Les députés NUPES ont-ils le droit de s'habiller aux couleurs de la Palestine à l'Assemblée nationale ?

En organisant un happening vestimentaire ce mardi à l'Assemblée nationale, les députés d'opposition de gauche se sont-ils mis hors-la-loi ?

Le drapeau palestinien dessiné par les députés de la NUPES, ce mardi 4 juin à l'Assemblée nationale (Photo : Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP)

Un signe silencieux, mais bien visible, de soutien au peuple palestinien. Ce mardi 4 juin, la séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale a été marquée par une action symbolique menée par plusieurs dizaines de députés de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (NUPES).

Vêtus de noir, de blanc, de rouge et de vert, les élus ont en effet formé un drapeau palestinien sur la partie gauche de l'hémicycle, affichant ainsi leur solidarité avec les victimes de l'offensive israélienne à Gaza, consécutive aux attaques terroristes du 7 octobre, mais aussi avec leur collègue Sébastien Delogu, actuellement suspendu de l'Assemblée, précisément pour y avoir déployé un drapeau palestinien.

Quelques minutes avant le début de la séance, la porte-parole du groupe écologiste à l'Assemblée nationale Eva Sas avait expliqué au micro de La Chaîne Parlementaire (LCP) les motivations de cette action : "Je ne fais pas partie des gens qui aiment faire de l'hémicycle une scène pour des happenings, mais il y a des moments et des causes pour lesquelles il faut marquer un symbole. Cela fait des semaines que nous demandons un cessez-le-feu immédiat, que nous demandons à l'Etat français de reconnaître l'Etat de Palestine, car c'est la seule façon d'avoir une solution politique et diplomatique dans ce conflit."

"Nous avons besoin d'obtenir des réponses, de faire en sorte que l'Etat français s'engage pour cette solution à deux États et nous allons former le drapeau de la Palestine au sein de l'hémicycle, a poursuivi la députée de Paris. Il me paraissait important de marquer cette occasion solennelle. La France doit s'engager aux côtés des Palestiniens." Joignant les actes aux paroles, les députés d'opposition de gauche ont donc porté visuellement ce message à l'Assemblée ce mardi.

Alors que de nombreux députés de droite (de la majorité ou d'opposition) avaient choisi, pour protester contre ce happening, de porter leur écharpe tricolore, la séance de questions au gouvernement s'est révélée houleuse, avec notamment une interruption consécutive à une nouvelle manifestation de soutien à la Palestine. A l'instar de Sébastien Delogu la semaine dernière, la députée de La France Insoumise Rachel Keke a en effet brandi un drapeau palestinien dans l'hémicycle.

Après avoir déclenché une bronca dans la moitié droite de l'Assemblée, le geste de l'élue pourrait surtout lui valoir une suspension. La présidente de l'Assemblée nationale lui a en tout cas immédiatement signifié un "rappel à l'ordre" et une "inscription au procès-verbal" dans l'attente d'éventuelles sanctions supplémentaires. Yaël Braun-Pivet n'a en revanche annoncé aucune procédure disciplinaire en lien avec la tenue vestimentaire des députés de la NUPES ayant participé au happening. Et pour cause : ce dernier ne constitue pas en soi une entorse au règlement en vigueur pour les députés.

Comme l'a précisé la vice-présidente de l'Assemblée nationale Elodie Jacquier-Laforge au micro de LCP, il n'y a en effet "rien dans le règlement ou dans l'Instruction Générale du Bureau qui permette de sanctionner un collègue qui arborerait une couleur ou une autre". "Matériellement, dans le règlement, il n'est pas interdit d'avoir plutôt telle ou telle couleur sur soi", résume la députée Renaissance de la 9e circonscription de l'Isère.

Depuis 2018, certaines règles vestimentaires sont toutefois imposées dans l'hémicycle. Ajouté à cette occasion au règlement de l'Assemblée nationale, l'article 9 stipule que "la tenue vestimentaire adoptée par les députés dans l’hémicycle doit rester neutre et s’apparenter à une tenue de ville. Elle ne saurait être le prétexte à la manifestation de l’expression d’une quelconque opinion : est ainsi notamment prohibé le port de tout signe religieux ostensible, d’un uniforme, de logos ou messages commerciaux ou de slogans de nature politique."

Le même article indique cependant, en préambule, que l'expression à l'intérieur de l'hémicycle doit être "exclusivement orale". Ce point, qui avait été central dans la décision du Bureau de l'Assemblée nationale de suspendre Sébastien Delogu pour deux semaines, a d'ailleurs été rappelé par Yaël Braun-Pivet en introduction de la séance du 4 juin, au moment où les députés de la NUPES se sont levés pour former le drapeau palestinien.

En l'occurrence, ces derniers ont donc, d'une certaine manière, contourné habilement le règlement. S'ils ont bien veillé à porter exclusivement des vêtements pouvant être associés à une "tenue de ville", restant ainsi dans les clous de l'article 9, ils ont tout de même réussi à porter leur message de soutien par un autre biais que l'expression orale.