Jet privé : Qui prend ces avions en France (et pour quoi faire) ?

Derrière l’image d’Épinal du jet privé, un moyen de locomotion en pleine démocratisation et plus seulement utilisé par les hommes d’affaires.
DYLAN MARTINEZ / REUTERS Derrière l’image d’Épinal du jet privé, un moyen de locomotion en pleine démocratisation et plus seulement utilisé par les hommes d’affaires.

DYLAN MARTINEZ / REUTERS

Derrière l’image d’Épinal du jet privé, un moyen de locomotion en pleine démocratisation et plus seulement utilisé par les hommes d’affaires.

ÉCOLOGIE - Alors qu’un effort est demandé à tous les Français pour réduire leur consommation énergétique, l’idée d’une limitation voire d’une interdiction des jets privés en France commencer à creuser son sillon dans l’Hexagone, au nom de la lutte contre l’injustice climatique. Au même moment, le gouvernement évoque à demi-mot l’éventualité d’une régulation de ces engins aériens privés.

« Le jet a valeur de symbole, et les symboles sont importants pour éviter que les Français aient l’impression qu’on demande des efforts toujours aux mêmes, les classes moyennes et populaires. Ils peuvent être choqués que certains de leurs concitoyens prennent des jets privés pour faire des sauts de puce », a reconnu sans mal le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, ce mardi 23 août sur France Inter.

Et si Olivier Véran se démarque des récentes propositions du ministre des Transports Clément Beaune quant à la réglementation de ces avions en France, il a toutefois reconnu qu’une concertation à l’échelle européenne pouvait « avoir du sens ».

« Mais les jets privés sont souvent des transports commerciaux, avec une grande réactivité : c’est créateur d’emplois, il ne s’agit pas d’interdire cela, a précisé Olivier Véran. L’usage privé des jets privés est une toute petite partie de l’usage du jet, qui est lui-même une toute petite partie de l’usage de l’avion, qui représente une toute partie des émissions. Cela ne va pas refroidir la planète. »

Plus de voyageurs et de famille en jet privés

Jean Castex, Elon Musk ou plus récemment Bernard Arnault ont tous fait les frais du phénomène de tracking, qui permet de suivre en direct le trajet des avions et jets. Pourtant, comme l’avance Olivier Véran, les jets privés ne représentent-ils qu’une « toute petite partie de l’usage de l’avion » et des émissions des CO2 ?

Selon le rapport 2021 de l’ONG Transport & Environment, qui agit à l’échelle de l’Union européenne sur les questions d’écologie dans le secteur des transports, « seulement 1 % des personnes sont à l’origine de 50 % des émissions mondiales de l’aviation ». Et pour cause : « En une heure, un seul jet privé peut émettre deux tonnes de CO2 », rappelle l’ONG.

Au mois de mai 2022, Bernard Arnault, patron de l’entreprise de luxe LVMH — et par ailleurs Français le plus riche du monde —, avait émis 176 tonnes de CO2, là où en moyenne, un Français émet autour de 11,5 tonnes de CO2 par habitant. « Chaque année, 1 000 vols particuliers entre Paris et Nice sont recensés, autant de pollution que 40 000 familles faisant le même trajet en voiture thermique neuve », peut-on encore lire dans le rapport de T&E.

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Un privilège qui semble réservé aux riches fortunes et célébrités, mais pas que. Si plusieurs stars ont récemment été pointées du doigt pour leur utilisation abusive de ces appareils, en France, peu de personnes en détiennent réellement un. Le modèle de la location reste le modèle le plus répandu dans l’Hexagone.

Mais contrairement aux déclarations d’Olivier Véran sur la propension du secteur à être « créateur d’emplois », la plus grosse compagnie de jets privés basée en France ne comptabilise que 130 salariés, là où à titre d’exemple la SNCF regroupe 150 000 salariés.

S’il est historiquement privilégié pour les voyages d’affaires, le recours au jet privé semble aujourd’hui s’élargir à un public plus large souhaitant s’affranchir de certaines contraintes inhérentes aux voyages en avion classique, surtout depuis l’apparition du coronavirus. Comme preuve de ce nouveau phénomène qui attire un public plus large — mais toujours extrêmement fortuné —, l’entreprise VistaJet observait une augmentation de 29 % du nombre de nouveaux membres sur l’année 2020.

Plus surprenant encore, chez PrivateFly, un site de réservation en ligne de jet privés, les familles s’invitent également à bord de ces avions privés. « La composition de notre clientèle change sensiblement, avec beaucoup plus de familles et de nouveaux voyageurs qu’auparavant », constate dans le Figaro Adam Twidell, directeur général de l’entreprise.

Un secteur favorisé par la crise sanitaire

En plus d’être dix fois plus polluants que les vols commerciaux, selon T&E, les jets privés ont pour spécificité d’être surtout utilisés pour des vols relativement courts (moins de 500 kilomètres). En 2019, un dixième de tous les vols au départ de France étaient effectués à l’aide de jets privés et, parmi tous ces vols, 50 % seulement effectuaient des trajets supérieurs à 500 km.

Une propension aux « sauts de puce » qu’a Bernard Arnault, dont l’utilisation abusive de ces engins sur des distances parfois très courtes par le compte Twitter @laviondebernard révolte les défenseurs de l’environnement. 18 vols réalisés au mois de mai, dont un trajet record Londres-Londres de 10 minutes le 28 mai.

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Depuis 15 ans, mais surtout depuis l’apparition du Covid-19, la part des vols privés dans l’aviation française semble bondir, comme le souligne dans le Figaro Thomas Flohr, fondateur et président de VistaJet, le leader mondial de la location de jets privés. « Nous avons observé une explosion de la demande juste avant le shutdown, en mars 2020. En septembre, avec l’interruption des vols commerciaux, nous avons aussi battu des records. Les hommes d’affaires avaient toujours besoin de travailler, les gens avaient toujours besoin de voyager ».

Le patron de l’entreprise de location aux 160 appareils estime d’ailleurs que le Covid a « convaincu de l’efficacité de l’aviation privée, loin de l’image hollywoodienne du jet, associée au luxe et au champagne ». Les usagers de jets — qui en moyenne possèdent tout de même une fortune de 1,3 milliard d’euros — se servent généralement ces avions pour gagner du temps et atteindre des petits aéroports, en dehors des horaires grand public.

Enfin, la démocratisation de ce secteur — au détriment des velléités écologistes — n’échappe pas aux phénomènes comme le coavionnage (équivalent aérien du covoiturage). L’entreprise française Wijet permet d’emprunter un vol privé à quatre pour 2 400 € l’heure de vol (pour un aller-retour) dans un rayon d’action de 2000 kilomètres. Des vols de courte durée pour s’évader le temps d’une journée et dont les prix ne cessent de baisser en raison de la demande grandissante depuis plus de deux ans.

À voir également sur Le HuffPost : Voici le bilan carbone du jet privé de Bernard Arnault (mais ce n’est pas le pire)

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