Mort de Tyre Nichols : Aux États-Unis, cette arrestation « très violente » ravive les tensions

ÉTATS-UNIS - Une arrestation « épouvantable » qui ravive de douloureux souvenirs pour la communauté afro-américaine. Cinq policiers ont été inculpés et incarcérés ce jeudi 27 janvier pour meurtre à la suite du décès, début janvier d’un jeune américain, quelques jours après une arrestation particulièrement violente dans le sud des États-Unis.

Ces agents de la police de Memphis (Tennessee), tous Afro-Américains, sont visés par plusieurs chefs d’inculpation, dont meurtre, coups et blessures ou encore enlèvement, a annoncé le procureur Steve Mulroy lors d’une conférence de presse.

• Les faits

Le 7 janvier, les policiers – depuis licenciés – avaient voulu arrêter Tyre Nichols, 29 ans, pour une infraction routière. Alors que les agents s’approchaient, une « confrontation avait eu lieu » et « le suspect s’était enfui », avaient expliqué les forces de l’ordre. Rattrapé, Tyre Nichols avait finalement été interpellé mais s’était plaint d’avoir du mal à respirer et avait été hospitalisé. Il est décédé trois jours plus tard.

Lors de la conférence de presse jeudi, les autorités ont évité de décrire précisément le déroulé des faits. Une vidéo des faits existe, mais a pour l’instant uniquement été montrée aux proches de la victime et à leurs avocats. Selon ces derniers, « la police l’a battu au point qu’il était méconnaissable ». Pour Me Antonio Romanucci, « il s’agit d’un passage à tabac pur et simple, sans interruption, de ce jeune homme pendant trois minutes ».

• Que contient la vidéo ?

Ce qui s’est passé était « inadmissible » et « criminel » et « n’aurait pas dû se produire », a martelé David Rausch, directeur du bureau d’enquête du Tennessee, se disant « choqué » et « écœuré » par ce qu’il a vu sur les bandes. « En un mot, c’est absolument épouvantable », a-t-il ajouté, des mots rares, de la part d’un chef de la police.

La séquence sera rendue publique vendredi après 18h, heure locale. « Je m’attends à ce que vous soyez scandalisés » en voyant ces images, a admis Cerelyn Davis. Jugeant également probable l’organisation de manifestations, la cheffe de la police a appelé à ne pas « inciter à la violence ou à la destruction ».

• Les enquêtes en cours

Outre leur inculpation pour meurtre, les cinq agents inculpés ont été licenciés la semaine dernière et d’autres policiers font encore l’objet d’une enquête. L’investigation interne de la police avait démontré qu’ils avaient fait usage de la force de façon excessive.

Les agents mis en cause sont « directement responsables des violences physiques commises sur Tyre Nichols », a déclaré mercredi la cheffe de la police de Memphis Cerelyn Davis, estimant qu’il ne s’agissait « pas seulement d’une erreur professionnelle, mais d’un manque d’humanité ». Un acte « odieux, irresponsable et inhumain », selon elle.

• La réaction des proches

Les avocats de la famille de la victime, dont le célèbre Ben Crump – qui avait représenté la famille de feu George Floyd – ont salué l’inculpation des policiers. Cette nouvelle « nous donne de l’espoir alors que nous continuons à réclamer justice pour Tyre », ont-ils commenté. Jeudi, en évoquant ses rencontres avec les proches de Tyre Nichols, le procureur Steve Mulroy a dressé le portrait d’un « fils presque parfait ». « Une personne joviale et heureuse, qui aimait le skateboard », a-t-il dit.

Ce vendredi matin, la mère de Tyre Nichols, RowVaughn Wells, a déclaré auprès de CNN qu’elle était vraiment « désolée » pour les cinq officiers inculpés : « Ils ont fait honte à leurs propres familles. Ils ont fait honte à la communauté noire. Je suis juste désolé pour eux. Je le suis vraiment ».

• Joe Biden demande une « enquête rapide »

Le président américain Joe Biden a réclamé jeudi dans un communiqué une « enquête rapide, complète et transparente » sur ce drame. Dans son communiqué, le président dit se joindre à la famille de Tyre Nichols en appelant à ce que les manifestations soient « pacifiques ». Et d’ajouter que la colère est « compréhensible », mais que « la violence n’est jamais acceptable ».

• Le débat relancé

L’affaire trouve un écho particulier dans un pays encore marqué par le meurtre de George Floyd par un policier, en mai 2020, et les manifestations contre le racisme et les violences policières, qui avaient suivi, fédérées autour du slogan « Black Lives Matter » (« Les vies noires comptent »).

Le drame a relancé le débat sur la violence policière dans le pays. « Nous ne pouvons ignorer le fait que les interventions policières mortelles ont davantage touché les personnes noires », a rappelé le président Biden. Le président démocrate exhorte le Congrès à passer un projet de loi de réforme de la police, adopté à la Chambre des représentants en 2021 mais qui n’a pas passé l’obstacle du Sénat.

Le président de l’organisation de défense des droits civiques NAACP, Derrick Johnson, a pour sa part appelé les élus du Congrès à regarder la vidéo de l’arrestation, puis à agir. « Nous pouvons nommer toutes les victimes de violences policières, mais nous ne pouvons pas citer une seule loi que vous avez passée pour régler le problème. » Depuis le meurtre de George Floyd, le Congrès américain a en effet été incapable d’adopter toute réforme ambitieuse de la police aux États-Unis, y compris l’interdiction des prises d’étranglement.

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