Macron reçoit le prince saoudien MBS à l’Élysée, un dîner qui dérange

Emmanuel Macron lors de sa rencontre avec MBS en Arabie saoudite en décembre 2021.
BANDAR AL-JALOUD / AFP Emmanuel Macron lors de sa rencontre avec MBS en Arabie saoudite en décembre 2021.

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Emmanuel Macron lors de sa rencontre avec MBS en Arabie saoudite en décembre 2021.

ARABIE SAOUDITE - Une rencontre qui fait grincer des dents. Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane sera reçu ce jeudi soir par le chef de l’État français Emmanuel Macron pour un « dîner de travail » à l’Élysée à 20h30, a annoncé ce mercredi 27 juillet la présidence française.

Cette visite de Mohammed ben Salmane, dit « MBS », intervient après celle d’Emmanuel Macron à Jeddah en décembre. Les deux hommes avaient à cette occasion lancé une initiative pour aider le Liban.

Elle marque aussi le retour du prince héritier, qui a accueilli il y a deux semaines le président Joe Biden en Arabie saoudite, sur la scène internationale : MBS avait été banni par les pays occidentaux, après le meurtre en 2018 du journaliste saoudien critique Jamal Khashoggi au consulat de son pays à Istanbul.

MBS réhabilité malgré la mort de Khashoggi

La rencontre entre Macron et le prince héritier saoudien signe un peu plus la réhabilitation de ce dernier, moins de deux semaines après la visite du président américain Joe Biden en Arabie saoudite, qui a définitivement consacré le retour de « MBS » sur la scène internationale.

Dirigeant de facto du royaume, Mohammed ben Salmane avait été ostracisé par les pays occidentaux, après le meurtre en 2018 de Jamal Khashoggi au consulat de son pays à Istanbul. Les services de renseignement américains avaient pointé la responsabilité de MBS, envenimant les relations entre Ryad et Washington.

Si le « fist bump », salut poing contre poing, échangé entre les deux hommes à Jeddah lors de la visite de Joe Biden mi-juillet a scellé le retour du président américain sur sa promesse de campagne de traiter le royaume en « paria », le premier déplacement de MBS au sein de l’Union européenne passe mal chez les défenseurs des droits de l’Homme.

Les ONG s’insurgent

« La visite de MBS en France et de Joe Biden en Arabie saoudite ne changent rien au fait que MBS n’est autre qu’un tueur », a déploré auprès de l’AFP Agnès Callamard, qui avait piloté une enquête sur l’assassinat de Jamal Khashoggi lorsqu’elle était rapporteure spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires.

Et la directrice pour la France de Human Rights Watch, Bénédicte Jeannerod, a taclé sur Twitter : « MBS peut apparemment compter sur Emmanuel Macron pour le réhabiliter sur la scène internationale malgré le meurtre atroce du journaliste Jamal Khashoggi, la répression impitoyable des autorités saoudiennes contre toute critique, crimes de guerre au Yémen ».

Son retour en grâce auprès de chefs d’État occidentaux est « d’autant plus choquant que nombre d’entre eux ont exprimé à l’époque leur dégoût (pour le meurtre) et leur engagement à ne pas ramener MBS dans la communauté internationale », a-t-elle ajouté, dénonçant « deux poids, deux mesures ».

« Amnesty a établi que plusieurs proches du journaliste saoudien Jamal Khashoggi avaient été pris pour cibles par le logiciel #Pegasus. [...] Recevoir #MBS sans soulever ces questions serait incompatible avec l’engagement affiché de la France en faveur de la protection des défenseur.e.s des droits humains et des journalistes et de la promotion du droit l’information », pointe pour sa part Katia Roux, d’Amnesty International.

Le retour à la realpolitik après la hausse des prix du pétrole

Le contexte de la guerre en Ukraine et de l’envolée des prix de l’énergie a incité les pays occidentaux à revoir leurs relations avec l’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de brut, qu’ils cherchent à convaincre d’ouvrir les vannes afin de soulager les marchés.

Mais Ryad résiste aux pressions de ses alliés, invoquant ses engagements vis-à-vis de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP+), l’alliance pétrolière qu’il codirige avec Moscou. En mai, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faiçal ben Farhan al-Saoud, avait déclaré que le royaume avait fait ce qu’il pouvait pour le marché pétrolier.

« La guerre en Ukraine a remis les pays producteurs d’énergie sur le devant de la scène, et ils en profitent », remarque Camille Lons, chercheuse associée à l’Institut international pour les études stratégiques. « Cela leur donne un levier politique qu’ils vont utiliser pour réaffirmer leur importance sur la scène internationale. »

Quant aux pays occidentaux, ils rivalisent de « pragmatisme », note-t-elle. Et face à « des prix de l’énergie qui explosent, (...) clairement, les droits de l’Homme en Arabie saoudite ne sont plus vraiment la priorité dans l’agenda. »

À voir également aussi sur le Huffpost : Ce « check » de Joe Biden en Arabie saoudite ne passe pas inaperçu

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