Maisons France Service : donnons les moyens aux collectivités locales d’être au cœur de l’accès au service public

« Maisons France Service : donnons les moyens aux collectivités locales d’être au cœur de l’accès au
service public » - la tribune d’Antoine Guillou, adjoint à la Maire de Paris en charge des ressources humaines, du dialogue social et de la qualité du service public.
« Maisons France Service : donnons les moyens aux collectivités locales d’être au cœur de l’accès au service public » - la tribune d’Antoine Guillou, adjoint à la Maire de Paris en charge des ressources humaines, du dialogue social et de la qualité du service public.

POLITIQUE - Ces dernières années, sous couvert de dématérialisation, de nombreux services publics, en particulier nationaux, ont limité voire fermé leurs accueils physiques et téléphoniques, portant atteinte à l’égal accès au service public. La Défenseure des Droits rappelle ainsi qu’en France près de 13 millions de personnes, toutes générations confondues, sont atteintes d’illectronisme, et que seul un accès multicanal - c’est-à-dire laissant la pleine liberté à l’usager de choisir comment interagir avec l’administration : par téléphone, internet ou via un guichet d’accueil physique - permet l’égalité d’accès aux services publics.

Face à cette situation inacceptable, le gouvernement met en avant les Maisons France Services, qui ont succédé aux Maisons de services au public créées en 2015, et à propos desquelles il a commandé un rapport parlementaire, publié mardi 27 juin, à la députée Marie-Agnès Poussier-Winsback et au sénateur Bernard Delcros.

Seul un accès laissant la pleine liberté à l’usager de choisir comment interagir avec l’administration permet l’égalité d’accès aux services publics.

Les Maisons France Service permettent en un même lieu l’accès à des services relevant de plusieurs opérateurs, tels que la Caisse d’Allocation Familiales (CAF), l’Assurance Maladie, l’Agence nationale des titres sécurisés ou encore la Direction Générale des Finances Publiques.

Mais on dit trop peu que les Maisons France Services sont en réalité majoritairement portées et financées par… les collectivités locales ! C’est ainsi le cas de 64 % d’entre elles à l’échelle nationale (les autres étant portées principalement par la Poste ou des associations, et très marginalement par des services de l’État). Partout sur le territoire, les collectivités jouent plus que jamais un rôle fondamental pour l’accès au service public : face au désengagement des services et opérateurs nationaux, elles sont trop souvent le dernier recours de nombreux usagers désemparés, y compris pour des démarches qui ne relèvent pas d’elles. La nouvelle déclaration des biens immobiliers, dont la date limite a dû être repoussée par le gouvernement du 30 juin au 31 juillet, en fournit un exemple édifiant : les centres des impôts sont actuellement débordés, et de nombreux usagers se rendent en mairie pour obtenir de l’aide face à cette nouvelle démarche.

À Paris, chaque mois des milliers de personnes se rendent ainsi dans les Mairies d’arrondissement pour des démarches non municipales : allocations familiales, retraites, emploi… En préservant une accessibilité complète de ses services municipaux, par téléphone, internet ou directement à l’accueil, la Ville de Paris, comme beaucoup d’autres communes en France, s’engage pour garantir un accès au service public à tous ses usagers.

Face au désengagement des services et opérateurs nationaux, les collectivités sont trop souvent le dernier recours de nombreux usagers désemparés, y compris pour des démarches qui ne relèvent pas d’elles

Grâce à leur proximité avec leurs habitants et à l’implication de leurs agents, les collectivités seraient bien placées pour jouer officiellement ce rôle d’accompagnement de l’ensemble des démarches administratives pour un large éventail de services publics. Mais l’État et les opérateurs nationaux ne peuvent pas continuer à se défausser sur elles sans contrepartie !

Pour que les Maisons France Service jouent véritablement leur rôle en matière d’accès au service public partout en France, il est donc urgent de changer d’échelle.

Tout d’abord, tous les opérateurs de service public – qui ont bien souvent déjà bénéficié d’économies importantes en fermant leurs accueils physiques et téléphoniques - doivent assumer leurs responsabilités : de nouveaux opérateurs nationaux doivent adhérer au programme France Services, l’éventail de démarches doit être élargi et l’ensemble des opérateurs, actuels et futurs, doivent assurer un financement suffisant à l’échelle nationale. En outre, les opérateurs adhérents doivent permettre aux agents polyvalents qui accueillent les usagers dans les maisons France Services de disposer d’interlocuteurs spécialisés dédiés pour prendre le relais des démarches les plus complexes. La récente circulaire du Ministère de l’Intérieur et de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires indiquant que les Maisons France Services ne sont pas autorisées à contacter les préfectures pour les demandes de titres de séjour d’usagers pourtant confrontés à un grave déni d’accès au droit, est de ce point de vue inacceptable.

Par ailleurs, le financement attribué à chaque Maison France Services doit être revu à la hausse : aujourd’hui les entités qui portent les maisons France Services, en majorité des collectivités locales, reçoivent en tout et pour tout un montant forfaitaire de 30 000 € annuels par maison, nettement insuffisant au regard des coûts d’investissement et de gestion de telles structures. La proposition du rapport parlementaire d’augmenter ce montant à 50 000 € va naturellement dans le bon sens, mais reste très en deçà des besoins.

Le financement attribué à chaque Maison France Services doit être revu à la hausse, avec des modalités adaptées aux spécificités de chaque territoire

Les modalités de financement devraient en effet être adaptées aux spécificités de chaque territoire afin d’assurer à la fois une couverture géographique suffisante (dans les territoires peu denses, les structures doivent être assez nombreuses pour être accessibles avec un temps de trajet acceptable) et de prendre en compte la fréquentation (en ville, les Maisons France Services sont moins nombreuses, mais avec des fréquentations élevées).

Les Maisons France Services peuvent ainsi être une opportunité de reconstruire un accès effectif de toutes et tous au service public, mais pour qu’elles soient à la hauteur de l’enjeu, il faut une vraie ambition au niveau national, et de vrais moyens !

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