Mort de Steve à Nantes: le commissaire Grégoire Chassaing regrette d'être le seul prévenu

Le commissaire Grégoire Chassaing a assuré ce jeudi 13 juin qu'il avait du "mal à vivre" le fait d'être le seul à être jugé devant le tribunal correctionnel pour l'homicide involontaire de Steve Maia Caniço, mort noyé dans la Loire le soir de la Fête de la musique à Nantes en 2019.

"Me retrouver seul à la barre alors que des témoignages ont montré qu'il y a d'autres responsabilités et que d'autres auraient pu se retrouver à cette barre, c'est très dur à vivre", a expliqué le commissaire divisionnaire au quatrième jour de son procès à Rennes.

"Très dur à porter"

Durant la longue instruction, de nombreuses personnes ont été placées sous le statut de témoin assisté ou mis en examen avant de bénéficier d'un non-lieu: le préfet, le sous-préfet, un capitaine de police, la maire de Nantes, le DJ qui avait remis le son ou encore le maire adjoint en charge de la sécurité. Mais finalement les deux magistrats instructeurs n'ont renvoyé que Grégoire Chassaing.

"Depuis cinq ans cet enchaînement de procédures avec une campagne médiatique et une vindicte sur mon action ce soir-là m'a été effectivement très dur à porter", a-t-il déclaré à la barre, répondant à une interrogation de son avocat.

Durant les trois premiers jours d'audience, de nombreux témoins, notamment policiers, ont regretté le choix du site pour accueillir une foule de teufeurs en bordure de Loire, avec un quai d'une hauteur de six mètres. Le procureur Philippe Astruc a également évoqué la "responsabilité morale" du DJ qui avait remis le son.

"Je n'ai pas vu"

Ce jeudi en début de l'audience, les deux avocats de la famille Maia Caniço ont tenté de déstabiliser le policier, récemment promu chef de la circonscription de Lyon et soutenu par sa hiérarchie.

"Pourquoi n'êtes-vous pas interpellé par les dangers pour les usagers qui dansent?", questionne Me William Pineau au sujet de la première salve de gaz lacrymogènes et du nuage de fumée qui provoquera la chute de plusieurs personnes dans la Loire.

"Le bunker me cachait la visibilité sur le quai: je n'ai pas vu la densité du nuage, je n'ai pas vu de mouvement de foule", répond sèchement le prévenu, en costume cravate et qui encourt trois ans de prison.

Les avocats Me William Pineau et Cécile De Oliveira évoquent son "autoritarisme". "Vous êtes dans votre rôle de me faire sortir de mes gonds mais vous n'y arriverez pas, maître", prévient le commissaire, âgé de 54 ans, le visage fermé.

Il plaide la légitime défense

Car selon le fonctionnaire, qui dirigeait les opérations de sécurisation pour stopper à 4 heures les dix sound systems installés sur l'île de Nantes, il n'a commis "aucune faute".

Contrairement aux huit premiers, le DJ du 9e sound system avait remis le son après l'avoir coupé puis quelques minutes après, des teufeurs mécontents avaient jeté des projectiles en direction des forces de l'ordre.

Mais "est-ce qu'il n'y avait pas de possibilité de prendre en considération la foule et la Loire?" lors des jets de grenades, interroge le procureur de Rennes Philippe Astruc.

"Chacun s'est senti en danger pour son intégrité physique, la grenade était le seul moyen qu'ils avaient pour se protéger de cette agression hyper violente", dit le prévenu, qui n'a lui lancé aucune grenade.

"Ça a été tellement rapide et c'est le principe de la légitime défense, c'est une réaction instantanée. J'étais dans l'impossibilité de dire 'stop n'utilisez pas de gaz lacrymogène'", se défend le fonctionnaire.

Soutien sans faille de la hiérarchie policière

L'enquête a permis de déterminer que la chute de Steve Maia Caniço avait eu lieu à un endroit du quai sans barrière à 04h33 et 14 secondes, soit deux minutes après la première salve de tirs de grenades des policiers.

Dans sa plaidoirie, Me William Pineau a critiqué le soutien sans faille de la hiérarchie policière, avec notamment le témoignage mercredi du directeur général de la police nationale Frédéric Veaux, pour un homme "qui fut un temps au commande d'une situation qui s'est soldée par un désastre".

Le procès, qui s'achèvera vendredi, doit se poursuivre ce jeudi après-midi avec les réquisitions du ministère public.

Article original publié sur BFMTV.com