L’Ukraine visée par des drones « kamikazes » iraniens, des Shahed 136 et des Mohajer-6

A drone flies over Kyiv during an attack on October 17, 2022, amid the Russian invasion of Ukraine. - Ukraine officials said on October 17, 2022 that the capital Kyiv had been struck four times in an early morning Russian attack with Iranian drones that damaged a residential building and targeted the central train station. (Photo by Sergei SUPINSKY / AFP)

UKRAINE - Le péril des drones kamikazes. Plusieurs frappes russes ont visé ce lundi 17 octobre des infrastructures cruciales de trois régions d’Ukraine, dont la capitale Kiev, laissant « des centaines de localités » sans électricité, a annoncé le Premier ministre ukrainien, Denys Chmygal dans la matinée.

En plus des bombardements de missiles, cinq drones ont frappé Kiev, selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Ce sont eux, déjà, qui avaient été utilisés le 10 octobre, quelques jours après les explosions sur le pont de Crimée, pour bombarder Kiev, Lviv, Ternopil, Jytomyr, Dnipro, Kremetchouk, Zaporijia et Kharkiv, faisant au moins 11 morts et 89 blessés.

Très rapidement, Kiev a visé l’Iran dans ses critiques, accusé d’avoir fourni ces drones des Shahed 136 et des Mohajer-6 à Moscou. La diplomatie ukrainienne demandait en début d’après-midi plus de sanctions contre Téhéran.

« Deux États voyous, la Russie et l’Iran, ont uni leurs forces pour améliorer les tactiques des drones Shahed. Question : Quels pays seront les prochaines cibles ? N’est-il pas temps d’arrêter le Shahed-terrorisme ? », indique dans le tweet ci-dessus le compte du ministère de la défense ukrainienne.

Le kamikaze Shahed 136

Utilisé dans les attaques ces dernières semaines, le Shahed 136 est un « drone suicide d’assez grande taille, de construction à bas coûts », fabriqué par l’Iran Aircraft Manufacturing Industrial Company ou HESA. Il mesure 3,5 mètres de long avec une envergure de 2,50 mètres pour un poids d’environ 200 kg. Tirés en salves, les drones peuvent être lancés depuis un camion et volent à plus de 185 kilomètres à l’heure. L’armée russe a rebaptisé l’appareil volant Geran-2 (géranium-2), note Le Monde.

Cet engin, assez bruyant, « atteint sa cible par coordonnées GPS, entrées avant son décollage. Il évolue ensuite en autonomie, volant assez bas et atteignant une cible qui est nécessairement fixe à quelques centaines de kilomètres », explique à l’AFP Pierre Grasser chercheur français associé au centre Sirice à Paris.

Toutefois, leur « principal défaut, c’est qu’ils ne peuvent frapper que des cibles fixes », souligne-t-il. « Cela ne menace guère les troupes déployées. Cette arrivée de drones ne devrait donc pas changer le cours de la bataille ».

Le Mohajer-6 pour observer et attaquer

Les Ukrainiens ont aussi à redouter les Mohajer-6. Ces drones « sont la réponse russe aux TB-2 de l’Ukraine », le célébrissime drone armé MALE (moyenne altitude, longue endurance) fourni par la Turquie. Il s’agit d’un drone d’observation et d’attaque, capable de transporter, selon l’Institute for the Study of War, « des bombes planantes et des missiles antichars ».

Mais, « comme tous les drones armés ou les munitions rôdeuses, ils sont très efficaces quand l’adversaire ne dispose pas de moyens pour s’en protéger ou riposter », souligne Christophe Noël.

« Beaucoup de leur succès initial viendra du fait que c’est une arme nouvelle sur ce théâtre. Les Ukrainiens vont en capturer, les disséquer et développer des systèmes anti-drones. Avant cela, ils seront efficaces », estime Vikram Mittal, professeur à l’académie militaire américaine de Westpoint. En attendant, les alliés occidentaux, dont la France et l’Allemagne, ont promis la semaine dernière de fournir à l’Ukraine plus de systèmes de défense antiaériens pour contrer ces armes.

Défaillances de la filière des drones russes

Cela dit, l’utilisation par les Russes de drones iraniens en Ukraine démontre deux choses : la place croissante de Téhéran dans cette activité et certaines défaillances de la filière des drones russes. « L’ennemi essaie d’économiser ses différents types de missiles. Les Shahed sont beaucoup moins chers et l’ennemi peut en lancer plusieurs à la fois », juge Sergey Bratchuk, un représentant de l’administration militaire régionale d’Odessa, cité par Le Monde.

De fait, abonde Pierre Grasser, l’emploi de ces drones « est une mesure d’économie pour la Russie, car elle épargne de précieux missiles de croisière, qui coûtent de 1,5 à 2 millions » de dollars américain.

Ce dernier évoque par ailleurs une faiblesse de la structure industrielle russe. « La STC, qui fabrique des drones Orlan (de reconnaissance, ndlr), a annoncé passer en 3-8 pour tourner 24 heures sur 24. Ils n’arrivent pas à constituer les équipes. Comme sur la ligne de front, le problème de la Russie, c’est la ressource humaine », explique-t-il.

La Russie n’avait pas prévu dans son arsenal de drones suicides longue portée comme le Shahed 136, mais avait « des modèles à autonomie réduite (40 km maximum) », ajoute-t-il. Quant aux drones armés MALE, « le fait de recevoir des Mohajer-6 iraniens est aussi un aveu d’échec industriel », précise le chercheur. « Ils sont supposés avoir des matériels dans cette gamme (...). Cela signifie que (l’industrie russe) ne peut pas tenir le rythme ».

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