Marc Fesneau s’amuse à « dire du bien des pesticides » et irrite

Le média « Vakita » a capté une scène où le ministre de l’Agriculture lance : « T’as vu, j’ai dit du bien des pesticides ! ». Il assure qu’il s’agit d’une « phrase ironique ».

POLITIQUE - Mauvaise graine. Ce vendredi 26 mai, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau est sous le feu des critiques d’élus insoumis et écologistes après la diffusion d’une vidéo où il s’amuse d’avoir dit « du bien des pesticides ».

L’extrait est issu d’un reportage du média Vakita, spécialisé dans les questions environnementales et sociétales. Marc Fesneau est interrogé dans le cadre de la publication, le 15 mai dernier, d’une étude qui établit l’agriculture intensive comme la première cause de la disparition des oiseaux en Europe. En tuant les insectes, les pesticides utilisés pour accroître le rendement agricole nuisent à la biodiversité, avec un impact sur le mode de vie et d’alimentation des oiseaux.

Dans ce contexte, la petite phrase du ministre de l’Agriculture, captée par les caméras alors qu’il s’entretient avec d’autres personnes non identifiées, passe mal. « T’as vu, j’ai dit du bien des pesticides ! » lâche-t-il avec un sourire, à une interlocutrice qui lui répond « Oui j’ai vu ! ».

La suite de l’interview n’est pas davantage du goût des écologistes. Questionné par la journaliste Marie Lecoq, Marc Fesneau feint d’abord de ne pas connaître la définition de « l’agriculture intensive » puis assure qu’il est « inexact de dire qu’on ne fait rien, qu’on ne limite pas l’usage des pesticides » avant de déplorer « la caricature ». « Ça fait 20 ans que les gens expriment les choses comme vous les exprimez et 20 ans qu’on n’avance pas. Si on se mettait autour de la table pour tous avancer plutôt que de dire ’vous êtes responsables’... L’agriculture qu’on a, c’est l’agriculture qu’on a voulue », assène-t-il.

« On croyait avoir un ministre de l’agriculture. On a un lobbyiste »

L’extrait a provoqué l’indignation de ses adversaires politiques. « Tirer vanité du recul de la biodiversité, du déclin des pollinisateurs, des oiseaux, des maladies qui frappent les agriculteurs… Bravo Marc Fesneau », ironise amèrement Mounir Satouri, eurodéputé EELV. La députée verte Marie-Charlotte Garin se contente d’un émoji « tête de mort » éloquent. « Hallucinant, honteux… Cet individu est ministre… », écrivent de leur côté les responsables du parti animaliste sur Twitter.

« Marc Fesneau en flag de plaisanterie avec les lobbies des pesticides. L’agriculture intensive et ses ravages prêtent à rire visiblement », tacle la députée insoumise Aurélie Trouvé tandis que son collègue de la Somme François Ruffin décrit Marc Fesneau comme « un lobbyiste des multinationales des pesticides » avant d’être ministre. « Dire du bien des pesticides, c’est une fierté en soi ? Vous servez l’intérêt général ou l’intérêt de l’industrie chimique ? », abonde Antoine Léaument.

Contacté par Le HuffPost, le cabinet de Marc Fesneau n’a pas donné suite à l’heure où nous écrivons ces lignes. Le ministre a ensuite réagi sur Twitter en milieu d’après-midi et précisé le contexte. « La phrase ironique est adressée à l’une de vos consœurs de Public Sénat à l’issue de l’échange avec votre média, non en amont. Second degré qu’elle a parfaitement compris dans un sourire. Votre équipe a bien sûr saisi ce trait d’esprit (...) mais, si jamais cela vous semblait étranger, il aurait suffi de lui poser la question », écrit-il, avant cette pique : « Cela nécessite cependant de réaliser du bon travail. D’être professionnel. D’être journaliste, en fait. »

« Ne jamais - jamais - tenter de servir ses causes par la tromperie ou la mauvaise information. On les sert avec bien moins d’authenticité et de puissance », ajoute-t-il.

Depuis son arrivée au ministère de l’Agriculture en juillet 2022, Marc Fesneau a défendu à plusieurs reprises l’utilisation de pesticides. Il a ainsi toujours été favorable aux dérogations demandées par les agriculteurs pour l’usage des néonicotinoïdes, une position à rebours de celle de l’UE et qui lui a valu un revers du Conseil d’État au début du mois. Fin mars, il avait aussi réclamé de l’ANSES de renoncer à l’interdiction de l’herbicide S-métolachlore, utilisé dans les cultures de maïs, de soja ou encore de betteraves. Il avait ensuite justifié cette demande au nom de la « souveraineté alimentaire » , tout en fustigeant – déjà - les « caricatures » et en assurant de son engagement pour « la poursuite de la trajectoire de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaire ».

Ce vendredi, le ministre se trouvait en déplacement aux côtés de la Première ministre pour présenter les grandes lignes de la Stratégie nationale de la biodiversité, dont le détail est attendu cet été. Premier objectif ? « Faire baisser les pressions qui s’exercent sur la biodiversité, avec la présentation dans quelques semaines du plan de réduction de pesticides ». Marc Fesneau n’a pas fini d’en (entendre) parler.

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