Mylène Farmer n’a pas changé depuis le début de sa carrière mais le regard qu’on porte sur elle, si

Mylène Farmer, ici en pleine performance à la télévision française dans les années 1980.
Mylène Farmer, ici en pleine performance à la télévision française dans les années 1980.

MUSIQUE - L’heure n’est pas au désenchantement, bien au contraire. Et ce vendredi 30 juin, Mylène Farmer va sans doute le rappeler, à l’occasion de la première de ses deux dates au Stade de France qui se tiennent dans le cadre de NEVERMORE, plus grande tournée des stades jamais organisée pour une artiste dans l’histoire de la musique en France.

Une tournée inédite de par son ampleur qui se double aussi d’un succès commercial : à la fin du mois de novembre 2022, 7 des 13 représentations affichaient déjà complet, notamment à Lille, Lyon ou Genève, et quelque 550 000 billets avaient d’ores et déjà été vendus.

Rien d’étonnant. Mylène Farmer est aujourd’hui considérée comme la chanteuse française à avoir vendu le plus de disques dans l’Hexagone depuis le début de sa carrière, en 1984. Elle est aussi l’artiste française toujours en activité à avoir passé le plus d’albums au sommet des charts.

Discrète dans la presse, l’interprète de Sans contrefaçon - dont le douzième album L’Emprise est paru à l’automne - n’a jamais cessé de vibrer dans le cœur de ses fans. En dehors du cercle des connaisseurs, c’est moins certain.

Aujourd’hui, les mains tendues se multiplient, comme en 2022 lorsque le Festival de Cannes l’a invitée dans son jury. La même année, elle était au cœur d’un des meilleurs épisodes de Drag Race France, compétition de drag-queens à succès diffusée sur France Télévisions. Et en 2023, 16 artistes, dont Juliette Armanet, Bilal Hassani et Benjamin Biolay, sont montés sur la scène du Hyper Weekend Festival de Radio France pour revisiter le répertoire de la star de la chanson française.

Un retour de « hype » comme Céline Dion ?

Le regard sur Mylène Farmer a changé, nous dit Bastien Collignon, rédacteur en chef du podcast Mylène Farmer : histoires de… Pire, « je pense que son œuvre n’était pas regardée avec sérieux pendant plusieurs décennies », observe-t-il. Un peu comme celle de Céline Dion, avant d’être remise au goût du jour par Xavier Dolan dans ses films.

Il ajoute : « Je peux constater cette hype mais je suis surpris qu’on soit passé de rien à tout. Elle est restée la même depuis le début. Hier, on en riait un peu. Aujourd’hui, on la célèbre. » Un point de vue semble-t-il partagé par Didier Varrod, l’organisateur du Hyper Weekend Festival, qui dans les colonnes de L’Obs confie avoir observé « du mépris » lorsqu’il a présenté son projet à Radio France, il y a un an.

La presse, elle, a longtemps aligné les clichés, continue Bastien Collignon. On y parlait de son côté « control freak » ou de sa personnalité étrange. Il précise : « Aujourd’hui - et après 40 ans de carrière - on commence à regarder ce qu’elle a apporté à la musique française. » Le Monde la qualifie, en juin, « d’étoile durable du showbiz » et ce même article de L’Obs de « patronne de la pop française ».

Se défaire des étiquettes

Dire qu’on écoute Mylène Farmer n’a rien de honteux ou d’anormal. Du moins, plus maintenant. « Il y a une sorte de décomplexion à en parler alors qu’auparavant, on pouvait avoir des réserves. Mylène Farmer ayant toujours été une icône gay, c’était un peu comme faire son coming out », nous explique Patrick Thévenin, journaliste et critique musique.

De nombreux jeunes artistes - LGBT+ ou non - revendiquent aujourd’hui son héritage, à l’instar de Pomme, Fischbach, ELOI et bien d’autres. « Elle a bercé mon enfance », confie au Monde Mathilde Fernandez, tête pensant aux côtés de Paul Seul du duo en vogue Ascendant Vierge, mélange d’électro et d’envolées vocales aux paroles faussement naïves.

Patrick Thévenin observe « un certain hédonisme à jouer avec le son et les références », loin des travers intellectuels et du regard snob sur la variété française. Une scène avec laquelle Mylène Farmer collabore : Woodkid a, par exemple, composé et produit sept des morceaux de son nouvel album. Ce qui peut aussi attirer, selon Bastien Collignon, un autre plus public, anciennement frileux à la musique de la pop star.

« Elle remplit 13 stades sans se montrer »

Les facteurs de redécouverte de son œuvre sont variés. Le revival autour de la chanson française peut en être, selon Patrick Thévenin. Notre manière de consommer la musique sur les plateformes d’écoute comme Spotify, dont les algorithmes nous font passer d’un morceau à l’autre au mépris des étiquettes, aussi.

À ceux-là, Bastien Collignon ajoute la modernité des thèmes abordés par l’artiste dans ses textes, comme le genre (Sans contrefaçon) ou le féminisme (Fuck Them All, XXL). Même si leur portée revendicative reste toute relative, dit-il, « beaucoup de gens voient que Mylène Farmer a été précurseure sur ces sujets-là ».

Et alors qu’on lui a souvent fait payer sa sobriété médiatique, force est de constater aujourd’hui que cela tourne en sa faveur. « Elle remplit 13 stades sans se montrer », abonde le podcasteur. Son absence des réseaux sociaux force le respect, surtout à l’heure où TikTok prend une place grandissante (et souvent épuisante) dans la promo des artistes. Mylène Farmer suit ses propres règles, quitte à jouer l’antithèse sur la scène française. Cette tournée des stades, digne de Madonna, Beyoncé, Lady Gaga et ces consœurs américaines, le confirme.

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