"Moment joyeux", photos, enquête... Ce que l'on sait du bizutage présumé dans un palace de Biarritz

Bizutage ou "moment joyeux"? Depuis ce jeudi 28 décembre, une polémique secoue les cuisines de l'Hôtel du Palais de Biarritz, dans les Pyrénées-Atlantiques. Le chef étoilé Aurélien Largeau a été limogé après un "incident préoccupant" intervenu au début du mois.

Il est soupçonné, d'après le média local Sud-Ouest, d'avoir bizuté un employé. Des faits totalement contestés par les principaux intéressés, tandis qu'une enquête a été ouverte par le parquet.

• Des "faits humiliants"

Selon un article paru ce jeudi soir dans les colonnes de Sud-Ouest, des "faits humiliants" seraient intervenus le samedi 2 décembre dans les cuisines de l'établissement de luxe de Biarritz l'Hôtel du Palais.

Selon des témoignages recueillis par le quotidien régional, un jeune commis aurait été attaché nu à une chaise, devant des membres de la brigade, ainsi que le chef étoilé Aurélien Largeau - considéré comme l'un des "grands de demain" par le guide gastronomique Gault&Millau.

Il est également précisé que la victime apparaîtrait avec une pomme dans la bouche et une carotte dans les fesses sur des images diffusées sur les réseaux sociaux, qui ont depuis été retirées.

La direction de l'Hôtel du Palais, géré par le groupe Hyatt, a confirmé jeudi à BFMTV.com avoir été "informée de l'incident préoccupant qui a eu lieu dans les locaux de l'hôtel et d’images ayant circulé". Elle affirme "avoir immédiatement réagi".

"Cet incident ne reflète pas les valeurs que nous défendons tous, une investigation a été menée et les décisions adéquates ont été prises", a expliqué la direction, ne souhaitant pas faire de plus amples commentaires.

• Le chef et le principal intéressé démentent

Très vite, le chef Aurélien Largeau a dénoncé des "propos diffamatoires et faux", auprès de BFMTV.com, estimant qu'il s'agit d'une "atteinte monstrueuse" à son "honneur" et à ses "formidables équipes".

"Il ne s'est absolument pas passé tout ce qui s'est dit", a de son côté assuré ce vendredi sur BFMTV Me Alexandra Sabbe-Ferri, avocate du cuisinier.

Selon elle, il ne s'agissait que d'une "blague" faite à l'initiative de la victime présumée, qui travaillait comme demi-chef pour le restaurant et organisait le 2 décembre son pot de départ après avoir travaillé deux ans dans le palace.

"C'était au pire potache, contraire aux valeurs de Hyatt (le groupe hôtelier propriétaire du palace, NDLR), peut-être", a-t-elle déclaré sur BFMTV.

"Rien ne lui a été imposé", a encore martelé l'avocate, parlant d'un moment "bon enfant".

De son côté, l'employé qui se présente comme la "victime" de l'affaire, a démenti tout bizutage sur son compte Instagram. Interrogé par BFMTV, il a affirmé qu'il s'agissait d'un "moment joyeux" pour célébrer son dernier jour dans l'hôtel avant de rejoindre un autre établissement à Paris.

Ne voulant pas s'attarder sur les détails du 2 décembre, il a tout de même précisé "qu'il n'y avait ni pomme ni carotte". Avant d'apporter tout son soutien au chef, se disant dévasté par la polémique.

• Des photos visionnées

Alors que les images ont été supprimées des réseaux sociaux, BFMTV a pu consulter deux photos. On y voit un cuisinier, nu avec le maillot de bain rendu célèbre par l'humoriste Borat, ligoté avec les mains dans le dos et assis sur un tabouret en plein milieu de la cuisine de l'Hôtel du Palais à Biarritz.

Sur l'une des deux photos, un autre cuisinier dont on ne distingue pas correctement le visage, qui porte une chemise brodée au nom d'Aurélien Largeau et un tablier blanc, lui attache un bâillon avec une boule dans la bouche, accessoire utilisé dans les pratiques sado-masochistes. En arrière-plan, un autre cuisinier en tablier bleu se tient devant son plan de travail et ne regarde pas la scène.

Sur l'autre photo, le cuisinier est assis sur le tabouret, toujours ligoté, chaussettes aux pieds, chaussures de sécurité posées sur ses genoux, et semble souriant malgré le bâillon sur la bouche.

D'après nos informations, le cuisinier ligoté occupait les fonctions de demi-chef de partie, ce qui correspond au grade juste au-dessus du commis de cuisine, loin d'être le bras droit du chef. Il célébrait ce jour-là son départ, après être arrivé en mai 2022 dans cet établissement.

• Indignation chez les restaurateurs

Certains salariés ont été choqués, selon nos informations, de cette mise en scène sur leur lieu de travail, même si aujourd'hui le principal concerné dément toute contrainte ou scène de violence.

D'après Sud-Ouest, Aurélien Largeau a quitté le palace le 21 décembre dernier après trois ans à officier dans le restaurant gastronomique de l'hôtel cinq étoiles basque. Il avait d'ailleurs décroché sa première étoile au guide Michelin l'an passé.

Les syndicats, eux, n'ont pas caché leur indignation. À commencer par l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie (Umih) du Pays basque. "Si les faits sont avérés, c'est très grave. C'est scandaleux et inimaginable de voir ce genre de choses en 2023", a réagi auprès de BFMTV.com son président Jean-Pierre Istre. Il a ajouté: "On tombe de haut, car justement, on se bat contre ces pratiques."

L'association Bondir.e, qui lutte contre les violences perpétrées dans le milieu de la restauration, a elle condamné ces agissements. "Cet énième fait d'agression ne fait que prouver que nos actions sont nécessaires pour faire évoluer le milieu de la restauration", a déclaré une représentante de l'association.

Contactée par BFMTV.com, la Ville de Biarritz, principale actionnaire de la société d'économie mixte qui possède les murs du palace, n'a pas souhaité réagir.

• Ouverture d'une enquête

Alors qu'aucune plainte n'a pour l'instant été déposée, une enquête préliminaire a été ouverte pour agression sexuelle et violences "sur le fondement de l’article publié par Sud-Ouest", ce jeudi, a fait savoir le procureur de la République de Bayonne, Jérôme Bourrier, à BFMTV.com.

La "victime" ne compte déposer aucune plainte concernant cette affaire, si ce n'est en diffamation contre le journal local.

Aurélien Largeau conteste son licenciement devant le conseil de prud'hommes. Selon son avocate, il existait des "dissensions en interne entre le chef Largeau et Hyatt depuis le mois de mars 2023". Elle a assuré que le palace aurait pris cet épisode comme "prétexte" pour licencier le chef étoilé le 21 décembre.

"On engage des actions en diffamation, mais pas que contre Sud-Ouest qui a été à l'origine de la transmission de fausses informations", a-t-elle aussi lancé.

Article original publié sur BFMTV.com