Ligue 1: cars caillassés, escorte policière, déplacements en train... les extérieurs des stades sous tension

Au début du mois de février, un car du "Club des Supporters" de l’OGC Nice était pris pour cible sur le retour d’un match à Lyon. "On était en train de rouler tranquillement sur l’autoroute. On était dans le noir. On a eu une déflagration sur le pare-brise, on n’a pas compris ce qu’il se passait", explique Solange Claude, présidente du groupe de supporteurs à RMC. Le car, visé par un "gros cailloux", possède un trou dans le pare-brise. Les images font rapidement le tour des réseaux sociaux, les médias s’emparent de l’affaire et le club de l’OGC Nice publie un communiqué. En pleine nuit, cette supportrice des Aiglons voit son mari touché par ce projectile, le choc est total. "Même si le car ne roulait pas à 130km/h comme une voiture, il faut savoir qu’on était sur l’autoroute, un projectile à cette vitesse est une arme par destination", commente un autre supporteur niçois présent dans ce car au moment des faits.

"Une évolution qui nous préoccupe beaucoup"

Que ce soit à Marseille ou sur l’autoroute A47 à proximité de Saint-Etienne, le procédé semble à chaque fois le même. Un guet-apens, à la nuit tombée, pour surprendre les cars de supporteurs dans des endroits où il est impossible de se retourner. Dans la nuit du samedi au dimanche 3 mars, huit bus de supporters de l’OM, qui circulaient sur l’A47 après un match à Clermont, se sont retrouvés sous une pluie de projectiles. Des individus ont jeté des grosses pierres et des parpaings en ciment depuis un pont surplombant l’autoroute à hauteur de Saint-Etienne. Dans leurs déclarations auprès de la police, les supporteurs olympiens ont expliqué qu'une voiture avait volontairement ralenti pour que les cars "marseillais" passent sous le pont à une allure modérée, et qu’il soit du coup plus facile de les viser avec les projectiles.

Mais ces enquêtes, comme pour les incidents autour du Vélodrome lors de OM-OL, n’avancent pas. Pourtant, plusieurs supporteurs interrogés, se montrent catégoriques: ces faits sont prémédités. "Vous n’allez pas me dire que les Marseillais reçoivent des parpaings dans la gueule, sur une autoroute, au milieu de nulle part sans préparation…", laisse entendre un responsable de groupe de supporteurs d’une équipe de Ligue 1. "On constate de la violence dans les stades mais aussi à l’extérieur des stades, poursuit Arnaud Rouger, directeur général de la LFP, lors d’un colloque sur le supportérisme au Sénat. Mais les actions les plus violentes se produisent à l’extérieur des stades, c’est une évolution qui nous préoccupe beaucoup". Dans les faits, par rapport aux autres saisons, la proportion d'incidents cette saison en Ligue 1 n'est pas plus importante. Mais le constat est simple, ils sont plus graves.

Sollicité par RMC Sport, au sujet des bus marseillais visés par des projectiles, le Procureur de Saint-Étienne fait savoir qu’aucun individu n’a été identifié ou interpellé dans ce dossier. L’homme du véhicule, accusé par plusieurs supporters de l’OM d’avoir ralenti les bus marseillais sur l’autoroute, n’a toujours pas été entendu par les services de police dans le cadre des deux enquêtes ouvertes par le parquet de Saint-Étienne.

Un incident peut en cacher un autre

La LFP n’a aucun pouvoir à l’extérieur des enceintes sportives. La nouvelle convention signée dans les prochaines semaines avec l’Etat devrait permettre de définir clairement les périmètres d’intervention de chacun dans le cadre de la sécurité des rencontres de football professionnel en France. La sécurité à l’extérieur des stades est du ressort des pouvoirs publics. "Ça doit inquiéter tout le monde, explique pour RMC, Sacha Houlié, député de la 2e circonscription de la Vienne. La question est celle de l’organisation des déplacements de supporteurs depuis le lieu de départ. L’organisation avec les autorités et les Préfectures, les ligues et les clubs. C’est toute l’interrogation de comment cela se noue. Lorsqu’il y a des débordements sur un match et qu’ils ne sont pas sanctionnés individuellement avec des sanctions pénales fortes sur les auteurs précis, ça entraîne des débords sur d’autres rencontres. C’est tout le cas qu’il y a eu à Marseille et puis nous avons eu Brest ou encore les supporteurs de Nice."

"Ça m’inquiète, mais c’est aussi révélateur que les efforts qui sont faits à l’intérieur des stades portent leurs fruits, estime Laurence Harribey, sénatrice du groupe socialiste et organisatrice d’un colloque sur le supportérisme au Sénat. Le fait que ça soit en dehors des stades, ça pose la question de l’événement sportif et de sa sécurité dans sa globalité. C’est une responsabilité régalienne en extérieur. Ça oblige à réfléchir aujourd’hui beaucoup plus en amont de la manifestation sportive pour essayer de définir un cadre de sécurité, non seulement dans le stade, mais aussi l’extérieur de l’enceinte."

Comment expliquer ce phénomène?

Côté supporteurs, depuis plusieurs semaines, on peut entendre tout et son contraire à ce sujet, notamment sur le caillassage des supporteurs de l’Olympique de Marseille à proximité de Saint-Etienne. "Certains individus ont aussi détecté que l’identification est plus complexe à l’extérieur d’un stade", confie une source policière. Une autre ajoute: "Avec la médiatisation des faits sur les autoroutes, j’ai bien peur que ça donne des idées à d’autres individus et pas que des fans de football". Surtout, qu’il est assez facile de connaître le trajet retour d’un bus qui souhaite rejoindre Marseille au départ de Clermont. "On a l’impression que les incidents du mois d’octobre ont ouvert la voie à une nouvelle forme de violence dans le football", ajoute ce policier spécialisé dans la sécurité des matchs de football.

"C’est aussi le rôle des Préfectures de déminer ce que l’on peut voir depuis plusieurs semaines, admet le député de la Vienne. Aujourd’hui, soit c’est organisé au niveau des groupes de supporteurs, ce que je ne pense pas. Soit ce sont des individus en marge de groupes de supporteurs et là c’est le rôle des Préfectures et des services du Renseignement Territorial d’identifier qui sont les auteurs pour mettre en œuvre des dispositifs qui empêchent de passer à l’acte." La Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme est aussi en charge du renseignement auprès des groupes de supporteurs, ce sujet est forcément au cœur des préoccupations actuelles des agents.

L’escorte policière, impossible sur tout un trajet

Prenons un exemple concret. Des supporteurs de Nice se rendent à Lyon en car. En amont de la rencontre, la Préfecture a donné un point de rendez-vous (le plus souvent une aire de repos de l’autoroute) aux responsables de la sécurité des clubs. Ces derniers transmettent le message aux responsables des groupes de supporteurs. L’arrêté d’encadrement publié par les Préfectures précise normalement toutes ces informations. Sur cette zone, une escorte policière va prendre en compte le cortège d’un convoi (ou plusieurs) de supporteurs. C’est ce qu’on appelle 'l’encadrement' du déplacement afin de rejoindre l’enceinte sportive. Plus le match est classé à risques, plus l’escorte policière est importante.

"C’est similaire pour le retour", fait savoir un responsable de groupe de supporteurs. Par exemple, dans le cas des supporteurs de l’OGC Nice, l’escorte policière venait de lâcher les cars des supporteurs quelques kilomètres en amont du caillassage. Les responsables policiers interrogés à ce sujet admettent qu’il est "impossible" de fournir une escorte policière de la ville de départ jusqu’au stade à tous les cars qui réalisent des déplacements pour du football en France. "Vous imaginez le bordel pour les forces de l’ordre?", sourit ce policier.

Et le train dans tout ça?

C’est un sujet porté par l’ANS à la tribune d’un colloque sur le supportérisme, lundi après-midi, qui mérite une attention toute particulière. Un axe de réflexion important. Dans plusieurs pays européens, les déplacements en train pour les supporteurs de football sont légion tous les week-ends. En France, c’est rare, très rare. Le plus souvent, ces images se produisent lors de la finale de la Coupe de France à Paris. Au quotidien, les trajets entre deux villes pour les fans de football se réalisent dans des cars ou avec des minibus. En plus d’une bonne conscience du point de vue écologie, un déplacement en train pourrait permettre, sur le papier, une meilleure sécurité. Fini les guets-apens sur l’autoroute, les fans adverses seraient enfermés dans un train unique pour relier la ville du match.

Mais de nombreux policiers interrogés sur cette hypothèse se montrent "réticents". "Ce n’est pas toujours aussi facile d’encadrer des supporteurs dans un train et puis dans une gare", complète un policier. Un autre met en avant le fait que les stades se trouvent souvent à la périphérie des villes et les gares en plein centre. Cette configuration obligerait l’organisation de 'fan walk' plus régulière en Ligue 1. "Un groupe de 1.000 supporters qui arrive en ville en milieu d’après-midi…il faut bien rejoindre le stade à pied ou mettre des bus à disposition, c’est tout une organisation à revoir", ajoute cette source policière. Et d’un côté logistique, comme pour les équipes de football, le retour en train après un match à 21 heures peut s’avérer difficile. Cette piste de réflexion fonctionne pour les matchs en journée. La SNCF ne fait pas fonctionner ses rames la nuit. Ce qui obligerait une attente des supporteurs sur place. "Impensable", pour les forces de l’ordre.

Article original publié sur RMC Sport