Le mini-short pour hommes, le retour d’une mode ambivalente

MODE - L’été est short, très short. Et ce n’est pas l’industrie de la mode qui dira le contraire. Lors des défilés du mois de juin, organisés à Paris et dans les autres capitales de la mode à l’occasion des Fashion Weeks, une tendance s’est imposée dans le vestiaire masculin. C’est le mini-short.

Oui, le tout petit short, celui qui remonte bien au-dessus du genou. Chez Thom Browne, il était fidèle au tailoring de son créateur américain : cintré, bleu, gris ou noir. Du côté de Marine Serre, il était recouvert de motifs psychédéliques et fendu sur les côtés. À Milan, Prada lui a dédié une grande partie de sa collection printemps-été 2023, le revêtant parfois de cuir et d’une fermeture à double zips, comme vous pouvez le voir ci-dessous.

Le short est de plus en plus
Daniele Venturelli via Getty Images Le short est de plus en plus "short", comme ici lors du défilé Prada, au mois de juin 2022.

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Le short est de plus en plus "short", comme ici lors du défilé Prada, au mois de juin 2022.

Loewe, Hermès, Dior (chez qui il se porte sur un cycliste)... La liste est longue.  « C’est dans l’ère du temps », nous dit la conseillère en image Louise Parent. D’après elle, c’est à Miu Miu et sa directrice artistique, l’innovante Miuccia Prada, qu’on doit ces quelques centimètres de tissu en moins.

La griffe, responsable de l’énorme buzz autour d’une micro-jupe d’écolière taille basse l’an passé, a dévoilé son shorty blanc, au mois de mars 2022. « C’était brillant. Ça fait parler et ça en dit long sur les tendance actuelles. C’est très instagrammable », constate notre experte.

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victor virgile via gamma-rapho via getty image

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Alors oui, du côté des enseignes de prêt-à-porter grand public, comme H&M, Zara ou Mango, on n’en est pas encore là, l’industrie du luxe étant parfois un brin plus exubérante et osée. Force est de constater, toutefois, que certains modèles s’en rapprochent.

« Ça remonte de plus en plus », observe Louise Parent. Le raccourcissement des shorts est progressif. De quoi habituer l’œil petit à petit, selon elle. Un constat partagé par Alice Desideri, styliste chez Pecler’s Paris, pour qui le phénomène se voit aussi dans les caleçons de bain.

Certains hommes contribuent à son essor. C’est le cas du rappeur américain Lil Nas X, suivi par plus de 12 millions d’abonnés sur Instagram, qui en arbore de temps en temps. Même son de cloche pour Harry Styles et son modèle en jean délavé, ou encore l’acteur Milo Ventimiglia, aperçu aux abords d’un parking à l’été 2021 dans ce qui pourrait être confondu avec un simple caleçon élastique.

Le mini-short de John Travolta

Ces trois hommes n’ont rien inventé. Tom Selleck, Elton John ou John Travolta (dans le film Perfect) portaient déjà des mini-shorts, il y a de ça plusieurs décennies. Quant aux dessins de Tom of Finland, célèbre artiste dont les personnages aux corps musclés et érotiques ont considérablement influencé la culture gay, c’était dès le début des années 1970.

© 1985 - SONY PICTURES
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« Des shorts comme ça, des hommes de tous les horizons en ont portés depuis toujours », souligne Alice Desideri. Elle cite pêle-mêle les militaires de l’époque, des hommes en patins à roulettes le long de Venice Beach, en Californie, ou même George Michael.

Le retour en force du mini-short en 2022 n’a rien d’anodin, il s’inscrit dans un contexte plus vaste de décomplexion vestimentaire des hommes. Comme la chemisette ouverte de beaucoup des mannequins sur les podiums, « il y a cette idée de montrer le corps », continue la prévisionniste de Pecler’s. Et montrer son corps, quand on est un homme, ne serait plus « interdit » moralement.

Pour Louise Parent, « ce n’est plus la mode qui dictes les tendances, mais les mentalités actuelles, notamment celles des jeunes générations », plus fluides dans leur expression du genre et de la masculinité. Le short se raccourcit, il montre davantage les jambes (et donc la peau). Comme le crop top ou le harnais, accessoire sulfureux étroitement lié à la culture SM remis au goût du jour, le mini-short joue avec les limites. Il traduit davantage l’intimité, sexualisant par là-même le corps masculin.

Des jambes bien musclées

Cependant, comme le soulève cet article du Guardian, il est aussi l’expression d’une virilité bien exacerbée. Le quotidien britannique explique que les salles de gym ont relevé un intérêt grandissant de leurs clients pour les entraînements physiques visant à muscler le bas du corps, les fesses et les jambes.

VICTOR VIRGILE VIA GAMMA-RAPHO VIA GETTY IMAGES
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Le mini-short serait-il l’objet idéal pour faire briller son corps bodybuildé, symbole de la masculinité ? Pour ce même journaliste du Guardian, il révèle en tout cas toute l’ambiguïté de ladite « décomplexion » vestimentaire des hommes. Ils s’autorisent à être sexy, si et seulement si le vêtement en question dénude une partie du corps essentielle à sa motricité. Les jambes nous permettent d’avancer. Elles nous empêchent de tomber. C’est encore mieux si elles sont travaillées et bien galbées.

« Il y a toujours une tendance et son contraire, nous rappelle à son tour Alice Desideri. D’un côté, le mouvement body-positive nous dit qu’il faut aimer son corps. De l’autre, on continue de prôner des corps parfaits. » Or, le poids des standards de beauté l’emporte souvent sur l’acceptation de soi.

Ce que soulève la styliste n’est pas très éloigné des considérations de l’essayiste Alice Pfeiffer au sujet du renouveau du crop top chez les hommes qui, selon elle, témoigne « d’une nouvelle ère post-industrielle et post-capitaliste, dans laquelle l’homme qui a bien travaillé, n’a même plus besoin de faire du sport ». Comme le petit tee-shirt découpé sous le torse, le mini-short laisse songeur. Mais force est de constater que, devant l’avalanche de canicules que nous réserve l’avenir, il risque de s’avérer très utile.

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