Jeux Olympiques de Paris 2024 : Après la mascotte « Made in China », la boutique fait-elle mieux ?

Après peluche « Made in China » des Jeux Olympiques 2024, la boutique officielle fait-elle mieux ?
Le HuffPost Après peluche « Made in China » des Jeux Olympiques 2024, la boutique officielle fait-elle mieux ?

JEUX OLYMPIQUES - La bataille de la production n’est pas encore gagnée. Dans les allées des boutiques officielles des Jeux Olympiques de Paris 2024, des milliers de références, mais c’est toujours (ou presque) la même chose. Made in China, made in Bangladesh : sur les étiquettes, 80 % des produits n’ont pas été produits ni même assemblés, sur le territoire français.

Avec parfois des variations. Certains objets, comme les T-shirts officiels, sont de marque américaine (mais toujours produits en Asie). Côté français, des marques emblématiques licenciées sont bien présentes : Lunettes Vuarnet, Chaussette de France… Mais là encore, attention aux petits caractères, exemple avec les jouets Vilac, une marque hexagonale qui met la fabrication locale au cœur de sa stratégie. Ainsi, le mini-jeu de quilles tout en bois siglé de la marque et du logo des Jeux est bien garanti Made in France, mais il est bien seul dans sa catégorie.

Le « problème structurel » du made in China

Car que l’on se tourne vers le ravissant petit voilier, ou le jeu de pétanque version jouet d’enfant, tous deux faits de bois pourtant, le made in China revient inévitablement. La raison avancée par les distributeurs est double. « On n’a plus du tout le savoir-faire en France » sur toute une gamme de produits, constate Éloi de Charentenay, directeur de la communication de la marque jurassienne. Et puis il y a bien sûr l’argument du prix, « le portefeuille du consommateur ».

Certes, Vilac revendique une « image premium », mais il en faut pour toutes les bourses. Le mini-jeu de quilles made in France coûte cinquante euros, le petit voilier made in China vingt euros : un échantillon représentatif de la boutique, ou les quelques références produites localement sont souvent les plus chères. Bref, si la boutique des Jeux est la « vitrine de l’art de vivre à la française » que souhaitait le président du comité d’organisation Tony Estanguet dès 2018, c’est la fragile façade d’une réindustrialisation qui n’a pas (encore) eu lieu.

On se rappelle ainsi que dès 2022, une polémique avait terni la révélation des Phryges, la mascotte officielle des JO de Paris. Lorsqu’il fut rendu public que les peluches incarnant le petit chapeau souriant étaient, déjà, en partie made in China, les commentaires désagréables n’avaient pas tardé ; de la pasionaria de l’entreprise Sophie de Menthon (« une insulte à toutes les entreprises françaises ») jusqu’à l’exécutif lui-même.

Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, avait ainsi déploré un « problème structurel » empêchant les fameuses peluches d’être produites sur le territoire national, avant de déclarer avec optimisme : « Je veux croire qu’on a encore quelques mois avant que les JO ne se tiennent pour être capables de corriger le sujet ». C’est un « problème », admettait de son côté le ministre de l’Environnement, Christophe Béchu. Et aujourd’hui ? Plus de problème, que des solutions.

20 % de made in France dans la boutique

« Bien que je ne puisse me satisfaire de la présence de produits dérivés fabriqués en Chine dans nos boutiques, l’offre “Made in France” représente environ 20 % de l’offre totale, un résultat satisfaisant compte tenu du calendrier », s’est enthousiasmé ce dernier auprès du HuffPost. En résumé : c’est mieux, et c’est déjà pas mal.

À la montagne qu’il reste à gravir, Christophe Béchu préfère le chemin parcouru, rappelant que « pendant la Coupe du monde de rugby [en 2023], les produits sous licence commercialisés n’étaient pas “Made in France” ». Et cet effort, les heureux élus en témoignent eux-mêmes. Produire en France, « c’était l’un des critères de base du cahier des charges » pour les entreprises voulant s’associer aux JO, confirme le responsable des jouets Vilac.

Mais le contexte, avec « des entreprises, mêmes françaises, qui font du tout-Chine », alors que l’on ne met « jamais assez de barrières pour ce qui est importé » depuis là-bas, rendrait impossible une boutique remplie de produits français. « Ça reste un exploit de continuer à produire en France, surtout dans le domaine du jouet », avertit Éloi de Charentenay, « mais on voit une vraie envie » du côté de l’organisation des Jeux pour mettre la production hexagonale en avant. « Il faut voir le verre à moitié plein », conclut l’entrepreneur. D’autant que le verre à moitié vide, Sophie de Menthon s’en charge très bien.

« Condensé de tout ce qui ne marche pas »

Contactée par Le HuffPost, la présidente du mouvement patronal Ethic ne décolère pas : « On a pris conscience il y a cinq ans qu’il fallait des usines […] il faut cinq ans pour ouvrir une usine en France, quand c’est deux ans ailleurs ! » Accusant pêle-mêle les impôts de production, les contrôles « qui cherchent la faute en permanence » et les entraves « de la gauche et de l’extrême gauche », l’entrepreneuse médiatique se refuse à donner un bon point à cette boutique. « C’est un condensé de tout ce qui ne marche pas », résume-t-elle.

A minima, « si on avait fait un effort […] on aurait pu lancer un concours des objets français pour les JO ! ». « Je ne dis pas que ça aurait été une vitrine française » tempère Sophie de Menthon, estimant tout de même qu’on aurait alors pu aller jusqu’à 40 % de made in France. Mais le résultat est là : « On a dans la boutique des Jeux Olympiques le résultat de la politique politicienne française ».

Aujourd’hui, les différentes boutiques officielles des JO, dont la dernière en date ouverte dans le quartier de La Défense à Paris, abritent cette situation si contrastée. C’est là, peut-être, qu’il reste encore un signal à donner, explique Éloi de Charentenay : s’il dit sentir « une vraie demande du made in France », les consommateurs doivent accepter de payer plus cher pour de la qualité. « Autant acheter un jouet de qualité durable que 3-4 avec lequel un enfant joue 5 minutes », avant de conclure, fataliste : « Tout notre mode de consommation serait à revoir ».

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