Nombre d'interpellations, policiers: pourquoi les violences actuelles sont plus intenses qu'en 2005?

Les émeutes qui ont éclaté dans plusieurs villes rappellent celles qui avaient secoué la France il y a près de vingt ans. L'intensité et la vitesse de propagation des violences sont toutefois supérieures à 2005.

Nombre d'interpellations, policiers: pourquoi les violences actuelles sont plus intenses qu'en 2005?

La France a connu dans la nuit de vendredi à samedi sa quatrième nuit de violences. Les autorités se préparent déjà de nouvelles émeutes dans les prochaines heures. Voitures brûlées, mobiliers urbains saccagés, bâtiments publics incendiés, commissariats attaqués, cette violence, qui s'est exprimée après la mort de Nahel à Nanterre, s'est propagée comme une traînée de poudre sur tout le territoire.

En à peine quelques heures, le gouvernement a vu réapparaître le spectre des émeutes de 2005 qui avaient éclaté dans les quartiers populaires à la suite de la mort de deux jeunes Zyad et Bouna en cherchant à fuir un contrôle policier. À l’époque, les violences avaient duré pendant trois semaines. Pour autant, les deux situations ne sont pas en tous points comparables, d'autant que les violences sont aujourd'hui tournées vers d'autres quartiers, jusqu'alors épargnés, et d'autres cibles, comme les commerces.

Des interpellations massives

En réponse à ces violences des derniers jours, le gouvernement a déployé d'importants moyens policiers. 45.000 fonctionnaires de police et de gendarmerie déployés, le Raid et le GIGN mobilisés, des véhicules blindés de la gendarmerie et des hélicoptères en appui, et à cela s'ajoute des interpellations massives.

À ce jour, depuis mardi, il y a eu plus de 2300 interpellations partout en France. Soit un chiffre presque comparable avec celui de 2005 mais sur toute la durée des émeutes. Pendant ces trois semaines de violences, les forces de l'ordre avaient procédé à 3200 interpellations en flagrant délit, selon les chiffres officiels communiqués à l'époque. Ce nombre d'interpellations s'explique, selon une source policière, par le nombre de forces de l'ordre déployées.

"C'est un mode opératoire des pouvoirs publics pour appréhender le plus en amont, note l'avocat Vincent Brengarth. Il y a eu une évolution du discours gouvernemental qui renoue avec une approche répressive." Pour l'avocat, cela présente un "double avantage" pour les autorités avec "une logique préventive visant à éviter les troubles" et un affichage des chiffres qui peut avoir "une finalité dissuasive".

Davantage de dégâts

Un autre indicateur peut illustrer l'intensité de ces émeutes, celui du nombre de policiers blessés. En 2005, 149 membres des forces de l'ordre avaient été blessés pendant les 24 jours d'émeutes. Rien que pour la nuit de jeudi à vendredi, il y en a eu près de 250. Dans la nuit de vendredi à samedi, il y en a eu 79. "Ils (les émeutiers, NDLR) viennent vraiment au contact, ils cherchent à récupérer un collègue pour faire l'exemple", confiait à BFMTV.com un policier orléanais.

"En face de nous, c'est une centaine de jeunes qui pensent qu'à cramer du flic, à brûler tout ce qui passe, ça fait peur", insistait-il encore.

La nuit de vendredi à samedi encore, de nombreux commerces ont été pillés. Lyon, Grenoble, Saint-Etienne, Marseille, Lens, Montreuil, Drancy, Paris... Le nombre exact de boutiques touchées ne peut pas encore être comptabilisé, les autorités attendant les dépôts de plainte pour faire un bilan, indique une source policière à BFMTV.com. Le ministre de l'Economie a reçu d'ailleurs les représentants des commerçants, des hôteliers, des assureurs ainsi que des banques françaises, et a annoncé une série de mesures pour indemniser plus rapidement les commerçants.

Les interpellations, une "stratégie de maintien de l'ordre"

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a adressé vendredi une circulaire pour détailler la réponse pénale "rapide, ferme et systématique" qu'il souhaitait à l'encontre des auteurs de violences urbaines. "On ne peut qu'être interpellé, note Me Vincent Brengarth. Cela porte atteinte à la séparation des pouvoirs et à la personnalisation des peines. Tout le monde déplore les violences mais il faut s'interroger sur la capacité de la justice pénale à apporter une réponse et une solution constructive à une situation complexe."

Les premières comparutions immédiates à la suite de ces interpellations ont confirmé ce qui se dessinait déjà: des émeutiers jeunes, à peine majeurs, au casier vierge pour de nombreux d'entre eux, qui expliquent avoir été entraînés dans cette spirale de violence. Dans de nombreux dossiers, les procureurs réclament de la prison ferme avec mandat de dépôt.

Pour d'autres, renvoyés pourtant devant une juridiction, il est impossible d'établir la matérialité de l'infraction. "On peut tout à fait faire un parallèle avec la répression policière dans le cadre des dernières manifestations", estime Me Claire Dujardin, présidente du Syndicat des avocats de France.

"On privilégie la garde à vue avec une réponse pénale", poursuit-elle.

Pour les avocats, cette "même stratégie de maintien de l'ordre", comme la qualifie Me Vincent Brengarth, que pendant la contestation contre la réforme des retraites, laissent à penser que des gardes à vue peuvent être considérées comme "arbitraires", notamment au regard de l'infraction choisie - participation à un groupe en vue de la préparation de violences contre les biens ou les personnes - "qui permet de placer en garde à vue plus facilement", selon Me Claire Dujardin. Les premières remontées des avocats qui assistent ces interpellés font état de "nombreuses arrestations mais pas forcément beaucoup de déferrements".

Article original publié sur BFMTV.com

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