Marseille : que sait-on de « Yoda » et « DZ Mafia », les deux clans derrière la flambée des règlements de compte ?

Dans un lotissement de la Cité de la Castellane à Marseille, le 27 juin 2023.
Dans un lotissement de la Cité de la Castellane à Marseille, le 27 juin 2023.

MARSEILLE - « Yoda » vs « DZ Mafia ». Derrière la flambée de violence qui ensanglante Marseille cet été, c’est toujours la guerre entre ces deux gangs rivaux qui est à l’œuvre, explique la préfète de police des Bouches-du-Rhône, en décryptant le « nouveau monde » du narcobanditisme phocéen.

Avec 12 morts depuis la mi-juillet, « le bain de sang » dénoncé début avril par la procureure de la République de Marseille Dominique Laurens a donc repris. Dernière victime : un homme de 27 ans tué d’une balle de Kalachnikov en pleine tête mardi soir.

« Il ne s’agit ni plus ni moins que de la reprise du conflit entre “Yoda” et “DZ Mafia” », a insisté Frédérique Camilleri, la préfète de police, devant la presse mercredi 16 août. Selon elle, 80 % des 68 fusillades depuis le début de l’année dans les quartiers populaires sont liées à la rivalité entre ces deux bandes de la Paternelle, dans le nord de la ville, pour le contrôle des lucratifs « plans stups » de la cité.

Au total, selon le dernier décompte de l’AFP, 36 personnes ont perdu la vie dans la deuxième ville de France depuis le début de l’année sur fond de trafic de drogue. Dont cet adolescent de 17 ans mort de ses blessures en février, lynché par une trentaine de personnes, cité de la Paternelle justement. Une agression filmée et diffusée en direct sur Snapchat.

Ce mercredi, Frédérique Camilleri a confirmé « autour de 30 décès directement liés aux trafics de stupéfiants ». Autant déjà donc que les 31 morts par balles liés aux stupéfiants de 2022.

1 144 trafiquants interpellés à Marseille en 2023

Derrière ces chiffres, « c’est un nouveau monde, un changement de paradigme auquel nous assistons », plaide-t-elle : « Désormais, nous sommes face à une logique de vendetta plus que d’appropriation de territoire, “je tue pour faire peur”, pas pour éliminer un concurrent gênant ou récupérer un point de deal. »

Et la préfète de souligner « la banalisation du recrutement des tueurs » par chaque réseau, « comme on recrute un guetteur » : « il n’y a plus d’équipe de tueurs attitrés comme avant ». Et les tueurs sont parfois aussi jeunes que leurs victimes : début avril, c’est ainsi Matteo F., 18 ans, qui est interpellé, soupçonné d’avoir abattu Djibril, 15 ans, et Kaïs, 16 ans. Pour tous les « contrats » qu’il aurait exécutés, il a affirmé avoir touché 200 000 euros.

Quant au vivier de candidats, il ne semble pas se tarir, malgré l’arrestation en flagrant délit de cinq commandos depuis le printemps, soit 17 personnes au total. « Pour les anciens de la PJ, quand une équipe de tueurs était interpellée, c’était six mois de calme, mais c’est fini ça », constate Frédérique Camilleri.

Au total, chacun des deux clans regroupe une cinquantaine de membres, du guetteur au « charbonneur » (les petits dealers), jusqu’aux patrons, surnommés « Le Chat » et « Tic », indique franceinfo.

Paradoxalement, si le nombre de morts s’emballe en 2023, c’est une année d’activité record pour les enquêteurs, souligne la préfète : 740 armes saisies, dont 62 fusils d’assaut (+24% par rapport à 2022), 1 144 trafiquants interpellés à Marseille (+26%), 12 millions d’euros d’avoirs criminels saisis, des points de deal en diminution constante (70 de moins qu’en 2021).

La CRS 8 envoyée à Marseille

Avec l’interpellation en juin en Algérie de Mohamed Djeha, dit « Mimo », c’est même un des plus gros trafiquants de drogue de France, ex-boss de la cité marseillaise de la Castellane, qui est mis hors d’état de nuire.

Il y a tout un travail pour remonter au plus haut des réseaux, insiste Frédérique Camilleri, et « pour s’attaquer à l’argent sale » : « Nous cherchons à toucher au portefeuille, en frappant les points de deal, “la vache à lait” des réseaux, mais aussi les collecteurs d’argent et les réseaux de blanchiment ».

Face « à la tectonique des plaques entre réseaux », la stratégie de « pilonnage » des points de deal va, elle, continuer. Ainsi, Marseille va recevoir pour une semaine le renfort des 200 hommes de la CRS 8, une unité spécialisée dans les violences urbaines, basée en région parisienne, a confirmé jeudi matin le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Mercredi, Frédérique Camilleri avait rappelé qu’à l’automne la cité phocéenne disposera elle aussi de sa CRS 8, ces policiers mobilisables vingt-quatre heures sur vingt-quatre en l’espace de quinze minutes. Une annonce officialisée ce jeudi 17 août par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Cette unité restera à Marseille « environ une semaine, avec pour objectif de mener des actions coups de poing contre le trafic, sur les points de deal notamment », a-t-on ajouté dans l’entourage du ministre.

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