Mediapart censuré ? Même Isabelle Balkany défend Edwy Plenel et ses journalistes

Mediapart censuré ? Même Isabelle Balkany (ici le 13 février 2020) défend le média
FRANCOIS GUILLOT / AFP Mediapart censuré ? Même Isabelle Balkany (ici le 13 février 2020) défend le média

POLITIQUE - Classé sans rancune. Le site d’investigation Mediapart se dit « censuré » après une décision de la justice qui lui interdit de publier de nouvelles informations en lien avec le maire de Saint-Étienne Gaël Perdriau. Une « attaque sans précédent contre la liberté de la presse », selon les mots du fondateur Edwy Plenel, qui ulcère jusque dans la classe politique.

Si de nombreux défenseurs du média en ligne ont fait entendre leurs voix sur les réseaux sociaux, souvent à gauche de l’échiquier politique, il est un message plus surprenant que les autres : celui d’Isabelle Balkany. L’ancienne première adjointe (LR) de la mairie de Levallois-Perret, définitivement condamnée en mars 2020 à trois ans de prison pour fraude fiscale, apporte un soutien franc au site qui l’a « personnellement, douloureusement blessée ». Ou au moins à la liberté d’informer.

Et ce, au nom de la démocratie. « Oui, Mediapart et ses journalistes m’ont personnellement, douloureusement, blessée… Mais quel est ce pays où règne la censure de la presse ? », écrit-elle sur les réseaux sociaux ce mardi, avant d’ajouter : « Ce n’est plus la France, ma France, celle de Camus et de Combat, le ’journal de la Résistance’ qui a ’fondé’ mes convictions de Liberté ! »

Un soutien d’autant plus inattendu que Mediapart est à l’origine de plusieurs révélations, depuis 2013, qui ont conduit, entre autres, à la condamnation d’Isabelle et de son époux Patrick Balkany.

Concrètement, une ordonnance du tribunal judiciaire de Paris, rendue en urgence vendredi 18 novembre, à la demande de Gaël Perdriau, interdit au site d’investigation de publier de nouvelles informations tirées d’enregistrements audio du maire de Saint-Étienne après une série de révélations sur une affaire de chantage à la vidéo intime, selon les déclarations d’Edwy Plenel.

D’après Mediapart, Gaël Perdriau a invoqué « une atteinte à la vie privée » pour bloquer la publication de nouvelles révélations. Le journaliste auteur de l’enquête l’avait au préalable sollicité pour avoir sa position sur des « faits nouveaux ». Selon EdwyPlenel, ces faits « mettent en cause les pratiques du maire de Saint-Étienne, notamment dans le recours à la rumeur comme instrument politique », avec pour cible Laurent Wauquiez, le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Mediapart n’était pas informé de cette procédure et l’ordonnance a été prise « sans que notre journal ait pu défendre son travail et ses droits », selon les mots du journaliste.

Une sénatrice veut légiférer pour protéger la presse

Selon le texte de l’ordonnance, Mediapart ne peut « publier tout ou partie de l’enregistrement illicite réalisé le 27 novembre 2017 » dans le bureau du maire « sur tous supports, électronique, papier ou autre (…) et ce sous astreinte de 10.000 euros par extrait publié ».

L’affaire a débuté en août quand le site d’infos a publié les confessions de l’ancien compagnon d’un adjoint municipal de droite s’accusant d’avoir piégé le premier adjoint Gilles Artigues en le faisant filmer pour le faire chanter dans une chambre d’hôtel avec un escort boy. Selon ses confessions, cette « barbouzerie » avait été organisée à la demande du maire - lequel a toujours démenti toute implication - et rétribuée via des prestations fictives facturées à des associations culturelles financées par la municipalité.

Le dossier n’en finit pas de rebondir sur le terrain politique. La sénatrice centriste Nathalie Goulet a déposé une proposition de loi en réaction à la procédure utilisée pour contraindre Mediapart. Son article unique vise à compléter la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en ajoutant qu’« une publication ne peut être interdite qu’en application d’une décision judiciaire rendue contradictoirement ». Ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

Le texte a reçu le soutien du président (centriste) de la commission de la Culture Laurent Lafon, pour qui il était « important de réagir rapidement et de dire notre soutien à la presse.»

À voir également sur Le HuffPost :

Lire aussi