« J’ai longtemps cherché mon père, je l’ai retrouvé grâce à une émission télévisée » - Témoignage

 À 26 ans, je me suis dit « Il faut que j’apaise cette situation avec mon père. Si je ne le fais pas, je serai en souffrance toute ma vie. »
À 26 ans, je me suis dit « Il faut que j’apaise cette situation avec mon père. Si je ne le fais pas, je serai en souffrance toute ma vie. »

TÉMOIGNAGE - Jusqu’à l’âge de 8 ans, j’ai vécu seul avec ma mère. On m’avait dit que mon père était mort, et j’ai grandi sans me poser de questions particulières à son sujet - jusqu’au jour où il m’a appelé. Je repense encore à ce moment de mon enfance avec beaucoup d’émotion. J’ai découvert que j’avais un père, qu’il vivait aux îles Canaries et qu’il avait envie de me voir.

Je suis allé passer un mois chez lui, durant lequel il m’a emmené nager, fait découvrir son île, et présenté ses deux filles, mes sœurs. De mes yeux d’enfants, je découvrais une nouvelle famille et tout semblait idyllique, jusqu’à mon retour en France où nous avons perdu contact à nouveau.

Je n’ai pas parlé à mon père jusqu’à ma majorité

Je ne l’ai appris que plus tard, mais après cet été-là, mon père a souhaité me reconnaître officiellement - donc obtenir une autorité parentale sur moi - et ma mère s’y est opposée, avant de lui interdire de me revoir. Même si je lui en ai beaucoup voulu pour cette décision, avec le recul, je la comprends : nous étions tous les deux en France, il était loin et il était difficile pour elle de le voir débarquer, comme si de rien n’était, après huit ans sans nouvelles. Elle a eu peur de me perdre.

Je suis donc resté sans nouvelles de mon père jusqu’à ma majorité. Un soir, dans un bar avec des amis, j’ai reçu un coup de fil d’Espagne et j’ai reconnu sa voix. Cette fois-ci, c’est moi qui l’ai envoyé sur les roses avec beaucoup de colère. Je lui ai dit que je n’avais aucune envie de renouer avec lui, que j’avais eu besoin de lui bien plus tôt pendant mon enfance et pas à 18 ans, une fois devenu adulte. Après cette conversation, il n’a pas retenté de me joindre. Moi, j’ai continué mon chemin en y pensant sans cesse. Je ressentais beaucoup de colère et même si je faisais tout pour la refouler, elle m’affectait beaucoup. Je sentais que mes relations aux autres étaient souvent teintées d’agressivité, que je testais la capacité de mes proches à rester auprès de moi ou à m’abandonner.

À 26 ans, je décide de le retrouver

Progressivement, le vernis de déni sous lequel j’avais enfoui cette histoire familiale a commencé à craquer. À 26 ans, soit huit ans après mon dernier contact avec mon père, pendant une période de remise en question générale de ma vie, j’ai eu un déclic. Je me suis dit « il faut que j’apaise cette situation avec mon père si je veux être en paix avec moi-même et avec les autres. Si je ne le fais pas, je serai en souffrance toute ma vie. »

Je me suis mis en tête de le retrouver et durant des mois, je l’ai cherché partout où j’ai pu. Sur Internet ? Rien. Dans l’annuaire ? J’ai appelé plusieurs numéros portant son nom en espérant tomber sur quelqu’un de sa famille, mais l’exercice était trop éprouvant : je me retrouvais à raconter mon histoire à des inconnus et je finissais par pleurer au téléphone. Quand j’ai commencé à perdre espoir, je suis tombé sur un appel à témoignage d’une émission de télévision espagnole, qui disait « Vous voulez retrouver une personne éloignée, un membre de votre famille perdu ? Contactez-nous ». Je me suis dit que c’était l’occasion dont j’avais besoin.

J’ai répondu à cet appel à témoignage en donnant toutes les informations que j’avais sur mon père. Son nom, la région où il habitait, le prénom de sa femme et son métier. Après plusieurs appels et vérifications, il leur a fallu deux semaines pour le retrouver, et ils m’ont rappelé pour m’inviter sur le plateau de cette émission de télé espagnole, à Madrid.

@leandro.decarvalho

Quand j'avais huit ans, je rêvais de retrouver mon père... Regardez ce qu'il s'est passé 18 ans plus tard... #storytime #realisetesreves #histoirevraie #histoiredefamille #tiktokstorytime #pereetfils

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L’émission télévisée qui a permis nos retrouvailles

Je suis parti pour l’Espagne avec beaucoup d’appréhensions. D’abord, parce que je n’avais pas parlé espagnol depuis longtemps et que j’avais très peur de ne pas réussir à dire tout ce que je voulais, ensuite, parce que je ne savais pas si mon père serait vraiment présent ou non. Les producteurs m’avaient prévenu qu’ils lui avaient invité mon père sans m’informer de sa réaction. J’étais aussi très effrayé à l’idée d’aller déballer mon intimité à la télévision.

Dans le même temps, je me préparais aussi à un moment dont je rêvais longtemps. J’avais beaucoup idéalisé ces retrouvailles et je savais ce que je voulais lui dire. Il était temps pour moi de savoir à quoi m’en tenir dans ma relation avec mon paternel, et c’était une très grande étape. Avant même que je ne puisse lui adresser la parole, c’était déjà l’un des plus beaux jours de ma vie.

Arrivé sur le plateau de télévision, l’émission a suivi un schéma assez classique. Le présentateur a raconté mon histoire, puis m’a donné la parole. Ils m’ont montré des images de la production en train de remettre une invitation à mon père à l’écran, et c’était la première fois que je revoyais son visage depuis mes 8 ans. Ensuite, ils m’ont prévenu qu’il allait se présenter sur le plateau, et j’ai fondu en larme en me disant « Ça va être réel, les retrouvailles vont avoir lieu ».

J’ai pu lui dire que je l’aimais, qu’il me manquait et que j’avais envie de renouer avec lui. Il a fait beaucoup de blagues pour détendre l’atmosphère, et a bien sûr accepté mon invitation à reprendre contact. Après l’émission, sans caméras, nous nous sommes retrouvés autour d’un verre.

Apprendre à connaître son père à l’âge adulte

Quand nous avons recommencé à passer du temps ensemble, je n’attendais aucune explication de sa part. J’avais travaillé à lui pardonner son absence dans ma tête et à faire table rase, je voulais juste le retrouver et créer de nouveaux souvenirs avec lui. Il a quand même tenu à se justifier, et à me raconter les circonstances de son absence. Son amour de vacances avec ma mère en Espagne, sa mère à lui qui déchirait son courrier et qui l’avait empêché de recevoir les lettres de ma mère lui annonçant ma naissance.

Ces neuf dernières années, notre relation a eu des hauts et des bas. Je me suis vite rendu compte que je l’avais idéalisé et qu’il était très différent de ce que j’imaginais. Nos caractères sont à l’opposé, et nous apprivoiser mutuellement a pris du temps. Ce n’a pas été « tout beau, tout rose » comme dans mes souvenirs d’enfance mais aujourd’hui, nous avons une relation harmonieuse. On se donne des nouvelles et tous les ans, dès que je peux, je vais passer du temps avec lui en Espagne.

Il a fait la démarche de me reconnaître légalement comme son fils et cette symbolique a été très importante pour moi. Le retrouver m’a aussi permis de renouer avec mes sœurs. Je me sens soulagé : j’ai retrouvé cette partie de ma famille, j’ai fait la paix avec mon passé et je me suis apaisé. Même si on ne peut pas rattraper ce temps perdu, ensemble, nous construisons de nouveaux souvenirs et j’en suis très heureux.

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