Météo : les derechos, ces « méga orages » qui pourraient s’intensifier en France selon cette étude

Photo d’illustration d’éclairs au-dessus de la Baie des Anges, à Nice, dans le sud-est de la France.
VALERY HACHE / AFP Photo d’illustration d’éclairs au-dessus de la Baie des Anges, à Nice, dans le sud-est de la France.

MÉTÉO - Des rafales à plus de 200 km/h, des pluies diluviennes et des éclairs puissants. Voilà à quoi ressemble un derecho, un type de tempête plus connu aux États-Unis que sur le sol européen. Pour autant la France n’est pas épargnée, et le phénomène pourrait devenir plus important dans les prochaines années. C’est du moins ce que suggèrent les résultats d’une étude scientifique parue ce mercredi 3 avril, dans la revue Weather and Climate Dynamics.

Il s’agit de la première étude concernant l’ampleur du phénomène en France. En croisant des données satellitaires avec des observations de terrain, deux scientifiques ont élaboré une carte d’identité française de ces tempêtes impressionnantes. Voici ce que l’on peut en retenir.

Un derecho tous les 1 à 2 ans, en moyenne

Sur la période étudiée, entre 2000 et 2022, trente-huit derechos ont été recensés en France. Cela équivaut à une fréquence de 1,7 phénomène par an. Ils sont tous survenus lors de la saison chaude, qui s’étend de mai à septembre.

L’ensemble de l’hexagone est concerné, mais sur les années étudiées, on remarque que ces « méga orages » sont survenus en particulier dans le nord-est et l’est du pays, comme vous pouvez le voir sur la carte ci-dessous tirée de l’étude. Des derechos ont par ailleurs été observés à des fréquences similaires en Suisse, au Benelux et en Allemagne.

Figure 1. (a) Trajectoires approximatives des derechos de saison chaude qui ont affecté la France entre 2000 et 2022. Les trajectoires sont représentées par des flèches droites entre le premier et le dernier rapport de rafales de vent violentes. Les lignes grises fines et brisées, les lignes bleues fines et les lignes violettes épaisses représentent respectivement les derechos de faible, moyenne et forte intensité. (b) Carte thermique de la fréquence annuelle des derechos de saison chaude calculée pour des cellules géographiques de dimensions 200 km × 200 km. D. R.

Des tempêtes verticales, avec des « rafales descendantes »

Un évènement récent se distingue en particulier : le derecho survenu le 18 août 2022, près des îles Baléares. La tempête s’était ensuite rapidement propagée vers le nord-est et avait impacté la Corse en début de matinée. Les lignes orageuses avaient ensuite atteint, en l’espace de seulement 12 heures, le centre et le nord de l’Italie, la Slovénie, l’Autriche et la République tchèque. En France, les rafales engendrées par cet épisode ont atteint les 225 km/h, faisant 5 morts en Corse. En tout, la tempête aura fait 12 morts et 106 blessés, sans compter les impressionnants dégâts matériels.

Comme vous pouvez le voir sur le croquis ci-dessous, établi par Gustavus Hinrich, le premier scientifique a avoir travaillé sur le phénomène de derecho en 1888, ce type de tempête avance rapidement dans une formation linéaire. C’est justement ce que signifie son nom espagnol : « derecho » peut en effet se traduire « tout droit ».

Un croquis établi par Gustavus Hinrich, un professeur de physique travaillant à l’Université de l’Iowa, qui a été le premier a introduire la notion de derecho en 1888.
Keraunos - Observatoire des Tornades Un croquis établi par Gustavus Hinrich, un professeur de physique travaillant à l’Université de l’Iowa, qui a été le premier a introduire la notion de derecho en 1888.

À la différence d’une tornade dans laquelle les vents sont rotatifs, dans les derechos les vents sont verticaux. On parle plus précisément de « rafales ascendantes ». Ces rafales peuvent être humides, provoquant des inondations, ou sèches, engendrant aussi des dégâts impressionnants : chutes d’arbres, destruction de bâtiments… C’est pourquoi ces phénomènes sont attentivement surveillés par les autorités météorologiques.

Le lien avec le changement climatique reste à préciser

Cette nouvelle étude « contribue à mieux caractériser le risque associé à ces événements météorologiques extrêmes en France et en Europe », a salué l’Institut Pierre-Simon-Laplace, spécialisé sur le climat. Plus encore, elle est « une première étape dans la compréhension du rôle du changement climatique dans l’intensification des phénomènes convectifs en Europe ».

En effet, les scientifiques ont exploré le lien entre ces mégas orages et l’instabilité atmosphérique, en croissance ces dernières décennies. Or l’instabilité atmosphérique résulte de deux facteurs : des changements dans la configuration des vents, ce qui est principalement lié à la variabilité naturelle du climat, et l’augmentation de la chaleur et de l’humidité dans les basses couches de l’atmosphère, ce qui n’est autre que la conséquence des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine.

S’il y a plus de chaleur humide à cause du changement climatique, « cela donne plus de kérosène », image Davide Faranda, chercheur de l’étude. « Si le briquet qui allume les orages, l’air frais de l’Atlantique, se maintient dans le futur, on pourrait avoir des derechos plus nombreux et intenses », compare-t-il auprès du journal Le Monde.

Les scientifiques admettent cependant manquer de recul statistique pour le moment. À ce stade, cette étude ne permet pas d’évaluer avec précision le niveau de risque en France pour les prochaines années, mais elle ouvre des pistes de recherche sur le lien avec le changement climatique, déjà reconnu comme amplificateur de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles.

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