JO 2024: "Ça me brise", d'origine arménienne, le lutteur français Gagik Snjoyan explique pourquoi il renonce au TQO en Azerbaïdjan

Le Français Gagik Snjoyan a fait une croix sur le tournoi de qualification olympique de lutte gréco-romaine qui se tient vendredi prochain à Bakou en Azerbaïdjan. Le prometteur moins de 67 kilos est d’origine arménienne. Comme l’équipe de son pays d’origine et d’autres lutteurs dans la même situation que lui, il a choisi de ne pas se rendre dans le pays voisin, avec qui l’Arménie est en guerre depuis presque 40 ans. Il sait qu’il compromet lourdement ses chances de participer aux Jeux olympiques. Sa famille, très marquée par le conflit, ne voulait pas qu’il fasse le voyage malgré les précautions prises par la Fédération française de lutte.

Gagik Snjoyan, votre nom apparaissait sur la première liste de sélectionnés pour ce TQO vendredi prochain à Bakou. Mais il a été remplacé par celui de votre coéquipier Mamadassa Sylla. Pourquoi?

C’est une question de sécurité avant tout. On sait que la qualification olympique se joue en Azerbaïdjan et étant moi-même d’origine arménienne j’ai décidé de ne pas y aller. C’est une raison de sécurité. Sachant le conflit qu’il y a entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et en prenant en compte l’avis de ma famille, je n’ai pas pris le risque d’y aller.

C’est votre famille qui vous a convaincu? Vous vouliez vous rendre à ce tournoi?

En tous les cas, j’avais pris la décision d’y aller. Je savais qu’il y avait un risque. Mais à voir l’état de mes parents, de mon grand frère, j’ai envie de dire que je me suis senti obligé de ne pas y aller. Ils étaient vraiment mal, un état critique je dirais. Dans leurs regards, dans leurs paroles, j’ai vu qu’ils n’étaient vraiment pas rassurés. J’ai pris la décision de les rassurer et donc de ne pas y aller.

Quels ont été vos arguments pour essayer de les faire changer d’avis?

La Fédération française de lutte a contacté la Fédération internationale de lutte pour expliquer la situation. UWW (la Fédération internationale) a dit que tout allait bien se passer. De son initiative, la FFL a engagé une personne pour qu’elle me protège là-bas. La Fédération a tout fait. J’ai présenté tout ça à mes parents. Ce conflit n’est pas récent, il dure depuis des années et des années. Ils ont perdu des proches dans la guerre. Tout ça s’est accumulé, ils ont tous ces souvenirs, ces décès, la situation actuelle, ils ne m’ont pas écouté. Malheureusement ils ne veulent pas en entendre parler.

C’est Mamadassa Sylla qui vous remplace en moins de 67 kilos. S’il se qualifie vous ne pourrez pas tenter votre chance lors du dernier TQO en mai en Turquie. Vous êtes dans quel état d’esprit? Vous souhaitez qu’il se loupe?

Je lui souhaite vraiment de la réussite, du fond du cœur. C’est un bon athlète qui s’entraîne dur. Je ne pourrais pas dormir sur mes deux oreilles en souhaitant le mal à un partenaire. S’il se qualifie tant mieux, il fera les Jeux. S’il ne se qualifie pas, j’aurai vraiment à cœur de participer au TQO prévu à Istanbul.

Pour les lutteurs, la qualification olympique passe par Bakou, c’est obligatoire. Il n’y a pas d’autre chemin. C’est l’histoire et la politique qui vous empêchent de tenter votre chance?

Je le répète: 'qu’est ce que j’ai à voir là-dedans?' Je pensais que ça n’arrivait qu’aux autres. J’ai mérité ma place. Ces JO me tiennent à cœur. C’est sûrement le tournoi le plus important de ma vie. Je sais que je suis prêt et que je peux me qualifier pour Paris 2024. C’est la vie, ça ne me décourage pas, ça me fait mal. Je n’ai pas envie de faire le robot, ça me brise. Je vais rester debout et continuer à aller chercher cette place aux Jeux.

Article original publié sur RMC Sport