"Drapeau satanique", enquête pour apologie du terrorisme: ce que l'on sait des accusations visant un imam du Gard

Gérald Darmanin a demandé le retrait du titre de séjour Mahjoub Mahjoubi, imam de Bagnols-sur-Céze (Gard) et vice-président du conseil départemental du culte musulman, en vue de l'expulser du territoire après un prêche controversé.

Une enquête préliminaire a été ouverte pour apologie du terrorisme a également fait savoir le parquet de Nîmes à BFMTV.

• Le drapeau français qualifié de "drapeau satanique"

Un signalement de la préfecture a été déposé le 16 février 2024 pour incitation à la haine raciale et apologie du terrorisme. En cause, plusieurs contenus dont une vidéo relayée sur les réseaux sociaux dans laquelle Mahjoub Mahjoubi qualifie lors d'un prêche le drapeau français de "drapeau satanique", qui n'a "aucune valeur auprès d'Allah".

"On n'aura plus tous ces drapeaux tricolores qui nous gangrènent, qui nous font mal à la tête", peut-on l'entendre dire.

Selon la préfecture, d'autres séquences sont visées, notamment la transcription de certains prêches.

• Il déplore "une maladresse de langage"

Sur BFMTV ce lundi soir, Mahjoub Mahjoubi a assuré que ses propos étaient un "lapsus". "En aucun cas, depuis mon parcours d’imam, je n’ai pensé une seconde que le drapeau français ou que la République étaient dérangeants pour moi. Bien au contraire, j’ai toujours défendu ces valeurs qui me sont très très chères", a-t-il rappelé.

Un peu plus tôt, il avait été interrogé par Midi Libre à ce propos. Mahjoub Mahjoubi regrettait "une maladresse de langage", "problème de formulation", "un propos qui a dépassé (sa) pensée".

Il a expliqué qu'il parlait de la Coupe d'Afrique des nations de football (CAN) où les "communautés algériennes et marocaines (...) brandissent des drapeaux tricolores". "Ça nous clive", s'est-il justifié, ajoutant: "J’ai donc dit que ces drapeaux nous gangrènent alors qu'on a besoin de faire la paix".

"J'aurais dû parler de drapeaux de différentes couleurs, cette polémique n'aurait pas eu lieu. En employant l'adjectif tricolore, j'ai pu faire croire que j'insultais le drapeau français. Je comprends que ça ait pu choquer. C'est un lapsus", a-t-il poursuivi.

"Il n'a jamais été question dans mes propos, ni de loin ni de près, de dire que le drapeau français est satanique. Je parlais du monde musulman et du football", a assuré l'imam.

• Darmanin veut le retrait de son titre de séjour

Dans un message posté sur Twitter dimanche 18 février, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé avoir demandé au préfet du Gard le retrait du titre de séjour de Mahjoub Mahjoubi.

"Aucun appel à la haine ne restera sans réponse", a écrit Gérald Darmanin sur X (ex-Twitter).

Il a également annoncé que le signalement par le préfet du Gard Jérôme Bonet au procureur de la République a été réalisé "sur (son) instruction".

Le titre de séjour Mahjoub Mahjoubi est valable jusqu'au 7 août 2029. Selon nos informations, la préfecture examine depuis la semaine dernière sa situation pour savoir si elle peut procéder à un retrait de ce titre de séjour.

• Installé en France depuis 1989

Comme le rapporte une source proche de l'enquête à BFMTV, Mahjoub Mahjoubi est de nationalité tunisienne. Il est arrivé en France il y a plus de trente ans, en 1989, et y vit depuis.

Il est mariée à une femme ressortissante tunisienne elle aussi, avec laquelle il vit aujourd'hui. L'imam est également père de famille d'enfants mineurs.

"Si on m'expulse, ça me fera mal au cœur parce que je serai traité injustement. J'ai défendu les valeurs de la France", exprime-t-il auprès de Midi Libre.

"J'ai manifesté mon désaccord total que ce soit avec les radicaux, les intégristes, Daesh et j'ai condamné l'assassinat de Samuel Paty ainsi que les évènements de Charlie Hebdo", ajoute-t-il.

• Dans le collimateur des autorités depuis plusieurs mois

Selon nos informations, l'imam Mahjoub Mahjoubi est dans le collimateur des autorités depuis déjà plusieurs mois, notamment en raison d'un travail de fond du renseignement territorial.

Depuis novembre 2023, cet homme, qui est également membre de l’Association des musulmans du Gard rhodanien (AMGR), a fait l'objet de deux autres signalements de la part de la préfecture du Gard, a appris BFMTV.

Le premier signalement remonte au 3 novembre dernier. La préfecture prévient le parquet de Nîmes que Mahjoub Mahjoubi a été condamné en 2015 à une interdiction de gérer une entreprise jusqu'en juin 2030. Or, d'après la préfecture, il semble qu'il occupe les fonctions de gestionnaire d'une entreprise de travaux en bâtiment, dont la présidence est officiellement confiée à son épouse.

Le 8 novembre, un contrôle administratif est ordonné dans la mosquée. Il donne lieu, à partir du lendemain, à la fermeture d'une école coranique qui accueillant des jeunes pour du soutien scolaire et des cours d'arabe, la préfecture mettant en cause des problèmes de sécurité et d'accueil de ce public. Officieusement, les autorités soupçonnaient que des discours séparatistes puissent y être tenus, selon nos informations.

Un deuxième signalement est déposé auprès du parquet par la préfecture le 17 janvier 2024. Il pointe un possible conflit d'intérêts entre la mairie, qui a accordé le bail à l'association régissant la mosquée pour une somme très peu élevée, et l'association. Et pour cause, le trésorier de l'association est un employé de la mairie.

• Les représentants du culte musulman dénoncent ses propos

Des représentants du culte musulman ont dénoncé ce lundi les propos tenus par l'imam du Gard. "Cet islam n'a jamais existé, l'islam reconnaît la diversité des religions, des nations, il est en porte-à-faux avec le message coranique", a dénoncé Tareq Oubrou, grand imam de la mosquée de Bordeaux, au micro de BFMTV.

"Normalement, un musulman doit respecter les nations, les cultures, le système culturel où il vit", a de son côté rappelé Tareq Oubrou, grand imam de la mosquée de Bordeaux.

"Ce monsieur ne connaît pas l'histoire de la France, il est à côté de la plaque", a regretté pour sa part sur RMC Abdallah Zekri, vice-président du Conseil français du culte musulman et délégué du CFCM à la mosquée de Nîmes. Il ajoute espérer une exécution rapide de l'OQTF.

Pour le vice-président du Conseil français du culte musulman, l'imam Mahjoub Mahjoubi "a dépassé la ligne rouge".

• Et maintenant?

Que va-t-il se passer maintenant? Si le titre de séjour est effectivement retiré à l'imam, deux possibilités se posent alors. Soit l'imam quitte de lui-même le territoire français, soit il peut être interpellé et placé en centre de rétention en vue d'être expulsé.

Le temps de cette procédure peut varier. Il dépend de nombreux facteurs comme la situation familiale et administrative de l'imam, notamment car il est père d'enfants mineurs, et également ses éventuels recours judiciaires.

Article original publié sur BFMTV.com