Nicolas Sarkozy, jugé en appel dans l’affaire Bygmalion, a ressorti des archives de presse pour se défendre

Nicolas Sarkozy quitte la salle d’audience du palais de justice de Paris, le 24 novembre.
GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP Nicolas Sarkozy quitte la salle d’audience du palais de justice de Paris, le 24 novembre.

JUSTICE - Même Nicolas Sarkozy en convient : au jour de son interrogatoire dans le procès en appel de l’affaire Bygmalion, ce vendredi 24 novembre, les bancs de la presse (et du public) ne sont pas remplis. « Pendant la campagne de 2012, j’étais suivi par plein de journalistes. L’affluence d’aujourd’hui montre que mon influence a diminué », lâche-t-il, les mains collées au pupitre, au début de son audition.

Si la deuxième partie de ce constat se veut un trait d’humour, la première s’inscrit directement dans la ligne de défense de l’ancien président de la République : pour déterminer s’il y a eu, comme l’ont assuré des coprévenus, un « emballement » des dépenses de sa campagne perdue en 2012, il n’y a qu’à ressortir les articles de presse de l’époque. Et ce que ces derniers décrivent, d’après lui, c’est plutôt une campagne « d’une tristesse à mourir ».

L’ancien chef de l’État, interrogé à partir de 9h30 à la cour d’appel de Paris sur l’île de la Cité, n’est pas mis en cause pour le système de fausses factures au cœur de l’affaire, destiné à masquer l’explosion des dépenses de sa campagne. Mais il avait été condamné en première instance, en septembre 2021, à un an de prison ferme pour avoir dépassé le plafond légal de ses frais de campagne, sans tenir compte des alertes des experts-comptables.

Nicolas Sarkozy cite « Libération », « un grand ami »

Parmi ces dépenses, celle couvrant l’aménagement du QG de campagne de celui qui se présentait alors à un second mandat. Un « montant non négligeable », qui « doit normalement attirer votre attention », commence la présidente Pascaline Chamboncel-Saligue dès sa première question. Stylo à la main, le nez dans ses dossiers, l’ancien président énumère calmement des coupures de presse.

« 18 janvier 2012, Le Parisien parle “d’austères locaux”, “à la façade vieillotte”, avec une “moquette grise bon marché”. Challenges, un journal qui appartient au groupe Perdriel, propriétaire du Nouvel observateur, très engagé à gauche, parle de la “tristesse de la façade de l’immeuble des années 60”. “À l’intérieur, trente personnes tout au plus”, “une rupture avec le QG de 2007 dans les anciens locaux de Paco Rabanne.” Libération, un grand ami (quelques rires s’échappent dans la salle d’audience), parle d’un “modeste siège de campagne” », cite-t-il. « La seule consigne que j’ai donnée, c’est que je voulais un petit siège de campagne, parce que je sais par expérience que ceux qui demandent un grand bureau, ensuite ils n’y vont jamais », assure-t-il encore.

« S’il y a eu du caviar distribué, pourquoi la presse n’en parle pas ? »
Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy apparaît souriant aux suspensions d’audience, piochant dans des boîtes de gâteaux amenées par ses proches, alignant les « checks » à sa garde rapprochée comme à Guillaume Lambert, son ancien directeur de campagne et coprévenu. Mais le ton monte régulièrement lorsqu’il retourne derrière le pupitre, comme lorsque la présidente évoque la volonté du président d’organiser « un meeting par jour » pendant sa campagne de 2012.

« Je n’ai jamais vu une campagne où il n’y avait pas un événement par jour. La seule, c’est quand François Mitterrand s’est présenté la deuxième fois, et il était malade. Quand j’étais en meeting, François Hollande l’était ailleurs, et Marine Le Pen aussi », assène-t-il, visiblement agacé.

Cette campagne a-t-elle été « mirobolante » ? « Je conteste le côté extraordinaire de mes meetings ou réunions, même si je veux faire comprendre qu’une élection présidentielle n’est pas une élection municipale », tonne encore l’ancien président en agitant ses bras, avant de se replonger dans ses archives de presse.

« L’Humanité, qui n’est pas connu pour avoir milité fortement pour moi, écrit le 20 février : “Oubliées les envolées républicaines de 2007”, “le meeting de Marseille ne devrait pas rentrer dans l’histoire”. Et une dépêche AFP : “Le candidat version 2012 a adopté un ton plus sobre qu’il y a 5 ans, à l’image des meetings de soutien”, une “sobriété revendiquée”. S’il y a eu du caviar distribué, pourquoi la presse n’en parle pas ? Même les journaux engagés au service de Monsieur Hollande disent que c’est sobre », tempête-t-il.

« Je ne traite pas ça par-dessus la jambe »

Costume et cravate sombres sur chemise blanche, l’ex-président de 68 ans ne semble pas s’adresser qu’à la cour. Il regarde régulièrement sur sa gauche, où est assis son avocat Vincent Desry, et sur la droite, où se trouve l’avocat général. À la présidente qui remarque qu’il « connaît très bien les pièces du dossier » (« Vous avez les cotes en tête »), l’avocat de formation répond que son « honneur est en cause ». « Je ne traite pas ça par-dessus la jambe. Je me bats parce que je sais ce que j’ai fait. Ce n’est pas une plaisanterie pour moi, c’est sérieux, je suis devant la Cour d’appel de Paris », insiste-t-il avec gravité.

Selon Nicolas Sarkozy, le système de fausses factures a été mis en place dans son dos et celui de son équipe, non pas « pour (le) faire gagner », mais pour l’enrichissement personnel des proches de Jean-François Copé, notamment au sein de l’agence Bygmalion.

Et d’appuyer, encore une fois, sa démonstration en citant un article du Parisien daté du 12 avril 2012 : « “Depuis la mi-mars, il a fait ajouter à son tour de France de campagne des villes moyennes aux salles plus intimes. Ces ’petits’ meetings à l’ambiance cabaret, c’est le carburant de Nicolas Sarkozy.” Pour l’ambiance cabaret, avec 4 000 personnes, je ne sais pas… Mais c’est la presse qui le dit, et elle me suivait matin, midi et soir. »

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