Libye : les habitants de Derna demandent des comptes après les inondations meurtrières

LIBYE - Après la catastrophe, la révolte. Les habitants de Derna dans l’est de la Libye ont réclamé, ce lundi 18 septembre, aux autorités de rendre des comptes après les inondations meurtrières qui ont dévasté la ville et fait au moins 11.300 morts une semaine plus tôt.

Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article, des centaines d’habitants se sont rassemblés devant la grande mosquée de la ville où ils ont scandé des slogans contre les autorités de l’Est incarnées par le Parlement et son chef Aguila Saleh.

« Le peuple veut la chute du Parlement », « Aguila (Saleh) est l’ennemi de Dieu », ou encore « ceux qui ont volé ou trahi doivent être pendus », « Libye, Ni Est ni Ouest, unité nationale », ont-ils scandé.

Plusieurs manifestants se sont dirigés vers une maison présentée comme celle du maire honni de la ville, Abdulmonem al-Ghaithi, et y ont mis le feu, aux cris de « le sang des martyrs n’est pas versé en vain », selon des images largement partagées sur les réseaux sociaux et par des médias libyens.

Une enquête réclamée

Dans un communiqué lu pendant la manifestation au nom des « habitants de Derna », ceux-ci ont appelé à « une enquête rapide et à des actions légales contre les responsables de la catastrophe ».

Ils ont également demandé « la mise en place urgente d’un bureau de soutien de l’ONU à Derna » et au lancement « du processus de reconstruction de la ville et la compensation des résidents affectés ». Le communiqué exige en outre la dissolution du conseil municipal actuel et une enquête sur les budgets précédents de la ville.

Quelques heures après la manifestation, le chef de l’exécutif dans l’Est de la Libye, Oussama Hamad, a dissout le conseil municipal de Derna, contre lequel il a ordonné l’ouverture d’une enquête, a annoncé la télévision libyenne al-Masar.

Selon des politiciens et des analystes, le chaos en Libye a relégué au second plan l’entretien d’infrastructures vitales comme les barrages de Derna dont l’effondrement a causé les inondations qui ont dévasté la ville le 10 septembre, faisant 3 338 morts selon le dernier bilan officiel provisoire communiqué lundi soir par le ministre de la Santé de l’est, Othman Abdeljalil.

Relations méfiantes

Rongée par les divisions depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est gouvernée par deux administrations rivales : l’une à Tripoli (ouest), reconnue par l’ONU et dirigée par le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, l’autre dans l’Est, incarné par le Parlement et affilié au camp du puissant maréchal Khalifa Haftar.

Les forces de Haftar s’étaient emparées en 2018 de Derna, alors bastion des islamistes radicaux et seule ville de l’Est qui échappait à son contrôle. Mais les autorités de l’Est entretiennent des relations méfiantes avec Derna, considérée comme une ville contestataire depuis l’époque de Kadhafi.

La manifestation survient alors que des secouristes cherchent toujours les corps de milliers de disparus présumés morts dans les inondations dans cette ville de 100.000 habitants bordant la Méditerranée.

Des organisations humanitaires internationales et des responsables libyens ont averti que le bilan final pourrait être beaucoup plus lourd en raison du très grand nombre de disparus, évalué à des milliers.

La tempête Daniel a entraîné la rupture de deux barrages en amont et provoqué une crue de l’ampleur d’un tsunami le long de l’oued qui traverse la cité. Elle a tout emporté sur son passage. Des dizaines de corps sont extraits quotidiennement des décombres de quartiers dévastés par les inondations ou rejetés par la mer et enterrés dans un paysage apocalyptique.

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