Mort du petit Grégory: ADN, voix... En quoi vont consister les nouveaux actes d'enquête ordonnés

L'enquête pour découvrir la vérité sur la mort du petit Grégory se poursuit. Près de 40 ans après la découverte du corps sans vie du petit garçon de 4 ans dans les eaux de la Vologne, la justice mise sur les progrès de la science pour tenter de percer le mystère autour de cette affaire criminelle. Mercredi, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon a accédé à la demande des avocats des parents de la victime, Jean-Marie et Christine Villemin, en ordonnant de nouveaux actes d'enquête.

Sous l'impulsion de Dominique Brault, le magistrat qui préside cette chambre de l'instruction, qui ne ménage pas ses efforts pour étudier tout ce qu'il est possible d'étudier, la justice a ordonné que les investigations se poursuivent dans deux directions: des comparaisons ADN et une étude de faisabilité sur une éventuelle empreinte vocale du corbeau, celui ou ceux qui ont multiplié les appels menaçants notamment aux parents de Grégory avant sa mort.

Les comparaisons ADN, d'abord. Cela fait plusieurs années que des recherches sont effectuées sur ces traces génétiques relevées. "Il y avait déjà une décision qui avait ordonné des mesures d’investigation, au vu de ses expertises, Jean-Marie et Christine Villemin ont estimé qu’il y avait peut-être des compléments à solliciter", commente Marie-Christine Chastant-Morand, leur avocate.

Progrès de la science

Concrètement, les experts vont profiter des progrès de la science sur les ADN pour tenter de faire avancer l'enquête et faire des expertises qu'il n'était pas possible de faire dans le passé. Des ADN ont été retrouvés sur la scène de crime, à savoir à l'intérieur des cordelettes qui entravaient les mains et les pieds du petit garçon, sur son anorak, son pantalon mais aussi sur les lettres envoyées par le ou les corbeaux et les enveloppes, notamment les timbres.

Ces ADN sont pour certains mélangés, pour d'autres dégradés, mais pourraient toutefois être comparés avec les ADN de certains protagonistes du dossier. Ces comparaisons vont être élargies à des dizaines et des dizaines de personnes, car la mort du petit Grégory s'est déroulée dans une sorte de huis clos familial, marqué par des tensions, des jalousies et des rancoeurs, mais aussi un huis clos au niveau de ce territoire des Vosges.

"Il y a une nouvelle technique de séquençage qui existe, relève Dominique Rizet, consultant police-justice de BFMTV. Un ADN quand il est dégradé, il n’est pas dégradé partout. Quand on va le séquencer, on peut trouver une partie de l’ADN qui n'est pas dégradée et à partir de là on peut espérer pouvoir en tirer quelque chose pour le comparer à l’ADN de tous les protagonistes."

Les enquêteurs peuvent aussi s'appuyer sur la possibiltié de désormais réaliser des "portraits-robot génétiques", développés au laboratoire d'Hématologie Médico-Légale du professeur Christian Doutremepuich. Cette technique, la seule au monde à avoir reçu une accréditation car répondant à une norme de qualité, permet de déterminer la couleur des cheveux, des yeux et de la peau du propriétaire de l'ADN, c'est-à-dire les caractères morphologiques apparents.

Le corbeau identifé par sa voix?

La justice s'appuie donc sur cette science existante mais va aussi interroger les experts pour réaliser une étude de faisabilité sur une potentielle comparaison vocale de la voix du corbeau avec celle de protagonistes déjà cités dans l'affaire. "Ils vont devoir faire un très gros travail de préparation pour évaluer cette faisabilité", note le général François Daoust, ancien directeur de l’IRCGN, l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, et du pôle judiciaire de la gendarmerie.

Le 23 mars 1983, notamment, le corbeau avait appelé Jean-Marie Villemin, le père de Grégory. Une conversation dans laquelle il évoquait la présence de plusieurs "bâtards" dans son entourage, assurant connaître leur identité. "Et ta mère, elle le sait aussi. Tant qu’elle a peur de la vérité. A toi de chercher", soufflait cette voix par téléphone. "Pour comparer c’est difficile, relève François Daoust, qui pointe "l'écrêtage" de la voix, à savoir une modification.

"Il va falloir récupérer l’ensemble des enregistrements, rassembler ceux des mêmes locuteurs et après récupérer des enregistrements d’autres personnes qui seraient décédées pour les traiter de façon à savoir si c’est comparable ou pas. Pour ceux qui sont vivants, il va falloir faire des enregistrements. Même si le fond de notre voix reste propre, il y a un écrêtage naturel de la voix lié à l’âge, la maladie ou autre qui fait qu’il peut y avoir des variations. La voix va être annexe par rapport à l’ADN."

"Si on a les enregistrements du corbeau, pour faire des comparaisons dans cette affaire, beaucoup de personne se sont exprimées de façon naturelle devant une caméra et il existe des enregistrements contemporains à ceux du corbeau", espère Me Marie-Christine Chastant-Morand. "C'est difficile mais possible."

Des actes vains?

Les parents de Grégory Villemin et la justice espèrent que cette technique pourrait livrer l'identité du ou des corbeaux. Cette affaire avait en effet attiré toutes sortes de personnages: l'an dernier, une femme a été identifiée comme ayant écrit un des courriers menaçants envoyés à la famille du petit garçon. Une femme qui vivait à l'époque des faits à Paris et qui a reconnu avoir écrit le "Je vous ferez (sic) la peau" mais qui a nié toute implication dans l'assassinat de l'enfant.

En 2017, l'affaire du petit Grégory avait connu un rebondissement avec la mise en examen de Marcel et Jacqueline Jacob, le grand-oncle et la grande-tante de Grégory, et de Murielle Bolle. Mises en examen depuis annulées en raison notamment d'un vice de procédure. "Je serais quand même très étonné qu’il y ait des gens qui n’aient pas été testés", s'étonne Me Frédéric Berna, l'avocat de Jacqueline Jacob.

"L'ADN de ma cliente a été comparé, il n’est nulle part. On essaie de rattraper les errements qui ont été ceux de l’immédiateté de l’enquête. A multiplier les investigations, il ne faudrait pas mettre en danger la présomption d’innocence."

Article original publié sur BFMTV.com