L'abbé Pierre au cinéma: ce que l'on découvre sur sa vie dans le film avec Benjamin Lavernhe

Avec L'Abbé Pierre, une vie de combats, en salles mercredi, Benjamin Lavernhe enfile le béret du héros national avec l'ambition de dresser "le portrait intime d'un type que les Français ne connaissent pas vraiment". Le film brosse la vie du fondateur des communautés d'Emmaüs, inlassable combattant de la misère, de sa naissance en 1912 à Lyon jusqu'à sa mort en 2007.

Un rôle particulièrement marquant pour Benjamin Lavernhe, qui dit être "tombé amoureux" du personnage: "C'est un révolutionnaire, un homme en marche qui mène des foules". "Il y a le béret, la canne, la silhouette, mais la vérité n'est pas forcément là. (...) Il fallait arriver à le désacraliser, découvrir ses doutes et ses névroses", confiait-il à l'AFP à Cannes, où le film a été présenté hors compétition en mai.

Au-delà de la reconstitution des grands discours, dont celui de "l'insurrection de la bonté" en février 1954 au micro de Radio Luxembourg, le film présente de façon didactique les combats du militant pour une mobilisation du plus grand nombre au service des sans-abris. Un homme qui "a déplacé des montagnes", souligne l'acteur.

Selon Benjamin Lavernhe, l'idée était de faire "un grand film d'aventure sur l'Histoire de France et le portrait très intime d'un type que les Français ne connaissent pas vraiment." Voici ce que ce film signé Frédéric Tellier révèle sur la vie de l'abbé Pierre.

• Son passé de résistant

Le film revient en détail sur son passé de résistant. Le religieux s'appelle alors encore Henri Grouès. Nommé aumonier dans l'Isère, il aide des enfants juifs séparés de leurs familles lors de rafles et les réfractaires au STO. Il fait aussi passer en Suisse Jacques, le plus jeune frère du général de Gaulle, et participe à la création de maquis.

C'est à cette époque qu'il rencontre Lucie Coutaz, qui deviendra sa secrétaire personnelle et sera la cofondatrice d'Emmaüs. Recherché par l'Occupant, il entre grâce à elle dans la clandestinité. Il se fait appeler abbé Pierre, un nom qu'il gardera jusqu'à la fin de sa vie.

Un passé méconnu qui a surpris Benjamin Lavernhe: "Je ne savais pas qu'il avait sauvé des juifs à 3000 mètres d'altitude, qu'il les avait fait passer en Suisse et qu'il était un grand héros de la résistance", a-t-il expliqué ce mercredi sur France Inter.

• Il a frôlé la mort

L'abbé Pierre est un miraculé. Il a échappé à la mort à plusieurs reprises. "J’ai passé ma vie à prier Dieu pour mourir jeune", s'amusait-il même à dire. Le 12 juillet 1963, à l’embouchure du Rio de la Plata, entre Argentine et Uruguay, le paquebot le Ciudad de Asuncion prend feu au milieu de la nuit et les passagers se jettent à l’eau.

Parmi eux, l'abbé Pierre, venu rendre visite aux communautés d'Emmaüs d'Amérique Latine. Pendant plusieurs jours, le religieux est annoncé mort dans la presse avant d'être retrouvé, entre la vie et la mort. Il se bat pour survivre car il sait que sa disparition pourrait condamner son mouvement.

A Philippe Labro, qui lui rend visite pour France Soir, il déclare: "Pour moi, la mort, c’est la sortie de l’ombre, le voyage vers Dieu et vers la lumière. J’en avais envie. J’ai dû perdre un peu connaissance. Quand on m’a extrait du groupe des victimes, j’ai pensé que, maintenant, j’avais de longues, longues années devant moi. Dieu avait sans doute pensé que je n’avais pas tout à fait achevé mon travail."

• Les doutes et les blessures de l'abbé

Les doutes et les blessures de l'ancien résistant devenu une vedette médiatique sont aussi évoqués dans le film. "On voit le doute sans arrêt, on voit à quel point il est insatisfait, à quel point ce n'est jamais assez", a déclaré sur France Inter Christophe Robert, le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre.

"Je trouve que c'est très encourageant parce que tout ceux qui combattent contre les exclusions sont tous les jours fatigués. C'est dur quand vous êtes travailleur social, responsable d'une association. Et ce doute, cette impossibilité de répondre à tout le monde, ne lui ont pas enlevé cette force de conviction pendant 60 ans."

"L'abbé Pierre nous a ouvert les yeux en nous disant de ne pas tout attendre de l'État, 'faites vous-même'. Mais s'il n'y a pas une puissance publique qui vient donner les conditions dignes à chacun d'entre nous, les conditions minimales, on ne va pas s'en sortir", conclut Christophe Robert.

Article original publié sur BFMTV.com