Marine Tondelier, seule femme à la tête d’un parti de gauche

Marine Tondelier sucède à Julien Bayou à la tête d’Europe-Écologie Le Verts.
JOEL SAGET / AFP Marine Tondelier sucède à Julien Bayou à la tête d’Europe-Écologie Le Verts.

POLITIQUE - Une dame de vert pour briser le plafond. À 36 ans, Marine Tondelier est, depuis ce samedi 10 décembre, la nouvelle Secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts. Elle succède à Julien Bayou et impose ainsi une voix féminine dans un carré de gauche jusqu’alors exclusivement masculin.

Née à Hénin-Beaumont le 23 août 1986, Marine Tondelier est tombée dans la marmite politique écologique pendant ses études à Sciences Po Lille, juste avant les européennes de 2009. Elle a 23 ans. C’est l’époque José Bové, Éva Joly, Michèle Rivasi, Cécile Duflot...En décembre 2010, cette dernière, aujourd’hui dirigeante d’Oxfam France devient la première secrétaire nationale d’EELV.

Douze ans plus tard, Marine Tondelier - qui connaît bien l’ancienne ministre pour avoir été sa collaboratrice parlementaire à l’Assemble nationale entre 2015 et 2017 - lui succède. « Je suis fière d’être dans un parti dont les six candidates au poste de secrétaire national étaient des femmes », confie-t-elle au HuffPost quelques jours avant le sacre.

C’est suffisamment rare pour être souligné. Et envié par d’autres. « Je pense que les écolos sont en avance sur ces questions », reconnaît sans détour la socialiste Gabrielle Siry-Houari. Au congrès du PS prévu en janvier 2023, elle soutient une motion qui propose un binôme paritaire au poste de Premier secrétaire. Soit exactement les règles imposées au sein d’EELV pour la présidence de leur groupe de députés depuis plus de dix ans.

« Les écolos sont en avance sur ces questions » - Gabrielle Siry-Houari, porte-parole du PS

« EELV est un parti qui sait mettre les femmes en avant, qui n’a pas peur de reconnaître leur talent, leur expertise. Même si des choses sont toujours à améliorer, c’est un parti qui permet aux femmes de trouver leur place dans le mouvement », se réjouit Marine Tondelier. L’histoire lui donne raison. Sur les cinq secrétaires nationaux élus entre 2010 et 2022, deux sont des femmes. Après Cécile Duflot et Emmanuelle Cosse, Marine Tondelier met la balance à l’équilibre.

De quoi rendre vertes de jalousie les autres formations de gauche, très loin du compte. Au Parti socialiste, sur treize premiers secrétaires, une seule femme : Martine Aubry. Au PCF, seul le nom de Marie-George Buffet interrompt une longue liste de noms masculins. À la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon assure le leadership depuis la création du mouvement en 2016.

Tondelier, habituée du Front

La masculinité est surreprésentée, mais cela n’effraie pas Marine Tondelier. Il est vrai qu’une réunion entre représentants de la NUPES, aussi agitée soit-elle, lui sera sans doute moins hostile qu’un conseil municipal à Hénin-Beaumont. Marine Tondelier y siège depuis 2014, dans l’opposition. Face à elle, le maire Rassemblement National Steeve Briois. Elle est aussi conseillère régionale des Hauts-de-France, où droite et extrême droite sont largement majoritaires. Autant dire que l’adversité, elle connaît, au point d’en avoir fait un livre intitulé Nouvelles du Front (ed. Les Liens Qui Libèrent, 2017). « Je suis du genre chiante : plus c’est dur, plus je reste», se décrivait-elle auprès de nos confrères de Libération en avril.

Surtout, elle n’entend pas laisser sa ville et sa circonscription à l’extrême droite. Depuis 2012, elle est systématiquement candidate aux élections législatives dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais. Elle y a affronté Jean-Luc Mélenchon - les deux ont perdu dès le premier tour - puis Marine Le Pen, deux fois. En 2017, elle finit quatrième. Cinq ans plus tard, la voilà au second tour face à l’ancienne candidate à la présidentielle. Elle perd sèchement, avec 28,14 % des suffrages contre 71,86 % pour l’extrême droite. Mais ne lâche pas l’affaire pour autant.

« Il nous faut davantage de visages féminins de premier plan à gauche ! »

Julien Bayou, secrétaire national sortant, a été élu député de Paris cette année, deux fonctions incompatibles selon les instances du mouvement. Il est de fait hors jeu pour le Congrès des Verts. Avec son soutien, Tondelier tente sa chance, après neuf ans dans les coulisses, une expérience de directrice de campagne d’Éric Piolle à la primaire des Verts et une autre de porte-parole pendant la campagne présidentielle de Yannick Jadot.

Le 26 novembre, sa motion « La Suite » devance largement les cinq autres déposées et c’est sans surprise qu’elle est élue ce samedi, après un premier tour où elle a obtenu près de 47 % des suffrages. Marine Tondelier a déjà établi sa liste d’objectifs : « rassembler un million de sympathisants écologistes d’ici la fin de ce mandat », réaffirmer la place des écologistes au sein de la NUPES… Et faire perdurer la tradition paritaire des Verts.

« C’est un enjeu auquel je tiens beaucoup. L’épanouissement des femmes dans le mouvement est un chantier auquel je compte m’atteler », assure-t-elle. Quitte peut-être à bousculer un peu ses partenaires à gauche ? Les affaires Bayou et surtout Quatennens ont égratigné l’image de précurseur que la gauche revendique sur ces sujets. Pour Gabrielle Siry-Houari, il est évident que la présence d’une femme à la direction des partis aurait abouti à une gestion différente : « Les femmes politiques à gauche sont celles qui portent le mieux les sujets d’égalité femme homme et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Elles ont une expertise d’expérience sur ces sujets », juge la socialiste.

« Je suis sûre qu’il y a plein de femmes dans ces partis qui ont parfaitement les compétences pour les diriger » - Marine Tondelier

Dans une gauche pas toujours alignée sur ces questions, Marine Tondelier devra peut-être parler fort pour se faire entendre. Elle assure connaître déjà tous ses futurs interlocuteurs de Roussel à Mélenchon et affirme qu’il n’y a « aucune difficulté à travailler ensemble ».

Même sans l’avoir rencontrée, Gabrielle Siry-Houari se montre assez confiante car elle estime que la nouvelle cheffe des Verts est loin d’être « impressionnable ». « Et de fait, avoir une diversité dans les réunions, ça va en changer le cours et le ressenti », se réjouit-elle en même temps. Elle est presque aussi enthousiaste que Clémentine Autain. Contactée par nos soins pour discuter de la féminisation du Congrès écolo, la députée LFI répond du tac-au-tac : « Oui, il nous faut davantage de visages féminins de premier plan à gauche ! » Sans le savoir, Marine Tondelier lui aurait-elle renvoyé la politesse quelques jours auparavant ? Alors qu’on l’interrogeait sur son statut de seule femme cheffe à gauche, elle glisse : « Je suis sûre qu’il y a plein de femmes dans ces partis qui ont parfaitement les compétences pour les diriger, et j’en connais. »

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