L’uniforme à l’école, ces profs qui enseignent au Royaume-Uni y voient surtout des avantages

Une salle de classe en Angleterre, où les élèves portent l’uniforme.
OLI SCARFF / AFP Une salle de classe en Angleterre, où les élèves portent l’uniforme.

ÉDUCATION - « Je suis vraiment en faveur de l’uniforme et pourtant, j’ai vécu en France pendant 25 ans. » Maria est professeure de français et d’espagnol expatriée depuis 15 ans en Angleterre, à Ealing, dans la banlieue de Londres. Pour elle, comme pour les autres enseignants outre-Manche que Le HuffPost a interrogés, l’uniforme à l’école présente plus d’avantages que d’inconvénients.

Pourquoi le port de l’uniforme à l’école ne gomme pas les inégalités

Voulue par le gouvernement d’Élisabeth Borne, une expérimentation autour d’une tenue unique à l’école a été annoncée par Gabriel Attal lundi 11 décembre dernier pour la rentrée 2024, voire dès le printemps, dans certains établissements volontaires.

L’objectif ? Évaluer la réelle efficacité de cette mesure, à qui certains politiques prêtent de nombreux attributs : réduction des inégalités, lutte contre le harcèlement, respect de la « laïcité » ou de la « décence », pour reprendre les mots du président de la République lors d’une interview accordée à Hugo Décrypte en septembre dernier.

Si Maria a fait sa scolarité en France, nos deux autres interlocuteurs n’ont connu que des établissements où les élèves portaient l’uniforme. Pour eux, cette tenue unique est « normale » et n’est jamais « questionnée » outre-Manche. Et visiblement, ils sont en partie d’accord avec les arguments avancés par le gouvernement.

Lutter contre les inégalités

« Les élèves s’habillent tous de la même façon dans mon établissement, qui est très cosmopolite. Il est impossible de distinguer s’ils sont riches ou pauvres. Pour moi, c’est un formidable outil d’égalisation », avance Andrew, professeur de politique et d’Histoire depuis 30 ans, aujourd’hui dans un établissement de Southampton, dans le sud du pays.

Au Royaume-Uni, les règles varient d’une école à l’autre, et peuvent être très strictes : les bijoux, les marques visibles sur les chaussures, voire le maquillage, sont parfois interdits. Des uniformes de sport, une trousse complète et un sac peuvent aussi être requis à l’identique pour tous les élèves.

Il ne reste au final que très peu d’éléments de différenciation entre eux, selon Andrew, et « personne ne montre vraiment sa richesse ». « Dans mon école, le manteau est le seul moyen de les distinguer. Mais dès qu’ils passent la porte de l’établissement, ils doivent le porter à la main », explique-t-il.

Sophia*, enseignante de musique dans le sud de Londres, se montre plus nuancée. Si les uniformes aident bel et bien à « réduire les inégalités », il y a « d’autres manières par lesquelles les élèves peuvent s’exprimer ». À titre d’exemple, Maria ajoute que les différences de richesses ressortent lorsque certains élèves ne peuvent pas prendre part aux sorties scolaires ou aux voyages.

Les différences sociales peuvent aussi se voir en fonction de l’école où l’élève est scolarisé. « Si l’uniforme renforce le sentiment d’appartenance à l’école, il est à double tranchant. Les élèves qui sont dans des établissements à mauvaise réputation préfèrent peut-être l’anonymat », explique l’expatriée.

Quid du harcèlement ?

L’uniforme à l’école soulage néanmoins les familles à plusieurs niveaux. Par le gain de temps qu’il permet le matin lorsqu’il faut choisir ses habits, mais aussi grâce aux économies d’argent, selon ces trois enseignants.

« Ça enlève la charge à la famille d’acheter les derniers vêtements à la mode et beaucoup de tenues différentes », avance Sophia. Andrew complète : « La plupart des écoles ont des magasins de seconde main. Certaines peuvent même donner des uniformes à des familles en difficulté. »

En revanche, Sophia et Andrew s’accordent sur un autre point, qui va, lui, à l’encontre des arguments entendus en France : l’uniforme ne permet pas vraiment de lutter conter le harcèlement scolaire. « C’est un sujet en moins sur lequel les élèves se font embêter, assure Sophia. Mais il y a plein d’autres raisons pour lesquelles un élève peut subir du harcèlement. » En revanche, porter un uniforme peut effacer « le stress de ceux qui ont peur d’être jugés sur ce qu’ils portent ».

Ce n’est pas l’avis de Maria, pour qui l’uniforme aide dans la lutte contre le harcèlement. Une opinion qu’elle tire de son histoire personnelle : « Je ne portais pas de marques pendant ma scolarité. Et les enfants n’hésitaient pas avec moi. J’étais assez résiliente et je n’en suis pas morte, mais j’imagine que ça peut affecter d’autres enfants. »

Un autre rapport aux vêtements

Quid de la laïcité ? La situation au Royaume-Uni n’est pas comparable à la France, puisqu’il arrive que des élèves portent le voile ou le turban à l’école, et « ce n’est pas un problème », selon Andrew.

Les lycées peuvent être en revanche très à cheval sur d’autres règles liées à l’habillement lors des occasions où les élèves ne portent pas l’uniforme, comme lors des voyages, sorties scolaires, ou journée spéciales. Les crop tops et autres vêtements courts sont généralement interdits. « Certains élèves viennent avec des tenues qui ne sont pas appropriées. J’ai l’impression que sans l’uniforme, certains s’habilleraient tous les jours de cette manière », explique Sophia.

« Mais l’un des objectifs de l’école est de les aider à comprendre les différences entre un environnement public et professionnel et de leur apprendre les codes vestimentaires », continue-t-elle. Maria précise aussi : « Après le lycée, ils s’habillent d’une manière très libre. C’est une liberté qu’ils n’ont pas eue dans leur scolarité. »

Selon les enseignants interrogés, si leurs élèves semblent plutôt être contre l’uniforme et voudraient porter leurs propres vêtements, ils ne questionnent pas pour autant l’uniforme, répandu au Royaume-Uni selon Le Figaro depuis… le XVIe siècle.

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