Pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur·es

Tribune « Pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur·es »
KatarzynaBialasiewicz / Getty Images Tribune « Pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur·es »

PÉDOCRIMINALITÉ - La France est un des paradis des incestueurs et des pédocriminels. Nos lois les protègent,  par le biais de la prescription pénale, ce droit à l’oubli –pour les agresseurs seulement, car les traumas des victimes, eux, ne se font pas oublier de toute une vie – consacré par le Code Napoléon.

Une semaine avant la publication du rapport final de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles (CIIVISE), nous activistes, survivantes féministes et enfantistes, réunies ce lundi 13 novembre à Paris à 19h au théâtre du Café de la Gare, lançons un appel pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur·es, pour commencer.

Cette évolution législative est indispensable pour lutter contre l’impunité des violeurs pédocriminels.

Chaque année en France, 160 000 mineur·es au moins sont victimes de violences sexuelles. 80% de ces victimes sont des filles. 90% des agresseurs sont des hommes. Ces violences sexuelles ont lieu le plus souvent dans le cercle proche de l’enfant et touchent avant tout les plus vulnérables, notamment les filles et garçons en situation de handicap. Elles s’accompagnent aujourd’hui aussi de partages d’images des violences sur internet, constituant un double traumatisme pour les victimes.

Moins de 1% des viols ont jugés comme tels, une impunité quasi totale pour les pédovioleurs

En France, 4% des viols sur mineur·es font l’objet de plaintes. 74% de ces plaintes vont être classées sans suite, la moitié des plaintes instruites déqualifiées. Au total seules 10%  des plaintes vont être jugées en cour d’assises. C’est donc moins de 1% de l’ensemble des viols qui sont jugés comme tels. Soit une impunité quasi totale pour les hommes pédovioleurs.

Pourtant, on sait aujourd’hui à quel point les crimes sexuels brisent durablement la santé mentale et physique des victimes, combien ils contaminent leur vie sociale comme leur vie intime, la perte de chance qu’ils représentent pour la société tout entière.

On sait que pour 40% des enfants victimes, les psychotraumatismes provoqués par les crimes sexuels engendrent des amnésies traumatiques. Ce mécanisme neurologique involontaire dissimule aux victimes l’origine de leurs souffrances, et ce parfois pendant des décennies.

On sait comme les pressions sociales, la culture du viol, la culture sexiste, les pressions familiales et économiques bâillonnent les victimes.

On sait qu’un temps long leur est nécessaire pour prendre conscience des crimes sexuels subis, puis pour les dénoncer.

La prescription fait subir un déni de justice à d’innombrables survivant·es

La prescription garantit l’impunité des pédocriminels et leur permet de continuer à commettre des crimes contre de nouvelles victimes pendant des décennies. Elle fait subir un déni de justice à d’innombrables survivant·es. Elle porte atteinte au droit d’accès à la justice pénale, en violation du droit européen.

Depuis la loi du 3 août 2018, le délai de prescription des crimes sexuels sur mineur·es est de 30 ans après la majorité des victimes. En outre, la loi du 21 avril 2021 a mis en place la prescription glissante qui permet de lever la prescription pour les victimes d’un même prédateur pédocriminel. Mais il faut aller plus loin.

Depuis le 26 juin 2020, le Conseil de l’Europe, par sa résolution 2330, exhorte les États européens à supprimer la prescription pour les violences sexuelles commises contre les mineur·es.

Aujourd’hui les violences sexuelles sont considérées comme de la torture ou des traitements inhumains.

En 2023, 29 pays dans le monde ont fait le choix de l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur.es.

Nous appelons à ce que la France, nation des droits humains, emprunte le même chemin.

Les crimes sexuels sur mineur·es sont des crimes contre notre avenir commun, ils sont un crime contre notre humanité.

Nous avons le devoir de les rendre imprescriptibles.

Pour l’imprescriptibilité d... by LeHuffPost

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