Miss France : d’anciennes Miss nous racontent ce qui pousse encore des femmes à participer au concours

Miss Ile-de-France Diane Leyre is crowned by Miss France 2021 Amandine Petit at the end of the the Miss France 2022 beauty contest in Caen, on December 11, 2021. (Photo by Sameer Al-DOUMY / AFP)
SAMEER AL-DOUMY / AFP Miss Ile-de-France Diane Leyre is crowned by Miss France 2021 Amandine Petit at the end of the the Miss France 2022 beauty contest in Caen, on December 11, 2021. (Photo by Sameer Al-DOUMY / AFP)

MISS FRANCE - Ce soir, elles seront trente à soumettre leur physique au jugement des téléspectateurs et, dans certains cas, à subir des railleries sur les réseaux sociaux. Avec un objectif : devenir la nouvelle Miss France 2023, celle qui succédera à Diane Leyre. Décrié et souvent catalogué comme sexiste, le concours continue pourtant d’attirer des centaines de jeunes femmes à travers l’Hexagone. Alors, qu’est-ce qui poussent tant d’entre elles à participer à la compétition ? Le HuffPost a posé la question à d’anciennes Miss.

« J’assume complètement d’être intello et studieuse, mais aussi d’aimer les talons de 10 cm et les paillettes », lance Lou-Anne Lorphelin, Miss Bourgogne 2020 et 4e dauphine de Miss France 2021. Porter des valeurs féministes tout en participant à un concours de beauté, « ce n’est pas incompatible », selon la jeune femme de 25 ans, qui a terminé ses études en école de commerce il y a un an. Avant cela, elle avait passé deux ans en classe préparatoire, où elle travaillait sans relâche. « J’y passais 14 heures par jour, je n’avais pas de week-ends, de Noël ou d’anniversaire. Quand je suis entrée en école, j’ai continué à énormément travailler et j’avais besoin d’une échappatoire pour respirer », explique-t-elle. La peinture ? La piscine ? Les jeux vidéo ? Non, c’est vers l’univers des Miss qu’elle se tourne.

Il faut dire que la Bourguignonne avait certaines prédispositions. Sa grande sœur, Marine Lorphelin, a été élue Miss France 2013. Elle l’a alors vu voyager, rencontrer des personnes de tous les horizons et bâtir une carrière dans la lumière, avant de devenir médecin généraliste. Mais c’est son amour pour la scène qui a poussé Lou-Anne à se présenter au concours. Passionnée de danse depuis petite, elle ne s’était pas produite devant un public depuis le début de ses études. Avec les Miss, « sur scène, on me regardait enfin pour autre chose que mes bonnes notes, souligne-t-elle. C’était aussi l’occasion de vivre un show de dingue avec des costumes fous, des chanteurs, des danseurs… »

« Ce n’est pas pour dire “regardez comme je suis belle” »

« Vous devez vous dire “mais qu’est-ce qu’elle fait là celle-là” ? » Cette phrase, prononcée par Évelyne de Larichaudy, miss Île-de-France 2019, lors de son discours de présentation à Miss France 2020, est devenue un véritable mème sur les réseaux sociaux après la diffusion de l’émission. Pourquoi cette remarque ? Parce que la jeune femme ne correspondait pas aux préjugés que le public peut avoir sur les Miss. « Au moment de l’élection, j’étais ingénieure dans le bâtiment public, explique-t-elle. Et aussi, je suis asiatique. » Ce dernier point lui vaudra d’être la cible de commentaires racistes sur Internet. « Je savais que ça allait arriver », avoue-t-elle. Mais la jeune femme s’est tout de même présentée : « Je voulais vivre une expérience extraordinaire, mais aussi montrer que la femme française est ambitieuse, qu’elle peut aimer les sciences et le bâtiment mais aussi la mode. »

Si Élodie-Meryl Anridhoini, Miss Mayotte 2009, a participé à Miss France, c’était surtout pour faire plaisir à sa famille, « pour la rendre fière ». C’est lors de l’émission en direct qu’elle prend conscience que des millions de personnes sont en train de la juger sur son physique. « J’avais très peur, surtout à 19 ans, mais je ne pouvais pas faire marche arrière, j’étais arrivée déjà très loin et ma région était très présente », explique la jeune femme de 33 ans. Avec du recul, trouve-t-elle que cette élection réduit les femmes à leur simple enveloppe corporelle ? Non, selon elle c’est l’occasion pour ces femmes de « porter haut et fort leurs valeurs, leur détermination, leur beauté et leur région ».

Pour beaucoup de Miss, c’est aussi l’opportunité de prendre confiance en elles. Justine Dubois, Miss Poitou-Charentes 2020, en manquait cruellement. « C’était un challenge personnel pour me surpasser, pas une façon de dire “regardez comme je suis belle” », commente celle qui est désormais acheteuse dans le milieu du cognac. « Et puis, j’y suis vraiment allée en me disant que ça allait être une chouette aventure et non pas en pensant que des millions de personnes me regarderaient en maillot de bain. Si je m’étais concentrée là-dessus, je n’y serais jamais allée. »

Le physique oui, mais pas que

Toutes le disent, « Miss France, c’est plus qu’un concours de beauté », c’est un tremplin professionnel. Lou-Anne et Évelyne sont devenues mannequins et influenceuses, Élodie-Meryl a trouvé un poste dans la banque où elle travaille encore aujourd’hui en partie grâce à son titre, tout comme Justine, qui avait mentionné vouloir devenir acheteuse lors de son discours en direct.

Au-delà des opportunités qui découlent de la médiatisation, les jeunes femmes jugent que le concours ne repose pas uniquement sur le physique. Lou-Anne Lorphelin tient à le rappeler : avant l’élection en direct, les membres du comité observent toutes les candidates pendant un mois « afin de voir comment elles résistent au stress, si elles ont du répondant et sont capables de s’adapter à un groupe ». C’est en se basant sur cette période d’observation et sur les notes obtenues au test de culture générale qu’ils constituent le top 15. « Et le moment des discours et questions est très attendu. Ces dernières années, ce sont toujours les Miss qui parlaient le mieux qui ont été élues, avance-t-elle. Personnellement, j’étais terrifiée par ce passage et quand j’ai entendu Amandine Petit (Miss France 2021, ndlr) et l’aisance qu’elle avait au micro, je me suis dit “c’est bon, c’est elle qui va gagner”. »

Pourtant, il est parfois difficile pour ces reines de beauté de dépasser les préjugés associés au concours. « Quand je suis arrivée à mon poste d’acheteuse, tout le monde savait que j’étais Miss et il y avait beaucoup de stéréotypes à mon égard, confie Justine. J’ai dû davantage prouver que j’étais capable par rapport à d’autres. » S’ajoute à ça la pression du public. « C’est un vrai paradoxe parce que les Français veulent des Miss naturelles, qui se montrent telles qu’elles sont avec leurs qualités et leurs défauts. Mais d’un autre côté, si on nous croise dans la rue et que l’on n’est pas très souriante parce qu’on a passé une mauvaise journée, on peut nous dire que ce n’est pas le comportement d’une Miss », confie la jeune femme de 26 ans.

Sous la pression des critiques, les règles de la compétition ont changé cette année pour devenir plus inclusives. Désormais, les femmes transgenres, les femmes mariées, les mamans, celles qui sont tatouées ou âgées de plus de 24 ans peuvent concourir - bien qu’il faille toujours faire plus d’1m70 pour espérer avoir la couronne. « C’est très bien et normal que le règlement change, affirme Évelyne. Mais déjà qu’une partie du public n’était pas prête pour une Miss asiatique, alors une Miss transgenre… »

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