Sur Israël, Joann Sfar est en colère contre ceux qui gardent le silence par « peur de perdre des followers »

Joann Sfar est l’une des rares personalités à prendre la parole après les attaques en Israël.
Instagram Joann Sfar / Eric Fougere - Corbis / Getty Images Joann Sfar est l’une des rares personalités à prendre la parole après les attaques en Israël.

ISRAËL - Joann Sfar n’a aucune intention de se taire. Il était parmi les milliers de personnes qui ont défilé dans les rues de Paris ce lundi 9 octobre après les violentes attaques du week-end. Son dessin « Nous Vivrons » est devenu viral sur les réseaux sociaux. Pourtant, plus que de juste dire sa tristesse pour le peuple israélien, l’auteur du Chat du Rabbin veut faire de la pédagogie. Et explique au HuffPost l’importance de voir des personnalités publiques prendre la parole sur le sujet.

Le 7 octobre, le Hamas a lancé une offensive d’une ampleur inédite contre Israël, tuant plus de 900 personnes. La riposte a été immédiate et côté palestinien, les autorités locales recensent 687 personnes tuées. Le conflit se poursuit avec un siège de Gaza, des frappes aériennes, et la traque des membres du mouvement islamiste palestinien dans le sud d’Israël, tandis que le Hamas menace de tuer les otages à chaque frappe. Outre Atlantique, de nombreuses personnalités ont pris la parole pour apporter leur soutien à Israël. En France, c’est plus rare.

Après les attaques du week-end, vous n’avez pas tardé à prendre la parole, en dessin sur Instagram ou sur le plateau de BFMTV. Pourquoi c’était important pour vous ?

On ne mesure pas à quel point le conflit du Proche-Orient est proche de nous à tous les niveaux. Notre histoire, nos relations. Et on ne mesure pas à quel point les populations israéliennes et palestiniennes ont énormément en commun. Je fais partie des voix juives qui depuis toujours, parlent pour la Palestine, pour un État palestinien, et une réhumanisation du conflit qui doit aller dans les deux sens.

Il y a une réalité très complexe du terrain et de l’histoire. Mais plutôt que d’aller les affronter, il y a une paresse intellectuelle à transformer le conflit en un match de foot. En mettant des gentils, et des méchants, en hurlant de joie quand quelqu’un meurt. Non, moi j’ai toujours pleuré quand il y a une forme d’oppression, que les gens ne se comprennent pas. Mais là, on est dans une dimension autre en plus. On n’a pas tué autant de Juifs depuis la Seconde Guerre mondiale.

C’est votre rôle d’artiste de descendre dans la rue, de parler sur des plateaux télé, de prendre la parole ?

Je ne sais pas si c’est le rôle d’un artiste, en tout cas c’est le mien. Quand je fais un livre ou un post, c’est une goutte d’eau, qui touche quelques milliers de personnes. Je sais très bien que personne ne m’écoute, que personne ne m’entend. J’ai simplement de la famille qui vit en Israël et que j’ai au téléphone tous les jours, et j’ai peur pour eux.

Je suis Français, de confession juive. Hier quand je marchais, une vieille dame m’a dit très étonnée : « On est que des Juifs, et c’est bizarre les gens ferment leurs fenêtres et ne sortent même pas nous applaudir », ce qui était tout à fait vrai. Elle était tellement hors du monde, que j’en ai pleuré. Je sais très bien que je ne sers à rien, mais hier je me suis dit que c’était ma place.

Vous partagez le point de vue de certains qui pointent du doigt l’absence de prise de position, le silence de beaucoup de personnalités ?

Si je peux avoir un peu de colère, c’est en effet contre tous les gens qui sont prompts à pétitionner trois fois par semaine pour tout et rien. Eh bien leur silence, il s’est beaucoup vu depuis quelques jours. Je suis surpris quand je vois tous ces grands militants humanistes et féministes qui ne disent pas un mot face aux viols et aux massacres qui ont lieu dans le sud d’Israël. Face aux enfants qu’on arrache à leurs parents, aux vieilles dames qu’on tue et dont on met la photo sur Facebook.

Je ne comprends pas le vide cérébral ou l’endurcissement du cœur qui existe. Je ne comprends pas que tout le monde ne soit pas dans la rue face à ça. Je pense qu’il y en a certains qui ont tellement peur de perdre des followers qu’ils ne vont marcher que lorsque les causes leur attirent des likes.

Est-ce que vous comprenez la peur du ’backlash’ qui entraîne cette non-mobilisation ?

En effet, si on veut vraiment aider, il faut s’informer. Sinon, on se ridiculise. On ne devrait pas empirer les choses en les nommant mal ou en les caricaturant. Mais bon, c’est compliqué parce que ça demande plus de 3 minutes d’attention.

C’est certain, il y a beaucoup à perdre à ouvrir sa gueule sur Israël. J’ai toujours défendu un État palestinien et été dans le sens de la gauche ou de l’extrême gauche israélienne. Mais à chaque fois que je dis un mot sur le sujet, sur les réseaux sociaux, ce sont les appels au meurtre, ce sont les insultes. Une agression perpétuelle. Mais il me semble que quand on est humain et qu’il y a une souffrance, on compatit. Point.

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