Nord Stream : l’Ukraine derrière le sabotage des gazoducs ? Ce que l’on sait

Une des fuites sur le gazoduc Nord Stream 2, le 27 septembre 2022.
Une des fuites sur le gazoduc Nord Stream 2, le 27 septembre 2022.

INTERNATIONAL - Cinq mois après le spectaculaire sabotage des gazoducs russes Nord Stream en mer Baltique, le flou persiste. Ce mercredi 8 mars, l’Allemagne a déclaré enquêter sur un bateau suspect tandis que la veille, le New York Times a imputé l’attaque à un groupe « pro-ukrainien », ce que nie Kiev. Le Huffpost revient sur ce que l’on sait de ces explosions et sur les dernières révélations.

Que s’était-il passé ?

Le 26 septembre 2022, quatre énormes fuites de gaz précédées d’explosions sous-marines avaient été détectées dans ces conduites reliant la Russie à l’Allemagne et acheminant l’essentiel du gaz russe vers l’Europe. Une attaque avait rapidement été soupçonnée, suscitant des conjectures tous azimuts sur les auteurs de cette opération logistiquement complexe et diplomatiquement ultrasensible.

Washington avait soupçonné Moscou d’être derrière cette attaque, tandis que le Kremlin avait accusé les « Anglo-saxons ».

Depuis l’invasion de l’Ukraine par Moscou, le 24 février 2022, ces infrastructures énergétiques stratégiques ont été au cœur de tensions géopolitiques, attisées après la décision de Moscou de couper les livraisons de gaz à l’Europe en représailles présumées contre les sanctions occidentales.

Où en sont les enquêtes ?

Ce mercredi, l’Allemagne a déclaré qu’elle enquêtait sur un bateau suspecté d’avoir acheminé les explosifs sur le site, sans pouvoir encore tirer de conclusions sur l’identité des auteurs. Cette annonce du parquet fédéral allemand marque la première avancée officielle dans les investigations que mènent conjointement les justices de plusieurs pays.

Les procureurs de Karlsruhe, en charge des dossiers les plus sensibles, ont indiqué dans un communiqué avoir « fait fouiller un navire du 18 au 20 janvier 2023 », soupçonnant qu’il ait pu « être utilisé pour transporter des engins explosifs », ayant servi à faire sauter les gazoducs Nord Stream 1 et 2.

En dépit des perquisitions menées sur le bateau, « il n’est pas possible pour l’instant de faire des affirmations solides » sur l’identité des auteurs, leurs motifs ou la possible implication d’un État, s’empresse de préciser la justice allemande.

« L’identité des auteurs et leurs motifs font l’objet d’une enquête en cours », ajoute le parquet, précisant qu’« il n’est pas possible pour l’instant de faire des affirmations solides à ce sujet, notamment sur la question d’un pilotage étatique » de l’opération de sabotage. « Aucun soupçon ne pèse sur les collaborateurs de l’entreprise allemande qui a loué le navire », indique encore le communiqué.

Les fuites étaient toutes dans les eaux internationales, au large de l’île danoise de Bornholm et des côtes du sud de la Suède. C’est pourquoi des enquêtes judiciaires sont également en cours en Suède et au Danemark. Les autorités de ces deux pays ont confirmé un sabotage et les experts s’accordent à dire que seul un État a les moyens de mener une telle action.

Pourquoi l’Ukraine est suspectée ?

Ces déclarations de Berlin interviennent au lendemain de la parution d’un article dans le New York Times, qui sur la base d’informations obtenues par le renseignement américain a imputé ce sabotage à un « groupe pro-ukrainien ». Les auteurs derrière le sabotage des deux gazoducs seraient des « adversaires du président russe Vladimir Poutine », mais sans implication du président ukrainien Volodymyr Zelensky, précise le New York Times.

De leur côté, des médias allemands ont détaillé d’autres éléments de l’enquête judiciaire : selon l’hebdomadaire die Zeit ainsi que les chaînes publiques ARD et SWR, le bateau ciblé par la justice a été loué par une société basée en Pologne « appartenant apparemment à deux Ukrainiens ». De faux passeports ont été utilisés pour la location, selon les mêmes sources.

Une équipe de six personnes, composée de cinq hommes et une femme, dont des plongeurs, a embarqué à bord pour transporter et disposer les explosifs sur le site, croient savoir ces médias. Ils tirent ces informations d’entretiens « avec des sources dans plusieurs pays ».

Le bateau serait parti de Rostock, port du nord de l’Allemagne, le 6 septembre avec une équipe de six personnes à bord, dont des plongeurs et un médecin. Des traces d’explosifs ont été détectées « sur la table de la cabine » du bateau restitué « non nettoyé » à son propriétaire, écrit die Zeit. « Même si des pistes mènent à l’Ukraine, les enquêteurs ne sont pas encore parvenus à déterminer qui a mandaté » l’opération, souligne l’hebdomadaire.

Le ministre allemand de la Défense a appelé à la prudence : « Je conseille de ne pas tirer de conclusions hâtives », a déclaré mercredi Boris Pistorius. Même tonalité chez le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg qui exhorte à « attendre » l’issue des enquêtes « avant d’en dire plus sur les auteurs ».

Que répond l’Ukraine ?

« Bien que j’apprécie collecter d’amusantes théories du complet à propos du gouvernement ukrainien je dois dire : l’Ukraine n’a rien à voir avec l’accident de la mer Baltique et n’a aucune information sur des ’’groupes de sabotage pro-ukrainiens’’ », a tweeté Mykhailo Podolyak, conseiller du président Volodymyr Zelensky.

« Cela ne vient pas de notre action », a renchéri le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov, en marge d’une réunion européenne à Stockholm.

Et la Russie ?

Mercredi, le Kremlin a rejeté les informations de presse sur l’implication d’un « groupe pro-ukrainien », estimant qu’il s’agissait d’une tentative de « détourner l’attention » et « d’un coup médiatique coordonné ».

« Cette affaire n’est pas seulement étrange. Cela ressemble à un crime monstrueux », a poursuivi le porte-parole Dmitri Peskov, appelant à mener une « enquête transparente urgente ». Il a une nouvelle fois insisté pour que la Russie soit intégrée à l’enquête internationale.

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