Le collège de monsieur Paty - "Ces jeunes ont grandi trop vite", "C'est bouleversant", "Ils font preuve d'une super maturité" : les élèves du professeur assassiné libèrent leurs paroles et touchent les internautes

Infrarouge a commémoré ce mardi 17 octobre 2023 sur France 2 les trois ans de l'assassinat de Samuel Paty. Le reportage s'est intéressé au cheminement psychologique de ses collègues professeurs et de ses élèves, depuis le drame. Les internautes ont été très émus par les paroles échangées.

Capture écran France 2 direct/Le collège de monsieur Paty
Capture écran France 2 direct/Le collège de monsieur Paty

Trois ans après l'assassinat de Samuel Paty par un terroriste islamiste, Infrarouge a consacré ce 17 octobre 2023 sur France 2 un reportage au professeur d'histoire-géographie. Un an après la tragédie, la réalisatrice Christine Tournadre s’est immiscée, durant toute une année, dans les couloirs du collège du Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, où il enseignait. Avec sa caméra discrète, elle s'est invitée en cours, dans la salle des professeurs ou au beau milieu de conversations entre élèves, afin d'observer le chemin psychologique parcouru.

Une confiance entachée

Tous se rappellent... Le 5 octobre 2020, Samuel Paty aborde le thème de la liberté d'expression dans son cours. Il choisit alors de l'illustrer avec des caricatures du prophète Mahomet. Très vite, le professeur d'histoire-géo se voit accusé d'être islamophobe, au sein des murs du collège et sur internet. Le père d'une élève s'exprime sur ses réseaux sociaux à ce sujet et appelle à des sanctions contre Samuel Paty. Une autre rumeur prétend qu'il aurait exclu des élèves musulmans... Un terroriste islamiste se saisit de l'affaire et décapite le professeur devant le collège, onze jours plus tard. Comment la confiance a-t-elle été renouée entre professeurs et élèves depuis ce terrible drame ? C'est ce que cet épisode d'Infrarouge a tenté de révéler.

Il y a d'abord eu le temps du choc et des questions : une professeure se rappelle d'un mail envoyé par Samuel Paty pour prévenir que lui et le collège entier étaient menacés. "Toute cette semaine avant l'attentat, il y avait une épée de Damoclès au dessus de nos têtes à tous […] Personnellement j'ai pensé au pire". Un surveillant a à son tour exprimé son choc d'apprendre que des élèves du collège avaient attendu monsieur Paty pour le désigner au tueur. "Pourquoi, qu'est-ce qu'il s'est passé ? Surtout pour une somme dérisoire...".

"Il y a quelque chose d’effrayant derrière tout ça, qu’on refuse de voir. Est-ce que c’est la responsabilité des élèves ? Le fait que des élèves se soient retournés contre leur professeur ? [...] Et nous ? Quelle est notre responsabilité, là-dedans ? C’est nous, leurs éducateurs, on a failli... ", partage à son tour A., professeure de français au collège du Bois-d’Aulne.

Vidéo. Journée d'hommages pour Samuel Paty et Dominique Bernard

"Des ados de 14 ans déstabilisés..."

Sans nul doute, la parole a été le principal outil de reconstruction de la confiance : celles qui s'échangent entre les élèves dans la cour de récréation, celles de rencontres pédagogiques organisées pour l'occasion, celles échangées entre élèves et membres de l’Association française des victimes du terrorisme, ou encore celles inventées lors d'un atelier slam avec l’aide d’un éducateur spécialisé.

Lors d'une séquence, quatre élèves échangent leurs souvenirs de ce jour où tout a basculé, ce jour qui marque un avant et un après. "Après le 16 octobre, c'est plus devenu notre collège, c'est devenu quelque chose d'autre, quelque chose qui a trop changé le collège... ", affirme une élève de 15 ans, immédiatement rejointe par une camarade : "puis même visuellement, ils ont installé une énorme grille, on dirait une prison". Toutes les élèves interrogées se rappellent de l'ambiance pesante qui régnait sur les lieux le jour de l'assassinat et ceux qui ont suivi : "à chaque fois quand on sortait des cours, il y avait des journalistes, des gens qui nous couraient après pour nous demander quelque chose", "Ils nous mettaient le micro sous le nez", "C'est horrible, ça fait un traumatisme un peu".

Plus tard, des élèves sont invités à donner leur avis sur le devenir de la salle de classe du professeur défunt, et sur les façons de lui rendre un hommage pérenne dans l'établissement. L'une estime que rebaptiser le collège du nom du professeur ne serait pas judicieux. "Je trouverais ça dommage car si tu dis à quelqu'un que tu vas là-bas, tout de suite la personne va avoir de la pitié pour toi, te demander si tu t'es remis etc ". Une autre élève propose de poser une plaque d'hommage et repeindre sa salle de classe en jaune pastel, couleur du soleil, pour y remettre un peu de joie.

Sur X, ces professeurs et élèves meurtris mais désireux d'aller de l'avant ont beaucoup touché les internautes.