mettez-vous en scène ?

Dans le journal original, la scène principale existait mais succinctement. Il y avait d’un côté une personne, Samet, qui avait une approche très individualiste, et de l’autre Nuray, quelqu’un de beaucoup plus engagé et qui défend la société dans son ensemble. Deux personnes qui essaient de créer une relation. Ce qui m’a plu, c’est d’essayer de mettre face à face ces personnes si différentes. Le film s’est élaboré à partir de ce point-là pour évoluer vers d’autres aspects. Je voulais donc que cette scène ait une densité telle qu’elle crée l’épicentre du film, et qu’elle ait une longueur qui allait forcer les limites des spectateurs.

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