De l'enfer à l'espoir, comment l'OL a vécu tout et son contraire en 9 mois

Pour planter le décor de cette saison baroque, il faut en rembobiner le film jusqu'en juillet 2023 et en retrouver un (éphémère) acteur: Santiago Cucci. Fraîchement nommé Directeur exécutif (intérimaire) de l’OL, il assure: "nous avons une obligation légale de vendre notre franchise féminine installée aux USA, OL Reign, puisque Michele Kang, actionnaire d’Eagle et propriétaire des Washington Spirits, ne peut pas détenir deux franchises. Deuxième 'obligation', le prix de vente ne se fera pas en dessous de 53 millions de dollars, puisque c’est le dernier prix effectif d’une vente et les suivantes ne peuvent se faire en dessous."

Il réagit alors à la décision de la DNCG de poser des conditions draconiennes au mercato estival avec une enveloppe minime de 25 millions d’euros, un encadrement de la masse salariale et des ventes sous la contrainte. "Ne pas tenir compte de cette future entrée et considérer à 0 cette ligne-là est surprenant. En sachant qu’il y a plus qu’un acheteur potentiel…" Et le successeur de Jean Michel Aulas, débarqué en mai, de préciser que c’est une question de jours, voire de semaines.

Pour Santigo Cucci, ce sera une question de semaines – il terminera son intérim le 28 octobre – mais pour la vente de la franchise féminine US de l’OL, il faudra donc compter en mois. Neuf plus précisément pour boucler cette vente qui fait (enfin) tomber de l’argent frais dans les comptes de l’OL comme annoncé ce lundi matin dans un communiqué publié juste avant l’ouverture de la bourse.

"OL Groupe annonce la signature d’un accord avec un groupe comprenant les Seattle Sounders et la société d’investissement mondial Carlyle pour la vente du Seattle Reign FC", peut-on y lire.

Plus-value XXL

La transaction devrait être finalisée début 2024, sous réserve de l’approbation du Conseil d’administration de la NWSL (National Women’s Soccer League) et de la MLS (Major League Soccer). Dans la foulée de la vente d’OL féminin à Michele Kang le 8 février 2024, qui fait économiser une bonne dizaine de millions d’euros de déficit structurel à l’entité, OL Groupe poursuit donc sa restructuration.

"Cette opération s’inscrit dans la stratégie du groupe, notamment le recentrage sur le football masculin annoncé le 25 octobre dernier. Elle devrait permettre à OL Groupe de constater une plus-value de cession dans les comptes de l’exercice 2023-2024, après déduction des avances en compte courant engagées dans le développement du club et de l’impact des résultats cumulés depuis l’acquisition de la franchise en janvier 2020." Au passage, John Textor pourra dire merci à son prédécesseur pour la plus-value: achetée 3,1 millions d’euros le 19 décembre 2019, le FC Reign, devenu OL Reign, est revendue presque 18 fois plus...

Ces neuf mois pourraient servir de réserve à anecdotes à un producteur de série, tant les coulisses regorgent de rebondissements, sportifs, humains, financiers avec leurs lots de mensonges, trahisons et réconciliations. Il faudrait un livre depuis l’arrivée en toute puissance, à l’américaine, dans l’univers feutré des affaires lyonnaises, d’un John Textor qui ne fera rien pour bien se faire accepter du monde économique et politique entre Rhône et Saône.

Il comprendra bien vite que le foot business à la française, avec une DNCG qui ne croit que ce qu’elle voit, se moque éperdument des promesses, même quand elles ont l’accent américain. Il devra donc se contenter d’un mercato estival où il vendra les bijoux de famille (dix joueurs pour au total plus de 107 millions d’euros) et recrutera en prêt principalement, sur fond de blocage des comptes par l’ex-homme fort qui ne voit pas venir l’argent convenu pour la vente de ses actions.

Le milieu politique tacle, à l'image de Bruno Bernard, le patron écologiste – mais fan de l’OL – qui n’a jamais souhaité rencontrer le nouveau boss. "Je suis plus qu’inquiet de la situation de l’OL, avoue-t-il sur BFM Lyon. Nous sommes dans une situation sportive catastrophique, avec de vrais risques de descendre en deuxième division. De plus, le nouveau propriétaire de l’OL a une politique illisible. John Textor est arrivé en nous expliquant qu’il n’allait pas changer l’équipe dirigeante pendant trois ans et qu’il n’avait pas besoin d’un retour sur investissement rapide. Et que voit-on? Jean-Michel Aulas est débarqué rapidement et un peu brutalement. Et on est en train de vendre les bijoux de famille: OL Reign, les filles de l’OL, maintenant l’Arena et aussi les meilleurs joueurs. Tout cela n’est pas très lisible et je suis naturellement inquiet".

Avec un patron en "téléprésidence", l’absence d’incarnation au quotidien pèse en interne. Et ce n’est pas l’appel à Tony Parker, pourtant sans plus aucun lien direct avec l’OL, pour occuper le fauteuil de l’OL le 5 novembre lors d'un des nombreux matches de la peur de l’époque face à Metz (1-1 au final) qui change la donne. Le pire se profile: l’OL coule sportivement parlant et occupe le 10 décembre la place de dernier de Ligue 1 avec 7 points pris sur 42 possibles, un seul succès pour 9 défaites en 12 matches et déjà trois staffs usés (Laurent Blanc, Jean François Vulliez puis Fabio Grosso).

Les supporters, qui restent très calmes, rappellent toutefois les fondamentaux à leur patron, qui avait qualifié une question sur la relégation, de "comique". Les huit groupes de fans affichent tous le même slogan, simple mais qui dessine un miracle à l’époque: "Objectif Maintien".

Leader sur les 12 derniers matchs

Ce 10 décembre marquera le début de la remontada de l’OL, qui vient d’installer un nouveau staff autour de Pierre Sage, son 4e coach en cinq mois, un record local dans l’OL contemporain. Jean Michel Aulas revient au Groupama Stadium, une première depuis son éviction en mai et l’hommage voulu par John Textor le 27 mai face à Reims.

Les planètes s’alignent: Alexandre Lacazette marque un triplé, l’OL l'emporte (3-0) 195 jours après le dernier succès à la maison, ouvre pour la première fois le score à la maison de la saison, la tribune officielle est enfin bien garnie avec le nouveau patron devant l’ancien à côté d’un nouveau DG (Laurent Prud’homme) et du Directeir sportif fraîchement nommé, Davi Friio.

L’union sacrée – sur fond d’un chèque de 15 millions d’euros de Textor à Aulas qui s’engage à interrompre les actions judiciaires intentées à l’été – enclenche un cercle vertueux. Pierre Sage panse les plaies mentales et tactiques. Puis, sa direction sportive lui offre un mercato "historique", le plus gros de l’OL en janvier, à plus de 56 millions d’euros autour de sept recrues dont Nemanja Matic qui rééquilibre tout l’édifice et redonne de l’élan.

L’adhésion des joueurs aux discours et méthodes du nouveau coach fait le reste. Résultat: en 12 matchs depuis la 15e journée, l’OL engrange 27 points sur 36 possibles, abandonne la place de lanterne rouge occupée 11 fois (sur 17 journées) sur la première partie saison et domine désormais de la tête et des épaules, le championnat du … maintien avec une 10e place. Le barragiste (Nantes) est relégué à 9 points, et les deux derniers à respectivement 11 (Metz) et 14 points (Clermont).

Un premier trophée en 12 ans en ligne de mire?

Sur cette période, personne ne fait mieux que ces 27 points sur 36 possibles, avec trois seuls échecs (3-1 au Havre, 2-3 face à Rennes et 0-3 devant Lens). Dans le même temps, le PSG glane 26 points, Brest 25 et Rennes 24. Laurent Prud’homme, intronisé quelques heures avant ce match, regarde désormais avec sourire la statistique du 6 décembre à 11h11. Corentin Tolisso peut résumer avant le déplacement à Toulouse l’impression générale.

"Compte tenu de notre début de saison, être là où nous sommes aujourd'hui est un exploit", avance-t-il.

"Si on m’avait dit qu’on serait 10e à la 25e journée de Ligue 1, j’aurais accepté. Mais il ne faut vraiment pas se relâcher, il faut continuer nos efforts. Il ne faut pas penser que tout est acquis, il faut continuer à travailler. Et en faisant ce que l’on fait à l'entraînement, c’est une bonne chose. Quand je vois la qualité de la séance du jour, je suis content", sourit l'historique du club.

Quelques heures plus tard, dans un match renversant, l’"OL nouveau" marque de nouveaux points avec son coach qui ne fait jamais les choses à moitié sur les 14 matches qu’il dirige en Ligue 1: soit il gagne (9), soit il perd (5). Pierre Sage ne sait pas faire de nul, sauf en Coupe de France. Qu’importe, pour l’emporter, il s’en remet finalement au (x) tirage (s): ceux des tirs au but pour se hisser en demi-finale après un 0-0 pénible face à Strasbourg, celui du tirage au sort du futur adversaire, le dernier de Ligue 2 (Valenciennes) à la maison là où le PSG ou Rennes, en déplacement étaient les deux autres options.

Présent en conférence de presse avant le match de Toulouse, Corentin Tolisso ne cache donc plus désormais les ambitions d’un groupe régénéré. "C’est un objectif, nous voulons aller en finale et remporter la Coupe de France, dit-il. Après avoir réalisé tout ce parcours, l'objectif de se qualifier en finale est réel. J’espère que nous réussirons à nous maintenir rapidement, ainsi l'objectif numéro un sera atteint. Si nous parvenons à remporter cette coupe, les gens ne nous oublieront pas."

Aulas va bientôt racheter "son" Arena

Et ces mêmes gens savoureront d’autant plus que l’attente depuis le dernier trophée – la Coupe de France en mai 2012 – hante les esprits des fans lyonnais, habitués au début du siècle à empiler les titres et les passages sur le balcon de l’Hôtel de ville pour les fêter. Sans oublier que les mêmes supporteurs ne s’imaginaient pas avec une telle perspective à la mi-décembre, quand il était juste question d’un maintien à décrocher alors que les places de lanterne rouge s’accumulaient.

Mais de Noël 2023 à Pâques 2024, la saison de l’OL a pris une dimension hors norme où l’impossible d’hier devient l’évidence du moment, où le far-west de l’automne a laissé la place à une ambiance plus "petite maison dans la prairie". Ultime exemple en date et à venir: qui devrait acheter la LDLC Arena, construite à côté du Groupama Stadium, par l’OL version "historique", avec Jean Michel Aulas à la barre, 36 ans durant jusqu’au 5 mai 2023 et pour l’inauguration de laquelle il fut magistralement éclipsé?

Réponse: un certain…Jean Michel Aulas et sa holding, Holnest qu’il dirige avec son fils Alexandre. C’est une question de quelques petites semaines. Comment on dit déjà? "Tout va très vite dans le football"?  "Il ne faut jamais dire jamais"? Vous avez le choix...

Article original publié sur RMC Sport