Muriel Robin a « ouvert une porte » sur l’homophobie au cinéma pour Christophe Beaugrand

Christophe Beaugrand est l’une des rares personnalités à avoir pris la parole suite aux propos de Muriel Robin sur l’homophobie généralisée dans le monde du cinéma.

PARIS, FRANCE - MARCH 06: Christophe Beaugrand attends the Sidaction photocall on March 06, 2023 in Paris, France. (Photo by Marc Piasecki/WireImage)

HOMOPHOBIE - « Je la remercie d’avoir parlé. » Muriel Robin a brisé un tabou sur le plateau de Quelle époque le samedi 16 septembre. L’humoriste et comédienne a expliqué n’avoir pas fait de carrière au cinéma en raison de son homosexualité. Elle révèle avoir été blacklistée, écartée, du fait de son orientation sexuelle.

Depuis, c’est le silence radio, ou presque, de la part de tous les acteurs, réalisateurs, et autres producteurs du milieu. Christophe Beaugrand lui, a tenu à prendre la parole sur les réseaux sociaux pour mettre en avant l’importance des propos de Muriel Robin sur l’homophobie. L’animateur et journaliste explique au HuffPost sa propre expérience avec cette problématique, qui justifie en partie, l’absence de réaction des professionnels du milieu.

« Je ne suis pas acteur, je suis plus libre pour prendre la parole. Je pense que les personnes concernées préfèrent se taire. Du fait de mon expérience de journaliste dans 50 minutes inside, j’ai interrogé beaucoup de comédiens, dont je connaissais les préférences sexuelles. Ils préfèrent taire leur orientation, pour beaucoup, c’est pour ne pas être mis de côté professionnellement, c’est une réalité. »

La peur de porter une étiquette

Muriel Robin avait expliqué : « Il n’y a pas de comédiens homos qui font une grande carrière ». Christophe Beaugrand abonde dans son sens largement, mettant en avant la problématique qui pousse d’après lui beaucoup de stars à se taire : la peur d’avoir une étiquette.

« Lorsqu’on est trop identifié gay, pour un certain nombre de rôles, c’est un refus direct. Donc ils ne veulent se voir fermer des portes. Les agents conseillent souvent aux acteurs de ne rien dire et précisent ’pas de question sur la vie privée’ en interview. Le héros ou l’héroïne au cinéma ou à la télé est souvent hétéro. Je connais beaucoup d’acteurs qui n’en parlent pas parce que ces premiers rôles, ils ne les décrocheraient pas s’ils étaient identifiés comme homosexuels par le grand public. »

Pour Christophe Beaugrand, des paramètres entrent évidemment en jeu pour les producteurs au moment de choisir un acteur ou une actrice pour un rôle. Le réseau joue, le physique aussi. L’argent surtout, et c’est là le cœur du problème. C’est aussi un choix de « sécurité » de la part des décideurs.

« Ils imaginent que les gens sont plus homophobes qu’ils ne le sont. Ils se disent ’si la tête d’affiche est identifiée homo, le public ne répondra peut-être pas présent, car il ne s’identifiera pas, il n’y croira pas’. Il y a beaucoup d’autocensure avec beaucoup d’argent, donc on choisit les personnes qui pourraient le moins déplaire, au cas où. »

Les conséquences d’un coming out sur la carrière

Dire tout haut son homosexualité peut avoir de lourdes conséquences. Christophe Beaugrand lui-même dit avoir été directement confronté à cette question au début de sa carrière à la télévision : « Oui, on m’a déconseillé de le faire quand j’ai parlé de mon homosexualité, en me disant ’on ne sait jamais, peut-être que le public ne te suivra plus’. Et encore moi je ne porte pas de films à plusieurs millions d’euros sur ma tête. Il y a moins d’enjeux. »

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes avancent en réponse aux propos de Muriel Robin des noms d’acteurs ayant fait leur coming out et ayant eu des carrières florissantes. Là encore pour Christophe Beaugrand, c’est une fausse vérité. « Déjà, ce sont toujours les mêmes noms et ils se comptent sur les doigts de la main. Et ensuite il faut voir leurs carrières justement. Jodie Foster a attendu 30 ans avant de le dire. Rupert Everett a été blacklisté pendant 10 ans après avoir fait son coming out. Neil Patrick Harris au début de How I Met, ça ne se savait pas, et depuis son coming out, il n’a plus joué que des gays. »

Une réalité sévère à laquelle n’ont pas envie d’être confrontés les artistes, si absurde soit-elle. « Quand on veut un comédien pour jouer un serial killer, on ne va pas chercher un vrai serial killer. Donc quand on a un personnage hétéro, on n’est pas obligé d’avoir un hétéro. Les bons comédiens peuvent tout jouer. »

L’importance de la pédagogie pour lutter contre l’homophobie

Pour Christophe Beaugrand, la prise de parole de Muriel Robin est essentielle, car elle a mis sur la table une question. Une problématique encore taboue, et pourtant très importante aujourd’hui, notamment en ce qui concerne la pédagogie indispensable à l’évolution des mentalités.

« Je la remercie d’avoir parlé, d’avoir ouvert cette porte. Moi je ne saurai jamais si ça m’a empêché d’avoir certaines émissions, parce que ça, on ne vous le dit jamais ouvertement. Mais je peux me regarder dans la glace, et cette visibilité-là, elle va peut-être aider des jeunes qui ont honte d’être homos. Quand on ment, même pour des raisons marketing, on nourrit ce système dangereux, et ce n’est pas comme ça qu’on fait bouger les choses. »

Mais les lignes commencent à bouger justement, et cela, Christophe Beaugrand s’en réjouit. « Ce qui était vrai pour Muriel Robin et d’autres, ne sera pas forcément toujours vrai pour les générations à venir. Les choses évoluent très lentement certes, mais dans le bon sens

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