Lutte contre le tabagisme: l'augmentation du prix du paquet de cigarettes est-elle efficace?
Une nouvelle augmentation, mais pour quel effet? Les prix des paquets de cigarettes devraient de nouveau bondir au 1er janvier 2024, avec une hausse de 40 à 50 centimes selon des estimations de la Confédération des buralistes. Ce système d'augmentation est conforme à la loi votée par le Parlement en 2022, qui prévoit de répercuter l'inflation sur le prix du tabac.
Les avis sont partagés sur cette hausse progressive du paquet de cigarettes. Interrogé par BFMTV, Bertrand Dautzenberg, pneumologue, tabacologue et Secrétaire général de l'Alliance contre le Tabac, estime que cette annonce "n'a aucun intérêt de santé publique" et la qualifie de "mesure économique."
En l'espace de 20 ans, le prix du paquet de cigarettes a triplé, passant de quatre à douze euros. Si cette augmentation sur deux décennies a contribué à faire baisser le nombre de fumeurs, l'augmentation progressive prévue par le gouvernement est qualifiée de "manque d'ambition" par l'Alliance contre le tabac.
"Ce que demande maintenant l’Alliance contre le Tabac c’est le paquet à 15 euros", martèle ainsi Bertrand Dautzenberg.
Hausse brusque plutôt que progressive
Ce type d'augmentation est également dénoncé par Jean-Pierre Thierry, consultant santé de BFMTV, qui estime que "si on augmente très peu, on peut rattraper l’inflation et ça risque d’être indolore pour le consommateur qui ne verra pas la différence."
"Il y a peu de chance que ça influe beaucoup chez les grands fumeurs", prévient-il toutefois.
Invité sur BFMTV ce mardi matin, Olivier Smadja, tabacologue et chef de projet à Santé publique France (SpF) l'assure toutefois, "le prix est loin d’avoir atteint ses limites." "Dans certains pays de l’Europe et bien au-delà, le paquet peut coûter jusqu’à 20, 30 euros", dit-il.
Or, selon lui, l'important est de faire baisser la prévalence du tabac en France, en particulier chez les plus jeunes, alors que 12 millions de personnes se disent fumeuses dans la population française et que 24,5% des 18-75 ans disent fumer quotidiennement, selon des chiffres de SpF. Or, cette baisse de prévalence est selon lui un objectif à plus long terme.
"Faire baisser la prévalence du tabagisme est un objectif qui met du temps, il repose sur le fait que les jeunes ne commencent pas et les actuels arrêtent. Il faut du temps entre la prise de mesures et la baisse", dit-il.
Selon un rapport de Santé publique France, après "une baisse du tabagisme d’ampleur inédite en France entre 2014 et 2019", la prévalence s'est stabilisée à partir de 2020. Afin de frapper un coup fort, l'Alliance contre le tabac préconise une fiscalité virulente.
"Dans le scénario que réclame l’association, le prix d’un paquet de 20 cigarettes serait porté à 16 euros en 2027, soit 3 euros de plus que l’objectif pressenti du gouvernement", réclame l'association.
Une augmentation à coupler avec d'autres mesures
Selon Olivier Smadja, la lutte contre le tabagisme ne peut pas seulement passer par une augmentation du prix du tabac, qu'elle soit progressive ou soudaine. Selon lui, il convient également de limiter les endroits autorisés aux fumeurs dans l'espace public.
"C’est une des armes efficaces pour la prévalence, quand on interdit certains espaces, ce qu’on vise ce n’est pas de limiter l‘exposition, mais de dénormaliser le tabac, que le comportement normal soit celui de ne pas fumer. S'il y a des enfants et adolescents, c'est important qu’ils ne soient pas confrontés au comportement", assure-t-il.
De surcroît, le spécialiste exige également de la part des buralistes d'appliquer les réglementations réglementaires, en particulier "l’interdiction de la vente aux mineurs, une mesure insuffisamment appliquée", termine-t-il.
La lutte contre le tabagisme est un sujet majeur dans bon nombre de pays. En Nouvelle-Zélande, alors que l'ancien gouvernement avait voté une loi interdisant la vente de cigarettes aux personnes nées après 2008, le nouveau Premier ministre a fait machine arrière, au grand dam des associations.