Loi immigration : ces Français immigrés et descendants d’immigrés partagent leur choc après le vote

« Ces droits qui vont être retirés, c’est ceux qui ont permis aux familles comme la mienne de pas rester coincés dans un camp de réfugiés, de se construire une vie, un avenir et de S’INTÉGRER » souligne une utilisatrice de X
GAPS / Getty Images « Ces droits qui vont être retirés, c’est ceux qui ont permis aux familles comme la mienne de pas rester coincés dans un camp de réfugiés, de se construire une vie, un avenir et de S’INTÉGRER » souligne une utilisatrice de X

LOI IMMIGRATION - « La honte ». C’est ce qu’on a pu lire sur de nombreux messages publiés sur les réseaux sociaux, après le vote, mardi 19 décembre, de la loi immigration portée par Darmanin et le gouvernement. Un texte né de nombreuses concessions à la droite, et qui a permis au RN de se féliciter d’une « victoire idéologique ».

Pour Emmanuel Macron, la loi immigration ne doit rien au RN : a-t-il raison d’affirmer cela ?

Fin du droit du sol, délai d’accès aux prestations sociales, rétablissement du « délit de séjour irrégulier », établissement d’une caution financière pour les étudiants étrangers… Autant de mesures qui vont avoir des conséquences graves pour les étrangers vivant en France.

De nombreux immigrés et descendants d’immigrés ont partagé leur choc, leur tristesse ou leur colère face à ce changement de paradigme de leur pays de naissance ou d’accueil.

« Cette loi aurait laissé mes grands-parents mourir »

« Cette loi immigration aurait laissé mes grands-parents, boat people en 75, mourir dans un camp d’exilés, aurait refusé à mon père vietnamien son existence rebâtie en France, aurait interdit à l’étudiant non européen que j’étais ma vie d’aujourd’hui » raconte un utilisateur de X dont l’histoire familiale fait écho à celle de nombreux autres descendants d’immigrés, qui ont également pris la parole.

Une utilisatrice renchérit ainsi : « Ces droits qui vont être retirés, c’est ceux qui ont permis aux familles comme la mienne de pas rester coincés de longues années dans un camp de réfugiés, de ne pas être à la rue […], de se construire une vie, un avenir et de S’INTÉGRER par exemple ».

Pour certains immigrés primo-arrivants, cette loi aurait tout simplement empêché leur venue en hexagone. « J’aurais pu aller aux USA mais j’ai choisi ici. La France m’a tout donné, raconte sur le réseau un professeur des universités et praticien hospitalier. J’essaye toujours de lui rendre la pareille. C’est mon pays et mon rayon du soleil grâce aussi à la famille que j’ai fondée. Si cette loi d’immigration existait, je ne serais jamais venu. »

« J’ai de l’aigreur », a posté David Fritz Goeppinger sur le réseau social. Auteur et photographe, il a été naturalisé Français au Panthéon après avoir été victime des attentats du 13 novembre 2015.

« Comment faire pour se taire à la suite de la loi votée hier soir ? Comment faire pour garder le silence lorsque je vois la même république qui m’a tant apporté promulguer une loi qui empêchera tant de jeunes, tant de personnes de découvrir mon pays, déplore-t-il. Avec cette loi je n’aurais pu être français. Je n’aurai pas la chance de mener ces actions qui tant de sens pour moi. Ce matin j’ai l’impression de n’avoir rien apporté à la France. »

Un sentiment d’être pointé du doigt que partagent bien d’autres personnes immigrées. C’est le cas d’Éliane*, étudiante en cinquième année de médecine. Née au Sénégal et arrivée en France à l’âge de deux ans, elle est l’autrice des messages Twitter ci-dessous.

Naturalisée Française l’année dernière, elle a accepté de parler de son ressenti au HuffPost. « Quand on entend les discours et les conversations autour de cette loi, on ne peut que se sentir visé, explique-t-elle. Pour faire ces études, j’ai été soutenue par l’État et me suis engagée à exercer dans une zone sous dotée en médecins en échange d’un prêt étudiant. Mais si cette loi était passée il y a dix ans, je ne sais pas si j’aurais pu en arriver là. J’ai toujours travaillé, mais je me sens pointée du doigt et jugée parce que je n’ai pas les mêmes origines que les Français “blancs”. Je trouve ça regrettable. »

« Victoire idéologique »

Elle est rejointe par Yoletty Bracho, qui a également partagé sur X (anciennement Twitter) son parcours et l’impact que cette loi aurait eu sur celui-ci - et a été exposée, en réponse, à des torrents de haine xénophobe.

« J’ai la chance d’avoir fait mes études en France et de faire ma vie entre mes deux pays de cœur : celui qui m’a vu naître et celui qui m’a accueilli, a expliqué au HuffPost la docteure en science politique, qui travaille sur l’action publique et sur les questions migratoires au Venezuela et en France.

« Je vois depuis des années que les parcours comme le mien sont de moins en moins possibles, reprend-elle. En plus de la possibilité de demander des frais d’inscription restrictifs aux étudiants étrangers non-européens, avec la nouvelle loi immigration, les étudiants sont suspectés de faire tort à la France et doivent payer une caution pour pouvoir accéder à un titre de séjour. »

Soulignant qu’elle « devrait pouvoir revendiquer son parcours de migrante et de chercheuse sans sentir que celui-ci est source de rejet », elle détaille : « Nous participons à la construction de l’enseignement supérieur et la recherche en France. Nous construisons avec nos collègues de tous horizons (Français ou pas) le rayonnement international de la recherche française. Je devrais pouvoir revendiquer mon parcours de migrante et de chercheuse sans sentir que celui-ci est source de rejet. »

La chercheuse conclut en regrettant la « victoire idéologique de l’extrême droite » qui s’impose avec le vote de cette loi. « C’est un grand danger pour tous ».

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