"Ce n'est pas qu'au cinéma": la DGSI alerte sur les espions russes qui sévissent sur Leboncoin

La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a alerté vendredi sur la présence d'espions russes sur les sites de petites annonces comme Le Bon Coin - Martin BUREAU © 2019 AFP
La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a alerté vendredi sur la présence d'espions russes sur les sites de petites annonces comme Le Bon Coin - Martin BUREAU © 2019 AFP

"Ne restez pas seul face à un professionnel de la manipulation." C'est l'appel qu'a lancé la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ce vendredi, après les révélations du Monde concernant la présence d'espions russes sur Leboncoin. "L'espionnage, ce n'est malheureusement pas qu'au cinéma", ajoutent les services de renseignement.

Le public cible de cet avertissement, ce sont les personnes proposant de donner des cours particuliers via le site de petites annonces, notamment des étudiants ou des jeunes fraîchement diplômés, ingénieurs en économie par exemple, à qui les espions parviennent à soutirer des informations au gré des échanges.

Selon la DGSI, ces espions agissent selon un mode opératoire bien rodé: en se faisant passer pour des consultants ou des hommes d'affaires souhaitant prendre des cours particuliers, le faux élève va progressivement tenter d'obtenir des informations de plus en plus précises, parfois confidentielles, sur le sujet d'étude.

Des signaux à repérer

Si la relation qui s'instaure entre le professeur et l'élève paraît anodine dans un premier temps, ces espions sont pourtant repérables grâce à des signaux précis: ils donnent généralement rendez-vous dans un lieu public, et sont très difficilement joignables par téléphone ou par mail.

Pour ce qui est du réglement, ils ne paient qu'en espèces, précise la DGSI. La rémunération peut d'ailleurs régulièrement augmenter en fonction du niveau de sensibilité des demandes.

Si ces données ne sont généralement pas sensibles prises une à une, c'est bien leur accumulation que craint le ministère de l'Intérieur.

"En accumulant (les données), par la même personne ou par d'autres canaux d'information, on peut en conclure ce qu'il se passe en France", explique, sur BFMTV Lova Rinel, chercheuse associée à la FRS.

"Des pratiques très anciennes"

Selon Alain Rodier, directeur de recherches au Centre français de recherche sur le renseignement, interrogé sur BFMTV ce dimanche, les services de renseignement peuvent d'abord cibler de l'étranger les personnes auxquelles s'adresser.

"Ils savent quels sont les étudiants qui ont un bon profil", détaille-t-il. "Ils ciblent d'abord les universités et les sujets qui les intéressent. Un certain nombre de gens sont approchés, puis ils se focalisent sur quelques individus."

"Ce sont des pratiques très anciennes", rappelle Jérôme Pellistrandi, consultant défense de BFMTV, évoquant les cas d'espionnage russe autour de l'avion Concorde, dans les années 1960. "Il faut rester extrêmement vigilant (...), on peut très vite donner des informations et favoriser la Russie aujourd'hui" sans vouloir trahir son pays, ajoute-t-il.

"Il faut sensibilier les étudiants des grandes écoles face aux risques de manipulation de grandes puissances étrangères", abonde Olivier Védrine, politologue et rédacteur en chef du journal d'opposition russe Monito. D'après les premières investigations de la DGSI à ce sujet, 12 cas ont déjà pu être identifiés en France.

Leboncoin n'aurait "jamais pu imaginer un tel scénario"

De son côté, Leboncoin dit avoir "appris cette information par les médias". "L’article du Monde évoque que la prise de contact commence par une réponse à une annonce d’offre de cours particuliers (...), conformément à la vocation de mise en relation du boncoin, et que le motif réel intervient une fois la relation installée hors de notre plateforme", a réagi le PDG Antoine Jouteau. "Nous n’aurions donc jamais pu imaginer un tel scénario."

"Quoi qu’il en soit, depuis notre création, nous avons toujours collaboré avec les autorités dans le cadre de leurs enquêtes qui le nécessitent et nous nous tenons évidemment à leur entière disposition pour cette affaire", insiste l'entreprise.

Article original publié sur BFMTV.com