Meurtre de Karine Esquivillon: comment le mari a maintenu son mensonge pendant deux mois

Meurtre de Karine Esquivillon: comment le mari a maintenu son mensonge pendant deux mois

Depuis la disparition de sa femme, Karine Esquivillon, Michel Pialle martelait que son épouse avait quitté "volontairement" leur domicile, manifestant son "inquiétude".

Affaire Daval, affaire Fiona,... et maintenant, affaire Esquivillon? Ces dernières années, des faits divers médiatiques ont été marqués par des comportements mythomanes. "C'est vraiment un appel au secours. Le but, c'est de retrouver Fiona. N'importe qui voit Fiona, n'importe qui a Fiona, qu'il me la ramène". Le 16 mai 2013, en pleurs, Cécile Bourgeon lance un appel à l'aide devant les caméras pour retrouver Fiona, sa petite-fille âgée de cinq ans, disparue quatre jours plus tôt. Quatre mois plus tard, devant les enquêteurs, la mère de famille craque et avoue que la fillette a été battue à mort, avant d'être enterrée.

Quatre ans plus tard, les caméras sont braquées sur Jonathan Daval, le mari d'Alexia Daval, disparue le 28 octobre 2017. « Elle était ma première supportrice, mon oxygène, la force qui me poussait à me surpasser lors de mes challenges physiques », déclare-t-il, effondré, entouré de ses beaux-parents. Trois mois plus tard, après trente heures de garde à vue, il reconnaît avoir mortellement étranglé son épouse "par accident".

Ce vendredi, après près de 24 heures d'auditions, Michel Pialle a reconnu avoir tué sa femme, Karine Esquivillon. Depuis la disparition de son épouse, le 27 mars dernier, l'homme de 51 ans avait multiplié les apparitions dans les médias, affirmant qu'elle avait quitté "volontairement" le domicile familial.

"Elle est partie volontairement, c'est certain"

Retour le 20 mai 2023. Voilà deux mois que Karine Esquivillon a disparu. Au micro de BFMTV, Michel Pialle, son mari, s'exprime pour la première fois. "Quand elle est partie, pour moi, ce n'était pas possible", expliquait-il, ajoutant que s'il n'avait pas signalé sa disparition tout de suite, c'est qu'il était "persuadé qu'elle allait revenir".

Mais depuis quelque temps, il avait remarqué qu'elle avait "lâché plusieurs choses" comme "les devoirs" des enfants, poursuit-il face caméra. "Elle était moins présente, sa tête était ailleurs, je me suis alors dit que ce n'était pas impossible [qu'elle parte volontairement]. Plus impossible. La preuve en est, elle n'est pas là".

Et l'homme enchaîne: Karine Esquivillon "est partie et personne ne l'a forcée. Elle a pris des affaires dans différents endroits de la maison. C'est impossible que quelqu'un soit venu dans la maison, en dix minutes, sans que je l'entende, prendre des affaires en haut, en bas, sortir le livret de famille (...)". "Elle est partie volontairement, c'est certain. Par contre ce qu'il s'est passé après, c'est l'inconnu total", concluait-il.

Début juin, sur Facebook, il partageait des photos de dessins des enfants, implorant son épouse de donner "des nouvelles". "Les enfants te souhaitent une bonne fête des mères, ils t'aiment et tu leur manques beaucoup !", écrivait-il. Placé en garde à vue jeudi matin, l'homme a finalement avoué quelques heures plus tard, avoir tué "accidentellement" son épouse, en nettoyant sa carabine.

Quatre catégories de "menteurs"

Que ce soit Cécile Bourgeon, Jonathan Daval ou Michel Pialle, les suspects se sont tous les trois épanchés dans les médias, mentant avec une assurance déconcertante. "Le mensonge est un mécanisme très complexe. C'est extrêmement coûteux sur le plan cognitif", explique à BFMTV Mickaël Morlet-Rivelli, expert judiciaire en psychologie près la cour d’appel de Reims et doctorant en psychologie à l’université de Clermont-Auvergne et au centre international de criminologie comparée de Montréal.

"C'est difficile de mentir, mais c'est encore plus difficile de maintenir un mensonge. Ca veut dire que l'enjeu est énorme", estime Mickaël Morlet-Rivelli.

Pourtant, insiste l'expert, tous les "menteurs" ne sont pas les mêmes et tous ne le font pas pour la même raison, explique-t-il, citant Aldert Vrij, l'un des plus grands spécialistes mondiaux de la psychologie du mensonge, qui a élaboré quatre typologies du menteur.

D'abord, il y a le manipulateur, "que l'on peut retrouver dans ce type d'affaire". "Ce sont des gens qui sont égoïstes, malicieux, qui ont un rapport à la culpabilité friable et qui ne s'inscrivent pas beaucoup dans la relation à l'autre", détaille Mickaël Morlet-Rivelli. Puis, il y a les "acteurs" : "c'est-à-dire ceux qui ont une capacité à contrôler leur comportement, qui masquent leurs émotions, qui ont une facilité à jouer un rôle et une bonne aisance verbale", poursuit-il. "On ne peut encore rien affirmer, mais Michel Pialle se situe probablement dans l'une de ces deux catégories".

Viennent ensuite les "sociables", qu'on peut définir par ceux qui "aiment le contact, extraverti, qui sont à l'aise en société", et les "adaptateurs", qui "se calent sur les autres", détaille Mickaël Morlet-Rivelli.

Des raisons diverses

Peu importe la typologique du menteur, il s'agit d'une "distorsion cognitive". "C'est un mécanisme utilisé pour se désengager d'un processus autocritique", ajoute l'expert.

"Le mensonge, peu avoir pour objectif de protéger la personne et de lui donner du temps pour investir cette nouvelle représentation d'elle-même comme auteure d'un acte horrible", détaille l'expert.

Pour le cas de Michel Pialle, l'homme a "crée un mensonge très important et il l'a maintenu dans des contextes variés, en audition, avec sa famille et devant les caméras", poursuit Mickaël Morlet-Rivelli. Un mensonge maintenu "dans des proportions qui nous paraissent extrêmes", mais pour Michel Pialle, c'est "une recherche d'équilibre.

Et les raisons du comportement de l'homme de 51 ans peuvent être nombreuses, liste l'expert. Il peut, entre autre, s'agir d'une "stratégie de défense très élaborée" ou de "complétude, 'j'ai commencé, je vais au bout'", enchaîne l'expert.

"Le mensonge peut avoir de multiples fonctions, parfois autre que celle qui nous paraît évidente", estime-t-il.

Évidement , plus le mensonge est gros et travaillé, plus la crainte d'être révelée est importante. "Tout le monde n'est pas armé pour assumer un tel mensonge derrière", ajoute Mickaël Morlet-Rivelli. Mais les aveux peuvent aussi parfois être source de soulagement.

Article original publié sur BFMTV.com

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