L’été 2022 a rendu le réchauffement climatique concret pour ces Français

L’été 2022 a été marqué par des événements climatiques extrêmes. Entre prise de conscience, éco-anxiété et changement d’habitudes, ils racontent comment leur vision du monde a été bousculée.

PSYCHOLOGIE - « Pour moi, le changement climatique était certes réel mais je ne voyais pas de dangers immédiats. Mais ça, c’était avant l’été 2022 et les quatre vagues de chaleur associées à une intense sécheresse ». Pour François, 44 ans et père de deux filles, les mois de juillet et d’août ont constitué un véritable déclic.

Canicules à répétition, hectares de forêts disparus en fumée, violents orages… Cet été aura été marqué par des événements climatiques extrêmes, dès la mi-juin. « Cela ne correspond à rien de ce que j’ai connu et de ce que mes parents ont connu », poursuit François, qui s’est confié au HuffPost suite à notre appel à témoignages.

Ses paroles résonnent avec celles tenues par le chef de l’État mercredi 24 août, lors du Conseil des ministres de rentrée. « C’est la fin de l’insouciance », déclarait Emmanuel Macron, qui complétait ensuite : « Nous vivons la fin de l’abondance ».

Comme François, beaucoup de Français ont été bouleversés par ces événements climatiques extrêmes, entraînant des prises de conscience écologique ou un sentiment d’éco-anxiété. « ’On n’a jamais connu ça de mémoire d’homme’, je l’ai entendu presque partout », remarquait le ministre de la transition écologique Christophe Béchu dans Le Monde mi-août.

« J’ai finalement compris que c’était bien réel »

Pour François, cet été a en effet constitué le point de départ de sa prise de conscience écologique. « J’ai finalement compris que le changement climatique, et ses dangers, était désormais bien réel, palpable et immédiat et que le 1 degré de plus sur notre climat n’allait pas faire passer la température en été de 26 à 27 degrés », écrit-il.

« Je me suis replongé dans les rapports du Giec, j’ai passé des heures à m’informer et toutes les preuves scientifiques me sont apparues dans leur globalité… Avec une conclusion abrupte : le climat tempéré que j’ai connu dans mon enfance et adolescence entre les années 1980 et les années 2000 a déjà disparu », rapporte celui qui travaille dans la recherche pharmaceutique.

Et il n’est pas seul. Joëlle, 74 ans, s’est elle aussi alarmée dans les pages du Figaro : « J’ai l’impression que c’est plus grave que dans ma jeunesse ou même qu’en 2003 ». « J’ai compris que c’était urgent », ajoute-t-elle. Dans La Croix, c’est Clément, 27 ans, qui souligne que le changement climatique fait à présent consensus au sein de sa famille. « Ceux qui s’inquiétaient le moins du réchauffement climatique avant ont changé d’avis depuis les événements de l’été », raconte-t-il.

Pour la coprésidente du Giec Valérie Masson-Delmotte, cette prise de conscience est rationnelle face aux événements récents. « Beaucoup s’étaient construit une carapace pour ne pas voir la gravité et éviter de changer leurs pratiques. Ce qui s’est passé cet été fait exploser ces carapaces. C’est la perte de l’insouciance », explique la climatologue dans Le Monde. « Je vais sur mes 73 ans et je n’ai jamais vu ça sur une si longue période », témoigne en ce sens Régis à propos de la canicule, depuis le Finistère (29).

Une éco-anxiété démultipliée

Mais pour beaucoup, cette prise de conscience s’est accompagnée d’une angoisse jusqu’alors inexpérimentée : celle de l’éco-anxiété. « Cela a éveillé en moi une anxiété toute nouvelle qui n’a fait que s’amplifier », livre François. « J’ai traversé mes deux semaines de vacances comme un fantôme », appuie-t-il.

Et de fait, ses congés d’été se sont transformés en enfer : « Ma première crise d’angoisse s’est finalement matérialisée quand j’ai pris l’avion avec toute ma famille pour nos vacances estivales qui étaient planifiées de longue date. Une fois arrivé sur notre lieu de vacances, je me suis retrouvé à pleurer sans arriver à me calmer ».

Si chaque canicule entraîne « un pic d’appels d’éco-anxieux », le phénomène s’est en effet accentué cet été, selon le psychologue et spécialiste de l’éco-anxiété Pierre-Eric Sutter, interrogé par Libération. « Cela a démarré l’année dernière, avec la sécheresse au Canada. À ce moment-là, la moitié de ma patientèle est devenue éco-anxieuse (...) . Je n’avais jamais vu une telle demande. D’autant plus, depuis la première canicule de juin dernier », affirme-t-il.

Si certains ont souffert cet été pour la première fois de cette détresse liée à l’urgence environnementale, d’autres l’ont vu se raviver. « Avec l’été que nous venons de passer à travers le monde, mon anxiété a encore grandi et me paralyse de plus en plus », souligne Alice auprès du HuffPost. Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes partagent également ce ressenti.

Envolé donc ce relâchement propre à l’été. Pour Maureen, qui témoigne dans La Croix, les événements climatiques estivaux ont été « extrêmement » stressants. Pour François, ces derniers l’ont conduit à perdre l’appétit et à ne plus réussir à imaginer « un avenir viable pour [ses] enfants ».

Un été qui les a décidés à changer leurs habitudes

À l’inverse, cet été a également décidé certains à révolutionner leurs habitudes. François le premier. « Nous avons changé notre alimentation et sommes devenus flexitariens, je prends les transports publics au maximum au lieu de mon SUV qui me fait désormais honte, nous avons fait des devis pour poser des panneaux photovoltaïques », liste-t-il, ajoutant qu’il a décidé de ne plus prendre l’avion.

Marie-Odile, qui vit au Portugal et dont la prise de conscience écologique s’est accélérée ces derniers mois, a fait de même. Désormais, lorsqu’elle se rend en France, « c’est par le bus ». « Je suis passée aux shampoings solides, aux produits de lavage et aux produits de beauté bios », écrit-elle au HuffPost.

Leur investissement individuel leur semble cependant dérisoire. « Cela me paraît futile par rapport à la quantité de travail que l’humanité doit faire pour espérer rester au-dessous du +1,5 degré », met en avant François. « Je passe à côté de champs avec des systèmes d’arrosage défaillant et le soir je rentre chez moi en disant à mes enfants de bien fermer le robinet pendant qu’ils se lavent les dents ! », pointe du doigt Gabriel auprès du HuffPost.

Pour tous néanmoins, l’été 2022 restera dans leur mémoire comme celui d’une prise de conscience écologique. Mais la chercheuse Annamaria Lammel, experte de l’adaptation cognitive au changement climatique, prévient dans La Croix : « La mémoire climatique est extrêmement courte ».

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