De « Love Is Blind » à « Tournez Manège ! », pourquoi on ne se lasse pas des émissions de dating

Les émissions de rencontre ne cessent de trouver du succès auprès des téléspectateurs.
Pexels / Montage Le HuffPost Les émissions de rencontre ne cessent de trouver du succès auprès des téléspectateurs.

MÉDIAS - C’était en 1985 : Tournez Manège ! faisait son apparition à la télévision française. Depuis, beaucoup d’émissions de rencontre ont trouvé leur place dans le catalogue télévisuel. De L’Amour est dans le pré au Bachelor, en passant par Mariés au premier regard (M6), 10 couples parfaits (TFX) ou La belle et ses princes presque charmants (W9), le petit écran français a vu passer plus de 40 ans de rencontres amoureuses.

À la télé ou sur les plateformes de streaming, les émissions de dating trouvent toujours leur public et réussissent à accrocher les spectateurs. D’après la sociologue des médias Nathalie Nadaud-Albertini, interrogée par Le HuffPost, ces émissions s’inscrivent dans l’imaginaire des nouveaux lieux de rencontres amoureuses.

La perception de ces programmes a changé avec le temps : en 2022, on ne regarde plus ces émissions pour les mêmes raisons qu’en 1985. À l’époque, Tournez Manège ! « c’était l’idée de deux personnes qui n’arrivaient pas à trouver quelqu’un dans la vie. On pensait qu’elles avaient quelque chose qui n’allait pas. Alors que maintenant plus du tout, c’est devenu habituel de montrer qu’on veut faire des rencontres », explique Nathalie Nadaud-Albertini.

« Avec Love Is Blind, le spectateur s’attend à un happy end »

Dans « Love Is Blind », dont les premiers épisodes sont disponibles sur Netflix depuis le 19 octobre, une trentaine de candidats se lancent dans des séances de speed dating sans jamais se voir. Au bout de quelques jours, ceux qui pensent avoir trouvé leur âme sœur se fiancent et peuvent enfin se voir pour tester leur relation, jusqu’au moment de vérité : le mariage. La sociologue décrit ce programme comme étant le Tournez Manège ! moderne.

« Avec Love Is Blind, les gens attendent un happy end. Bizarrement, il me semble qu’ils l’attendent plus pour Love Is Blind que pour d’autres programmes », souligne-t-elle.

Malgré le fait que la plateforme de streaming révolutionne la manière de consommer la télévision, quand il s’agit des émissions de rencontre, Netflix se sert de schémas qui existent déjà. L’explication est simple : le spectateur a des attentes particulières pour ces programmes. Il y a des « invariants » qui doivent être présents. Cela ne veut pas dire que les émissions sont scénarisées, mais plutôt qu’il y a des thèmes dont les programmes ne peuvent pas se passer, comme les coups de foudre ou les connexions émotionnelles.

« L’Amour est dans le pré », un cas à part

Avec sa longévité (17 saisons) et le type de candidats qu’elle met en lumière (des agriculteurs), L’Amour est dans le pré est une émission à part dans la catégorie des programmes de dating. Même s’il est vrai que certains spectateurs consomment le programme pour se moquer ou « regarder de haut », Nathalie Nadaud-Albertini estime qu’il y a aussi un travail de réflexivité chez les téléspectateurs.

Selon elle, il y a une projection de soi avec un retour sur nos propres expériences. Le spectateur peut être « surpris par certaines situations. Il aime l’authenticité des candidats et parfois leur absence de tabou en se disant ’ah mais ils osent faire ça, moi je ne l’aurais jamais fait’. Les gens se disent que, finalement, les candidats ont raison parce qu’ils rencontrent quelqu’un. »

Des téléspectateurs amoureux de l’amour ?

De manière générale, ces programmes déclenchent souvent de vives réactions de la part du public. À chaque émission ses duos fétiches, ses « couple goals » (« objectifs de couple » en français) ou même ses paires jugées improbables.

On constate par exemple des milliers de messages au sujet de L’Amour est dans le pré les lundis soir sur Twitter. Il y a un vrai attachement autour des histoires que vivent les participants. « Peut-être parce que c’est un idéal, ou tout simplement parce qu’on est ému, touché par ce que vivent les candidats », suggère Nathalie Nadaud-Albertini.

Les formats « Que sont-ils devenus ? » permettent aussi d’en savoir plus sur les candidats préférés une fois que le programme est terminé. Par exemple, à la fin de saison 6 de Mariés au premier regard, les spectateurs ont appris que Laure et Matthieu, participants de la saison 6, allaient avoir un enfant. Moins bonne nouvelle, les abonnés Netflix ont découvert il y a quelques semaines que tous les couples mariés de la saison 2 de Love Is Blind étaient en instance de divorce. Ces formats dérivés ont une fonction particulière : ils permettent au public de prendre des nouvelles. « On a envie de savoir ce qui leur arrive, comme quand on prend des nouvelles de nos amis », commente la sociologue.

Un format qui joue avec les codes de la fiction

Même si Netflix se sert de vieux pots pour sa confiture, il ajoute un autre ingrédient à sa recette. La construction narrative de Love Is Blind est similaire à celle d’une série. La plateforme ne diffuse pas tous les épisodes d’un coup, et ces derniers se terminent souvent par des cliffhangers, des fins ouvertes. Mais la plateforme n’est pas la seule. Nathalie Nadaud-Albertini remarque aussi ce schéma dans les émissions télé : « il y a aussi des suspenses mais on les identifie peut-être moins. Par exemple, on va voir un épisode où des candidats se disputent et on va se demander comment va se passer la suite ».

Les candidats de programmes de rencontre sont des candidats de téléréalité, rappelle la spécialiste du domaine. Mais ils sont dans une catégorie bien à eux, et leur démarche est différente de ceux qui participent aux Marseillais par exemple. Ils doivent donc s’assurer de pouvoir garder « l’authenticité de leur engagement » pour ne pas risquer de « se transformer en marque, comme on a l’habitude de le voir chez les autres candidats de téléréalité », analyse Nathalie Nadaud-Albertini.

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