Macron chante dans la rue : qu’est-ce que Canto, l’application dont il est question

Le logo de l’application Canto, dont il est question dans la vidéo d’Emmanuel Macron qui chante dans le rue le 17 avril 2023.
Le logo de l’application Canto, dont il est question dans la vidéo d’Emmanuel Macron qui chante dans le rue le 17 avril 2023.

POLITIQUE - « Il n’y a que la mafia et Projet Canto pour faire chanter un chef d’État ! » L’appli de chants traditionnels a bénéficié ce mardi 18 avril d’un immense coup de projecteur après la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo d’Emmanuel Macron entonnant Le Refuge d’Edmond Duplan au côté de quelques chanteurs amateurs.

Une première vidéo montrant la scène a été publiée peu après minuit sur la page Facebook « Projet Canto », vitrine d’une organisation et d’une application de chant éponymes. L’association se définit sur son site comme une défenseure du patrimoine, sauvegardant sous format numérique des chants populaires. elle assure également que le président a été interpellé par « une chorale d’amis qui répétait dans la rue » tard mardi soir.

Problème : Canto est régulièrement critiquée pour ses accointances avec l’extrême droite. Et surtout, quelques heures plus tôt, Emmanuel Macron était sur les écrans de télévision de plus de 15 millions de Français pour développer ses prochains « chantiers » pour la France, après la difficile séquence de la réforme des retraites.

Toujours sur sa page Facebook, Projet Canto ajoute : « Nous sommes très heureux de voir que cette chorale utilise l’application Canto. Nous sommes très heureux également que le Président de la République se soit servi de notre application ».

Un autre post sur Instagram précise que cette poignée d’anonymes serait en fait le chœur St Longin dont les membres, tous des hommes, « chantent régulièrement leur foi à travers un répertoire sacré, leur amour du pays par des chants régionaux et leur amitié lorsque le spirituel cède sa place au spiritueux ».

Chants fascistes et nazis

Sur son site, le projet Canto, organisation à but non lucratif créée en 2020, explique que sa première mission est de « trouver tous les chants populaires et traditionnels de France, pour les sauvegarder en numérique ». Elle se présente comme « une association loi 1901 qui entend sauvegarder, faire vivre et transmettre la mémoire du chant populaire français grâce à un site et une application gratuite pour servir de support ».

Une intention a priori louable pour sauver le patrimoine traditionnel. Sauf que Libération a révélé fin 2022 que le répertoire de cette application, rassemblant aujourd’hui environ 1 700 chants selon ses créateurs, comptait plusieurs classiques de l’extrême droite. Parmi eux : l’hymne de la Phalange espagnole, le mouvement fasciste de Primo de Rivera, ou encore des chants issus de l’Allemagne nazie. Le quotidien révélait par ailleurs que la structure avait reçu une subvention de 40 000 euros de la part du ministère de la Culture. Le Centre National de la musique, sous tutelle du ministère, a ouvert une enquête interne l’année dernière.

« Le chant politique fait partie de l’histoire du chant, c’est à ce titre qu’il est répertorié. Certains sont apparentés à l’extrême droite, d’autres à l’extrême gauche (...) notre choix est simplement de répertorier tous les chants populaires », répondait alors l’association à Libération.

Le collectif antifasciste La Horde (qui mène une veille fouillée et active sur les groupes nationalistes) dévoilait pour sa part dans une autre enquête que l’un des responsables du projet avait un important passif en termes de militantisme d’extrême droite, étant notamment passé par les rangs du GUD : Charles Dor.

Un ex-membre du GUD derrière le projet

Ce dernier est derrière le concept même de Canto, a-t-il raconté à plusieurs reprises à Ouest-France ces dernières années. « Canto repose sur trois piliers. D’abord, sauvegarder ce dont on hérite. On ne veut pas que cette culture populaire s’éteigne. Ensuite, faire vivre ce patrimoine. Et enfin, le transmettre », expliquait-il par exemple en décembre 2022. Il n’y a aucune référence à l’extrême droite dans cet article.

« L’idée n’est pas de chanter juste, mais de se retrouver entre copains​ », ajoutait Charles Dor deux mois plus tard. Cette fois, le Morbihannais a été contraint de s’expliquer sur les chants problématiques sur sa plateforme. « Dès qu’on s’intéresse aux chants populaires et traditionnels, on passe pour un beauf​ », répliquait-il. Désormais il l’assure, « tous les chants déposés sur le site sont filtrés ».

Et sa proximité avec l’extrême droite ? Il ne la nie pas. « Mais c’était il y a vingt ans, se défendait-il. On veut me le faire payer. » Selon La Horde, Charles Dor aurait eu des responsabilités au GUD entre 2008 et 2010.

Si l’authenticité de la vidéo a été confirmée par l’Élysée, au sein de l’entourage du président, on s’agace des « surinterprétations faites par l’extrême droite  », soulignant que le chef de l’État « ne pouvait connaître à ce moment-là les antécédents de chaque personne avec laquelle il discutait ». N’en déplaise aux chants pyrénéens traditionnels, on reste dans la fausse note.

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