Médine chez LFI et EELV : mais que reprochent au rappeur ceux qui s’indignent de son invitation ?

Du camp présidentiel à l’extrême droite, les critiques contre le rappeur redoublent depuis son invitation à participer aux universités d’été de certains partis de gauche.

Il a visiblement « mauvaise réputation », comme il le chantait lui-même dans une reprise de la célèbre chanson de Georges Brassens. Le rappeur Médine, 40 ans et huit albums au compteur, sera fin août aux « AmFis », le rendez-vous estival de La France insoumise organisé près de Valence dans la Drôme, juste après son passage au Havre – sa ville natale – aux journées d’été des écologistes et avant la Fête de l’Huma en septembre. Autant d’égards impensables pour une partie de la classe politique.

Le député et porte-parole du Rassemblement national Laurent Jacobelli a par exemple fustigé « un naufrage » pour les partis de gauche, ce jeudi 10 août sur franceinfo, en rappelant avoir tenté ces derniers mois, comme plusieurs de ses collègues d’extrême droite, de faire interdire certains concerts du rappeur qu’ils accusent entre autres d’être un « islamiste », comme vous pouvez le voir ci-dessous. Sans y parvenir.

Depuis l’annonce de son invitation chez les écolos, puis chez les insoumis, le flot de critiques redouble, alimenté par des élus du RN ou du camp présidentiel. Il dépasse même la sphère politique avec, par exemple, l’essayiste Caroline Fourest, qui enjoint les lecteurs du magazine Franc Tireur d’imaginer un rappeur prénommé « Vatican », en contrepoint à Médine, pour mieux fustiger la bienveillance de la gauche à l’égard du Havrais. Mais, concrètement, que reproche-t-on au rappeur qui ne « fait pas de rap pour qu’on l’écoute mais pour qu’on le réécoute ? »

« Don’t Laïk », morceau polémique

Médine, reconnu pour ses textes politiques ou engagés contre l’extrême droite, les violences policières, le racisme – il a notamment été invité à l’École normale supérieure (ENS) en 2021 pour en discuter – est pointé du doigt pour des paroles ou des prises de position passées.

Des accusations de communautarisme par exemple nourries à travers le texte de l’un de ses titres, « Don’t Laïk » (2015). Il chante « Crucifions les laïcards comme à Golgotha », une phrase reprise par tous ses détracteurs, dans un morceau dont il dira plus tard qu’il est une « succession d’absurdités, d’oxymores » en revendiquant le droit de « blasphémer une valeur lorsqu’elle est dévoyée ».

S’estimant mal compris, il explique en février 2021 que la phrase en question et souvent à l’origine des critiques est « à ne pas sortir de son contexte ». « Si on le fait, elle change de sens. Le morceau est une succession d’absurdités, d’oxymores. Cela correspond à un type d’écriture qui exacerbe les choses. La finalité étant d’exorciser la laïcité et lui redonner ses lettres de noblesse », décrypte-t-il auprès de Mediapart, après avoir porté plainte contre Aurore Bergé qui l’avait qualifié de « rappeur islamiste » en se basant sur la fameuse phrase.

En remontant le fil de ces accusations, on retrouve également un album intitulé « Jihad : le plus grand combat est contre soi-même ». L’opus de 2005 est mis en avant par les détracteurs du rappeur treize ans plus tard, en 2018, au moment où Médine doit se produire au Bataclan. Certains élus menant la charge, comme Nicolas Dupont-Aignan, raccourcissent d’ailleurs le titre de l’album qui devient, sous leurs critiques, « Jihad ». Médine, contraint de réaffirmer « radicalement » sa condamnation des attentats terroristes ayant endeuillé la France, renonce alors à son concert.

Médine et le « prêt-à-penser » ?

Parmi les autres accusations, l’artiste est aussi taxé d’antisémitisme et d’homophobie. Sur internet, plusieurs photos le montrent, il y a une dizaine d’années, en train de reprendre la « quenelle », geste antisémite popularisé par l’humoriste controversé Dieudonné, condamné pour antisémitisme. Un geste que le rappeur explique être « antisystème » à ses yeux, avant d’indiquer à Libération en 2015 qu’elle lui « laisse un goût amer ».

Quant aux critiques en homophobie, relayées dans de nombreux tweets fustigeant l’invitation des partis de gauche cet été, elles semblent fondées sur une vidéo exhumée en 2018 (mais non datée), au moment de la polémique sur le concert de Médine au Bataclan. On peut y entendre le rappeur utiliser le mot « tarlouze », selon le récit de plusieurs médias à l’époque. Les écolos rappellent de leur côté que l’artiste a toujours défendu les droits LGBT+ dans ses prises de parole publiques.

Plus généralement, les partis de gauche défendent, à travers leur choix, les combats que porte le rappeur ces dernières années. Sur les piquets de grève, quand il défendait en mars les employés de la raffinerie TotalÉnergies de Gonfreville, en Seine-Maritime. Ou dans ses textes, majoritairement consacrés aux luttes en tous genres et emplis de références littéraires ou musicales.

Dans son dernier album « Médine France », sorti en 2022, il dénonce par exemple la réforme des retraites du gouvernement : « Ils reculent l’âge de la retraite. Mais avancent l’âge de la mort. Disent que c’est nous qu’appelons au meurtre, envie d’gerber jusqu’à l’aurore ». Dans ce même opus, le rappeur signe d’ailleurs le titre « Hier c’est proche », où il semble mettre à distance ses références ou proximités passées. « J’faisais du bruit comme à Châtelet. Un bruit d’enfer avec mon chapelet. J’me cherchais une identité. J’ai trouvé du prêt-à-penser ». Il aura l’occasion de faire l’explication de texte (et de son œuvre) tout l’été.

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