Mexique : comment l’ouragan Otis est passé de tempête tropicale à cyclone de catégorie 5
CATASTROPHE NATURELLE - « Scénario cauchemardesque » : le Centre des ouragans des États-Unis (National Hurricane Center) n’a pas mâché ses mots dans la soirée du 24 octobre. Il faut dire que l’ouragan Otis mérite cette appellation. En une journée, la tempête tropicale Otis, née sur le Pacifique près des côtes mexicaines, est devenue un ouragan de catégorie 5 – le degré le plus puissant sur l’échelle –, alors qu’il abordait la terre ferme, et particulièrement la ville d’Acapulco.
Cette brusque intensification, aucun service de météo ne l’avait anticipée. Tous les modèles de prévision utilisés prévoyaient, avec quelques différences, un affaiblissement rapide de la tempête tropicale, qui était de plus censée éviter la côte pour la longer au large. Pourquoi un tel échec ? Avant tout parce que les ouragans sont des phénomènes très, très complexes.
Just to emphasize how poorly hurricane & global models performed for Hurricane Otis... here's the intensity forecasts initialized 24 hours ago, with the dotted black line showing verification: pic.twitter.com/DN5pf7lcOS
— Tomer Burg (@burgwx) October 25, 2023
Les différentes prévisions d’évolution de l’ouragan Otis sont matérialisées par les lignes colorées horizontales. Son évolution réelle : la ligne noire en pointillé… (Source Tomer Burg)
Pour qu’un ouragan se forme, il faut que se combine une basse pression où vient s’engouffrer l’air en altitude, avec une eau à la température élevée en surface, ce qui explique pourquoi la fin de l’été est si propice à l’émergence de ces monstres tourbillonnants. Un air sec descendant, qui constituera l’œil du cyclone, se combine alors à un air humide qui monte et forme des nuages.
L’air et l’eau qu’il transporte se refroidissent en montant, et la chaleur libérée crée des courants d’air puissants alors que, près du sol, une zone de basse pression attire les vents : la machine est lancée, et la « simple » tempête tropicale devient un ouragan.
Mais cela n’indique pas comment la transformation d’Otis a pu passer inaperçue, ni comment elle a pu avoir lieu aussi rapidement. Le problème est que pour qu’un ouragan se renforce, un nombre considérable de paramètres entrent en jeu. D’abord parce que l’atmosphère autour du cyclone change constamment, en fonction de l’humidité de l’air, de la force des vents, de la pression atmosphérique, mais aussi de sa trajectoire… laquelle est également influencée l’atmosphère ambiante.
C’est pour cela que les météorologues utilisent un « cône d’incertitude » lorsqu’ils anticipent le déplacement d’un ouragan et son évolution : c’est une marge d’erreur qui permet, dans la plupart des cas, d’intégrer à leurs prévisions un maximum de variables.
Mais voilà, Otis est complètement sorti de la marge d’erreur. Il fait désormais partis des tracés que le NHC a mesurés comme fautifs, des « aberrations » qui s’écartent des tracés habituels. Ce changement de tracé est la clé de l’explosion de sa puissance. Otis, comme l’expliquaient les météorologues américains, est une tempête d’une petite taille, ce qui la rend très sensible à des changements de paramètres autour d’elle.
Or, lorsqu’elle s’est écartée de son chemin attendu pour se diriger vers la côte mexicaine, elle a rencontré des eaux particulièrement chaudes, jusqu’à 30 ° en surface : un carburant extraordinaire pour doper le moteur d’Otis, et le transformer, suivant le schéma expliqué plus haut, en une machine de guerre. La température anormalement élevée de l’eau serait donc un déclencheur, une élévation due à la fois au réchauffement climatique de ces dernières décennies, et au retour du phénomène météo El Niño.
En ajoutant à cela un vent fort venu du large, juste suffisant pour souffler un peu plus sur la tempête… Et l’on arrive à ce constat très pessimiste, une « tempête parfaite » d’éléments qui ont permis à Otis de devenir un grave danger en quelques heures seulement au nez à et la barbe de tous les prévisionnistes.
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