De l’inconvénient de trop aimer son travail

Il fut un temps où les candidats à un entretien d’embauche pouvaient dire qu’ils avaient des loisirs. Ils pouvaient cultiver un intérêt de nature introspective : lire un livre était une manière parfaitement acceptable de passer son temps libre. Plus maintenant. Aujourd’hui, votre recruteur vous demandera probablement si vous avez un “projet passion personnel”, et plus votre réponse décrira une tâche éreintante, mieux ce sera. Dites que vous pratiquez la descente de rapides en rafting, de préférence avec des orphelins. Ou que vous construisez des ponts pour aider les animaux sauvages à traverser l’autoroute. Et si vous lisez, faites-le au moins en version originale.

La passion est le nouveau moteur de la réussite professionnelle. Jon Jachimowicz et Hannah Weisman de la Harvard Business School ont décortiqué près de 200 millions d’annonces pour des postes à pourvoir aux États-Unis. Leur analyse montre que le mot “passion” y est de plus en plus fréquent, ses occurrences passant de 2 % en 2007 à 16 % en 2019.

Les sites de conseil professionnel recensent divers moyens d’avoir l’air passionné par des choses tout à fait ordinaires. Voilà par exemple comment l’un d’eux recommande de décrire à votre futur employeur l’art de mettre quelque chose au four. “J’adore l’étape de recherche de nouvelles recettes et la phase de test. Je compile mes expériences de pâtisserie depuis trois ans… Je suis extrêmement attentif aux détails et j’aime l’aspect scientifique de la pâtisserie. Mais je suis aussi une personne très sociale, et je me sers de mes pâtisseries comme d’une occasion pour inviter des amis et de la famille”. Bref, ne vous contentez pas de dire : “J’aime surtout beaucoup les gâteaux.”

La passion rend parfois aveugle

Une fois embauché, la passion pour le travail semble également un bon moyen de gravir les échelons. Selon une autre étude menée par Jachimowicz avec Ke Wang, de la Harvard Kennedy School, et Erica Bailey, de la Columbia Business School, les collaborateurs considérés comme plus passionnés que leurs collègues reçoivent davantage de retours positifs, de promotions et de propositions de formation.

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