JO de Paris 2024: "Les Jeux de Paris, pour moi ça ne sera que du bonus", estime Lavillenie

Vous revenez de blessure, comment vous sentez-vous?

Dans l'ensemble, je me sens plutôt bien. Suite à l'opération, tout a vraiment bien évolué. Elle était vraiment indispensable dans mon processus. J'ai pu reprendre le saut à la perche il y a quelques semaines et ça se passe bien. C’est au niveau des attentes que je pouvais avoir et surtout toutes les douleurs que j'avais pu sentir l'année dernière ont disparu à la pratique donc c'est quand-même une vraie avancée. Maintenant, il me reste encore un peu de temps pour monter en puissance, continuer de bien renforcer la zone et ensuite commencer à me projeter sur les premières compétitions qui vont globalement arriver relativement vite d'ici la fin du mois de mai. C’est une période qui est assez intéressante parce que c'est là où globalement je vais faire les plus gros progrès chaque semaine.

Vous êtes encore gêné aux ischios?

Gêné, non. J'ai encore un petit déficit sur deux muscles : le muscle fessier et l'ischio. Petit déficit de puissance parce qu’il y a beaucoup de travail à faire. C'est pour ça que je continue de travailler sur un renforcement très spécifique sinon c’est tout. Je ne le ressens pas. Si on ne met pas des valeurs scientifiques sur certains tests, je ne ressens pas de différence et de gêne particulière. Je sais que les semaines ne peuvent que permettre que ça s’améliore.

Vous prenez du plaisir à sauter à nouveau?

Je prends et je reprends du plaisir par rapport à mes dernières séances qui remontent à quelques longs mois. Mais l'année dernière, je sautais, c'était un peu difficile parce que j'avais régulièrement mal donc c'était un peu particulier d'être satisfait de ça.

Là, je reprends du plaisir parce que je suis un peu plus libéré dans ma pratique. Du coup, je vois que de semaine en semaine ça va de mieux en mieux et quoi qu'il arrive, c'est pour moi la plus grosse dose de plaisir à aller dans la pratique du saut à la perche. Dès lors que je suis capable d'en refaire, ça me permet de me libérer et de me mettre dans une dynamique très positive.

A ce jour, à combien estimez-vous vos chances de qualification?

C'est une question piège ça (rires). Je pense que j'ai quand-même de grandes chances parce que je sens que physiquement, ça se remet vraiment bien en place. Objectivement, j'ai déjà eu des moments où j'ai où j'ai sauté la barre de qualif, 5m82, dans des conditions qui étaient clairement moins bonnes que celles dans lesquelles je suis actuellement.

Après, ce qui est compliqué, c'est que la fenêtre est relativement courte parce que je vais reprendre les compétitions vers le 22 mai et le 30 juin, tout sera définitif. Mais l'un des plus gros avantages que je peux avoir, c'est que la barre des minima, je l'ai déjà franchie dans ma carrière plus de 150 fois. Ce n'est pas une fois de plus ou une fois de moins qui va changer la donne. Et surtout, c'est une barre que j'ai passée à maintes reprises dans des contextes bien différents. Donc cette expérience-là peut avoir un énorme impact dans la continuité. Je ne peux pas dire que je suis 100 % confiant, mais en tout cas, je suis plus confiant et qu’apeuré de ça. Je verrai comment je serai début juin.

Justement, quand allez-vous reprendre et où?

Si tout se passe bien, je devrais faire mon retour le 22 mai sur un meeting à Clermont-Ferrand que je vais organiser avec mon club qui me permet de limiter les déplacements et donc d'optimiser un peu. Ensuite, je vais avoir une programmation avec des meetings tous les week-ends, mais sur quatre week-ends d'affilée. Beaucoup de compétitions vont être en France donc ça va me permettre de limiter les gros déplacements Après le point culminant va être les championnats de France le 30 juin à Angers où, clairement, la sélection sera importante.

Donc le retour est prévu à la maison, chez vous à Clermont?

Oui, normalement. On est encore en plein travail d'organisation pour le meeting. C’est un nouveau meeting qu'on va lancer avec eux avec des épreuves de course également sur un stade qui a été fraîchement rénové il y a deux ans à Clermont-Ferrand. Ça va être une belle opportunité et moi ça me permettra de pouvoir me projeter facilement. Si jamais pour X ou Y raisons ça ne se passe pas comme prévu, au moins je n’ai pas perdu trois jours de voyage de déplacement sur une compétition et dès le lendemain je peux continuer de m'entraîner sans avoir perdu trop d'énergie et ça c'est très important sur des débuts de saison. À l'inverse, si ça se passe très bien, le plaisir de faire quelque chose à domicile est toujours important.

Vous voulez réaliser les minima à Clermont?

Sur la première, ça va être très compliqué de jauger. Une semaine avant, je vais savoir à peu près ce que je vais viser. Si c’est un meeting de rentrée où l'objectif va être de repasser des barres, de refaire des sauts, de reprendre un peu le rythme de la compétition… Ma dernière compétition remonte quand-même à fin juillet 2023. Mais à la fois, si ça se passe très bien à l'entraînement et que je vois que j'ai déjà des hauteurs franchies assez intéressantes, je pourrais commencer à me projeter et me dire que potentiellement, je peux viser les minima, mais c’est encore un peu trop tôt pour savoir… Mais l’objectif c’est quand-même de potentiellement tenter de faire les minima dès la première. Ce serait plus que bon signe pour la suite de ma préparation.

Renaud, on est presque à J-100 des Jeux olympiques de Paris, vous avez déjà en tête la médaille?

Non, loin de là, parce que déjà à J-100, il faut se préoccuper de se qualifier dans premier temps et ce n'est pas une mince affaire. C’'est déjà un gros objectif sportif que j'ai, qui va durer jusqu'au 30 juin, dernière date pour pouvoir se qualifier. Ensuite, si tout se passe bien, on commencera à se préparer pour d'abord le concours de qualification et ensuite on sait qu'en finale, tout peut arriver mais il faut quand même retrouver un certain gros niveau pour espérer être sur le podium à Paris. Chaque chose en son temps.

Si vous deviez détailler vos objectifs sur ces 100 jours qui restent avant les Jeux?

Sur les 100 jours qui restent, je dirais, il y a les 30 prochains, voire les 45 prochains qui vont vraiment être une montée en puissance d'un point de vue physique et du coup sur la perche.L'objectif est de continuer de bien préparer le corps pour qu'il puisse tenir sur la période de compétition et être présent jusqu’à la fin.

Ensuite, il va y avoir la période de J-55 à J-25 où il va falloir tout mettre peu importe l'état dans lequel on sent, il ne faudra pas se poser de questions et y aller à fond pour se donner les moyens d'y arriver. Et puis, il va y avoir la période du mois de juillet qui va être une période assez intéressante parce que si la qualif est actée, il faut mettre le dernier coup de collier à l'entraînement pour ensuite se préparer pour être le plus performant possible. Préparer le concours de qualification qui va avoir lieu le 3 août pour entrer dans les douze. Après le travail sera fait pour jouer la finale et jouer ce qu’on peut aimer.

C’est-à-dire quoi?

Tout est possible. Franchement, dans mon cas, je sais que le plus dur sera d’atteindre les trois derniers et d’entrer en finale. Ça a toujours été le cas, même quand tout allait très bien. Le plus dur était de rentrer en finale et une fois qu'on est en finale, tout peut arriver. Pour moi, l'objectif est de faire une place à minima dans le top 8 parce qu'on sait que quand on est dans le top 8, souvent on n'est pas loin du top 3 et il suffit d'un essai… d'une barre…. Pour que le destin soit tout beau ou pas. Mais je compte sur sur l'appui du public en France pour aller chercher la petite barre de plus, c'est ce à quoi je m'attends.

Est-ce que vous vous postulez officiellement pour être porte-drapeau?

Officiellement non, parce que de toute façon, ça dépend de ma qualif. Si je ne suis pas qualifié, la question ne se pose pas. Clairement, tout de suite, ce n'est pas mon combat. Je l'ai été de manière beaucoup plus présente il y a trois ans pour Tokyo. Là, je suis tourné sur quelque chose de complètement différent. Si jamais ça se présente à moi, je ne vais sûrement pas le refuser mais l'objectif est clairement d'être axé sur le côté sportif, sur le côté compétition et pour le porte-drapeau, on attendra.

Si au mois de juin, il y a des performances qui me laissent croire que je vais pouvoir me qualifier, peut-être qu'on évoluera sur ça. Pour l'instant, ça ne sert à rien de penser à quelque-chose qui est encore un peu trop loin du but.

Vous êtes candidat?

On verra… Si je me qualifie, je serai candidat. On va faire chaque chose en son temps. La première, c'est de s'assurer de se qualifier et puis après on verra.

Vous ressentez de la pression par rapport à la qualification?

Non non parce que j'ai la chance déjà d'avoir vécu plusieurs JO. Clairement, les Jeux de 2024, ce n'est pas l'événement qui va changer ma vie. Ce sera forcément toujours bon à prendre et ça sera toujours très positif mais pour moi c'est vraiment que du bonus. Si ça marche, c'est top. Si jamais ça ne marche pas, ça ne sera pas un drame dans ma vie.

J'avance dans ce sens-là en me disant que je me donne les moyens d'y arriver et puis on verra. Mentalement je suis dans une bonne disposition où déjà je prends du plaisir dans mon quotidien et je sais que le plaisir au quotidien m'a souvent permis de faire de bonnes compétitions.

Il n’y aurait pas quand même de la frustration de ne pas participer à ces Jeux à Paris?

Le truc c’est que tous les athlètes français rêvent d'y aller et en fonction des sports, en fonction des disciplines, il y aura qu'un certain nombre très restreint. Pour nous au saut à la perche et en athlétisme, c'est que trois par pays, trois par disciplines. Il y en a beaucoup qui vont être frustrés, ça fait partie du jeu et ça fait partie du sport. Il y aurait eu une énorme frustration si c'était mes premiers Jeux ou les deuxièmes, ou j'avais vraiment un gros truc à jouer. Là, j'en ai déjà fait trois, j'en ai déjà gagné un et j'ai fait deuxième sur l’autre. Je suis déjà plus que bien. Les jeux de Paris, pour moi ça ne sera que du bonus si ça arrive. Je le prends comme ça car c'est ce qui m'aidera à être le meilleur possible.

Ça ne vous fait pas rêver ces Jeux à Paris?

En fait moi ce sont les Jeux qui me font rêver. Qu’ils soient à Paris ou à l'autre bout du monde, je serais dans la même disposition actuellement. Évidemment, le fait que ce soit à Paris, c'est quelque chose qui est magnifique mais ce n'est pas parce que c'est à Paris que je suis toujours là. Je suis toujours là, parce que j'aime ça.

Article original publié sur RMC Sport