En nommant Taylor Swift « personne de l’année », Time reconnaît l’influence de la pop culture sur nos vies

Qu’est-ce qui a bien pu pousser TIME à honorer Taylor Swift d’un titre presque toujours réservé à des personnalités politiques ?
MATT WINKELMEYER / Getty Images via AFP Qu’est-ce qui a bien pu pousser TIME à honorer Taylor Swift d’un titre presque toujours réservé à des personnalités politiques ?

INFLUENCE - Time serait-il un swiftie ? Le magazine américain a en tout cas nommé Taylor Swift « Personne de l’année 2023 ». Un choix dévoilé en milieu de semaine qui peut surprendre quand on voit la liste des précédents sélectionnés : Volodymyr Zelensky, Elon Musk, Joe Biden, Greta Thunberg ou encore Donald Trump. Qu’est-ce qui a bien pu pousser l’hebdomadaire à honorer une pop star d’un titre presque toujours réservé à des personnalités politiques ?

Le grand public français a beau avoir récemment découvert l’ampleur du phénomène Taylor Swift, la star domine le monde de la musique depuis plus d’une décennie – en 2013, New York Magazine lui décernait déjà le titre de « reine de la pop ». Mais même à l’échelle d’une telle célébrité, l’année 2023 a marqué une nouvelle étape pour la chanteuse.

Une force économique

Sa tournée mondiale phénomène, The Eras Tour, qui retrace l’ensemble de sa carrière, a ponctué l’année culturelle à coups de vidéos virales, de bracelets d’amitié, et de batailles contre l’algorithme Ticketmaster pour obtenir un précieux billet. Non contente d’engendrer plus d’un milliard de dollars de revenus, la série de concerts a même stimulé l’économie américaine, selon le président de la Fed, John Williams, qui a parlé en septembre d’un « effet Taylor Swift » sur le PIB américain.

Cet effet n’est pas passé inaperçu auprès des leaders d’autres nations. Dans une vidéo YouTube publiée en juin, le président du Chili demandait à la chanteuse d’inclure son pays dans sa tournée en Amérique du Sud. Une requête reprise par le maire de Budapest, ainsi que des leaders politiques au Canada et en Thaïlande.

Forte d’un fandom ultra-investi (parfois à la limite du raisonnable), la chanteuse transforme tout ce qu’elle touche en or, même sa vie privée. Quand sa relation avec le joueur de football américain Travis Kelce a été rendue publique et que Taylor Swift est apparue à l’un de ses matchs, le maillot du tight end des Kansas Chiefs a vu ses ventes augmenter de 400 %.

Appeler ses fans à s’inscrire sur les listes électorales

Mais la sélection de Time – d’habitude plus abonnée aux chefs d’Etat qu’aux people – interroge un aspect de l’influence de Taylor Swift qui a longtemps été une source de tension pour son image : son pouvoir politique. Celle qui a commencé sa carrière dans l’univers très conservateur de la country a mis plusieurs années avant de sortir de son silence à ce sujet. Une attitude qui lui avait notamment été reprochée lors de la campagne présidentielle de 2016 qui opposait Donald Trump à Hillary Clinton.

En 2018, elle a enfin pris position en soutenant une candidate démocrate dans la course au Sénat de son état d’adoption, le Tennessee. Depuis, la star utilise surtout son influence pour appeler ses fans à s’inscrire sur les listes électorales, un enjeu de taille pour les démocrates qui tentent de mobiliser les jeunes électeurs.

Quand, en septembre 2023, Taylor Swift a posté un message sur Instagram pour encourager ses followers à s’inscrire, le site Vote.org a vu sa fréquentation augmenter de 1 226 % dans l’heure après le post. Bien conscient du potentiel de soft power de la superstar, le gouverneur démocrate de la Californie, Gavin Newsom, a estimé que son influence sur l’élection présidentielle de 2024 pourrait être « profondément puissante ».

Un modèle d’indépendance

Le véritable pouvoir de Taylor Swift ne réside pourtant pas dans ses prises de position (ou dans ses absences de prises de position), mais plutôt dans ses actions. Dans le clip de sa chanson Lavender Haze, elle met à l’honneur un mannequin trans, Laith Ashley De la Cruz, qui y joue son compagnon.

Et ce n’est pas la première fois qu’elle apparaît en Une de Time pour sa couverture de la « personnalité de l’année ». En 2017, le magazine distinguait les « silence breakers », ces femmes qui avaient osé parler des violences sexistes et sexuelles qu’elles avaient subies. Parmi elles, Taylor Swift, qui sortait alors d’un procès très médiatisé contre un DJ qu’elle accusait d’agression sexuelle.

La chanteuse ne poste peut-être pas souvent de messages partisans sur les réseaux mais son parcours fait figure d’exemple pour son fandom, en grande majorité composé de très jeunes femmes. Lorsque les droits de ses premiers albums ont été cédés à Scooter Braun, producteur controversé en conflit avec la star, Taylor Swift a pris la décision inédite et risquée de réenregistrer tout son catalogue pour se réapproprier son travail et affirmer son indépendance. Un coup de maître qui, en plus de couper l’herbe sous le pied du manager, a permis à la chanteuse de faire de chaque nouvelle réédition d’album un événement qui nourrit toujours plus son aura.

Des « idées féminines plus lucratives »

Surtout, Taylor Swift offre, à travers les paroles de ses chansons, toutes signées par elle, un univers avec lequel s’identifier. Longtemps cible de moqueries pour ses histoires d’amour très médiatisées et ultra-référencées dans sa musique, la chanteuse a toujours assumé ses thématiques de prédilection. Comme l’écrit Time dans l’article qui accompagne sa Une, elle donne aux « femmes, et particulièrement aux jeunes filles, qui ont été conditionnées à accepter le rejet, le gaslighting [les manipulations] et le mauvais traitement d’une société qui néglige leurs émotions, la permission de croire que leur vie intérieure a de l’importance. »

À travers son choix, Time n’a, une fois n’est pas coutume, pas distingué un homme politique influent, mais enfin reconnu le pouvoir d’une superstar sur la vie de millions de personnes. Et à travers elle, le symbole qu’elle représente.

Taylor Swift le dit elle-même au magazine : « On a dit aux femmes que ce vers quoi on gravite naturellement [...] est plus superficiel que ce vers quoi les hommes stéréotypés gravitent. [...] Et qu’est-ce qui existe depuis la nuit des temps ? Une société patriarcale. Et qu’est-ce qui nourrit une société patriarcale ? L’argent, les revenus, l’économie. Donc si on observe tout ça de la manière la plus cynique, le fait que des idées féminines deviennent plus lucratives veut dire que plus d’art féminin sera créé. C’est extrêmement réconfortant. »

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