Macron disserte sur la Chine et les États-Unis et s’attire les critiques à l’international

« Pathétique, comme d’habitude » : Pourquoi Macron s’attire de nouvelles critiques à l’international ? (photo prise le 7avril en Chine)
« Pathétique, comme d’habitude » : Pourquoi Macron s’attire de nouvelles critiques à l’international ? (photo prise le 7avril en Chine)

POLITIQUE - Un bilan discutable. De retour de Chine, et alors qu’il s’apprête à s’envoler pour les Pays-Bas, Emmanuel Macron est critiqué sur la scène internationale pour avoir demandé publiquement aux Européens de ne pas se mettre systématiquement dans la roue des États-Unis, en particulier sur la question épineuse de Taïwan.

Le chef de l’État français a effectivement accordé une interview aux Échos et à Politico à bord de l’avion qui le ramenait de Canton à Paris, samedi 8 avril. Un entretien dans lequel il détaille sa vision de la diplomatie et des relations internationales, avec un concept qui lui est cher : « l’autonomie stratégique » de l’Union européenne.

Pour le président de la République, « le grand risque » pour le Vieux Continent serait « de se retrouver entraîné dans des crises qui ne sont pas les nôtres, ce qui nous empêcherait de construire notre autonomie stratégique. » « Le paradoxe », selon Emmanuel Macron, « serait que nous nous mettions à suivre la politique américaine, par une sorte de réflexe de panique. »

Et d’insister, plus précisément sur Taïwan : « La question qui nous est posée à nous Européens est la suivante […] Avons-nous intérêt à une accélération sur le sujet de Taïwan ? Non. La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise. » Un message, certes diplomatique, mais pas toujours bien reçu à l’étranger… qui plus est à l’heure où la Chine mène un exercice « d’encerclement total » de l’île.

Plus élus européens ou américains réagissent

Les déclarations du président de la République contre la « logique de bloc à bloc » semblent effectivement susciter la crispation de certains en Europe et aux États-Unis, où la classe politique et les autorités s’accordent à faire de la Chine, la seule puissance capable de leur disputer la suprématie mondiale, « le principal danger. »

En plus d’articles de presse outre-Atlantique qui relatent une visite complaisante à l’égard des autorités chinoises, des élus américains s’étonnent ou demandent des clarifications. C’est le cas par exemple de Marco Rubio, l’ancien rival de Donald Trump en 2016 au sein du parti républicain. Le sénateur de Floride s’est ainsi fendu d’une vidéo samedi (palmiers de rigueur) pour demander aux Européens si Emmanuel Macron parlait en leur nom, tout en moquant un revirement diplomatique après « six heures de visite. »

« Nous avons besoin de savoir si Macron parle pour Macron, ou s’il parle pour l’Europe. Nous avons besoin de le savoir rapidement, parce que la Chine est très enthousiaste à propos de ce qu’il a dit », lance notamment l’élu américain, rappelant les liens qui unissent traditionnellement Washington et Bruxelles.

En Europe, le parlementaire estonien Marko Mihkelson, membre de la Commission des Affaires étrangères du Riigikogu riposte lui aussi : « Pourquoi, président Macron ? L’Europe devrait se tenir aux côtés des États-Unis pour équilibrer le pouvoir de la Chine », écrit-il en relayant l’article de Politico. Toujours sur les réseaux sociaux, Garry Kasparov, opposant russe au pouvoir de Vladimir Poutine, en exil à New York, use d’un langage moins diplomatique pour fustiger la sortie du président français.

Un épisode qui laissera des traces ?

« Pathétique de la part de Macron, comme d’habitude », écrit-il, surtout aujourd’hui « alors qu’il vient de rencontrer le dictateur chinois. » Selon l’ancien champion du monde d’échecs, « l’Europe est en guerre aujourd’hui précisément parce qu’elle a essayé d’éviter de s’impliquer dans une crise, lorsque Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine pour la première fois en 2014. »

Sans aller jusqu’à ce parallèle, plusieurs observateurs et spécialistes des relations internationales, en France ou à l’étranger, estiment effectivement que les déclarations du président de la République sont, au mieux, malvenues. Le politiste et fondateur du think tank américain Eurasia Group Ian Bremmer pointe par exemple la contradiction du président français à insister sur la nécessité pour l’Europe de réduire sa dépendance vis-à-vis des États-Unis, sans s’attarder sur la dépendance vis-à-vis de la Chine.

Dans cet esprit, Antoine Bondaz, spécialiste de la politique étrangère chinoise, estime que le président de la République a commis plusieurs erreurs sur le fond et la forme. « Au retour d’une visite d’État en Chine, Macron ne trouve rien de mieux que de critiquer les États-Unis. Ce qui conforte les doutes appuyés de nos partenaires d’une équidistance de Paris entre Washington et Pékin », analyse le chercheur de la Fondation pour la recherche stratégique dans une série de messages publié sur Twitter, alors que la position du chef de l’État français donne l’impression, selon lui, de faire des Américains « les seuls responsables de la tension » autour de Taïwan.

Un positionnement en « totale contradiction » avec « les documents officiels français » et les « positions multilatérales » décidées par exemple par le G7, relève l’enseignant à Science Po.

« Au prétexte de réalisme (...) Macron ne fait qu’amener de l’incohérence et de l’ambiguïté dans sa politique étrangère, fragilisant ainsi la coopération avec nos partenaires affinitaires », cingle encore Antoine Bondaz, à propos d’un épisode qui « laissera des traces » avec nos alliés. Une analyse partagée par l’eurodéputé Raphaël Glucksmann, pour qui l’« impact » de tels propos sera « durable sur la crédibilité de la France en Europe. »

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